Les dessous de la méthode Monoprix pour piloter ses innovations
Par Clotilde Chenevoy | Le | Drive to store
Chaque année, Monoprix édite un cahier de tendances qui sert de boussole pour innover dans chacun des métiers. Retour sur cette organisation avec l’éclairage de Maguelone Paré, directrice transformation et innovation au sein de l’enseigne.
« Dès 2019, nous avions identifié que le CBD allait devenir un produit important. Trois ans plus tard, Monoprix est devenu le premier vendeur de produits CBD en France ». Voilà l’un des faits d’armes de l’équipe innovation, piloté par Maguelone Paré, directrice transformation et innovation.
Pour dessiner les services de demain, la directrice s’appuie notamment sur un cahier de tendances. La 4e édition a été publiée cette année. « Il est devenu très attendu par les équipes, se réjouit-elle. Ce document, réalisé uniquement pour l’interne, vient aider tous les collaborateurs à comprendre le contexte dans lequel on est et à lui faire prendre conscience de certains changements sociétaux qui peuvent avoir des conséquences sur le business. On enchaîne en plus les crises, l’encéphalogramme plat, c’est fini. Comme un joueur de tennis, on doit sans cesse avoir les pieds qui bougent. Rien n’est acquis mais ce n’est pas une fatalité. Les crises sont un moment de remise en question, et cela a du bon. »
Ce cahier de tendances est confié à deux personnes en interne, qui se charge de décrypter les signaux émergents dans la société en général. Ils scrutent ce qui se passe dans les milieux culturels, la santé, la politique ou désormais aussi dans les séries télévisées …. « Le nombre de signaux s’est élargi avec le temps, souligne Maguelone Paré. On ne peut pas ne pas tenir compte du succès de Dont’ look up par exemple. »
Des tendances et des pistes d’activation
Chaque année, le cahier de tendances valorise 5 tendances et 34 pistes d’activation. Pour 2022, le document rappelle en préambule que les consommateurs sont plein de paradoxes. Ainsi, le niveau d’exigence des consommateurs a augmenté et en même temps, il est de plus en plus sous contraintes, notamment budgétaires. Il pointe également que les Français veulent optimiser leurs vies et sur tous les aspects, pro et perso. Mais ils n’ont en même temps jamais eu autant envie de lâcher prise. Par ailleurs, 5 grandes tendances ont été creusées l’écologie inclusive, l’émancipation identitaires, les plaisirs immersifs, les nouvelles efficiences et le far web 3.0. Chaque tendance est illustré par des faits marquants ou des chiffres.
Chaque sortie du cahier de tendances est accompagnée d’un lot de présentation aux différents comités de direction et de pilotage jusqu’aux équipes terrain avec des réunions en visio s’ils le souhaitent. Mais le rôle de la cellule innovation consiste également à accompagner les équipes. Car après le décryptage, vient le temps de la partie activation.
Par exemple, le cahier de tendances a ainsi pu mettre en lumière la tendance de fonds des consommateurs qui cherchent à changer leur petit-déjeuner, avec moins de sucre. « On ne va pas travailler à la place des catégories managers mais on va le challenger en lui donnant des pistes d’activation par rapport à la résonance de l’ère du temps, explique la directrice innovation. Nous leur donnons du grain à moudre et l’envie de créer. Ce n’est pas un métier scientifique. Il ne faut pas suivre de façon aveugle les tendances en plus mais les adapter à la sauce Monoprix. »
Un changement culturel et des implications RH
L’édition du cahier de tendances et la sensibilisation des équipes à celles-ci s’accompagnent aussi chez Monoprix d’une conduite du changement et cela pose plein de questions au niveau des ressources humaines. « Il faut former les équipes, recruter ou allouer des gens à ces nouveaux services, pointe la directrice innovation. Cela suppose de repenser aussi la polyvalence des vendeurs. Mais cela a aussi des incidences sur l’IT. Cela touche l’organisation de l’entreprise. Et si on n’embarque pas tous les métiers, on n’arrivera pas à transformer l’essai. »
Monoprix revoit donc les lettres de mission de son personnel et elle fait aussi appel au volontariat. En mai, l’enseigne ouvre un café vélo à Annecy. Le lieu est une évolution du concept mobilité lancé l’an passé. En plus d’une offre de cycles de seconde main, d’accessoires et de quelques PGC ciblés, il y a aura un café ainsi qu’un espace location de vélo. Pour piloter l’espace, un appel à candidature a été fait qui a permis d’identifier un fan de deux roues dans le magasin. « Dans les entretiens annuels, on demande désormais aux collaborateurs leurs centres d’intérêts », indique Maguelone Paré. Des informations qui peuvent servir à mieux gérer les aspirations individuelles des équipes, voire à faire émerger d’autres idées. « Je crois beaucoup à la force des idées terrains », souligne la directrice innovation. La prochaine étape pour Monoprix, au-delà de chercher à avoir un quart d’heure d’avance sur la concurrence avec différents tests de service, consiste à faire vivre ce cahier des tendances toute l’année, par exemple en créant une plate-forme digitale pour suivre en permanence les nouvelles informations.
Révision des indicateurs de performance et des capex sécurisés
Le rendement au mètre carré n’est plus forcément pertinent pour mesurer la pertinence d’une innovation. Certains services vont apporter du trafic.
Mais avoir des idées est une chose, mais encore faut-il avoir les moyens de sa politique… Chez Monoprix, Maguelone Paré dispose d’un budget sécurisé pour innover. Les équipes doivent en revanche trouver le bon équilibre dans la répartition des investissements entre les tests et les sommes nécessaires pour ensuite déployer un projet qui a prouvé sa pertinence. Le choix se fera selon des indicateurs de performance internes, que Monoprix ne dévoile pas, mais la direction innovation souligne que « le rendement au mètre carré n’est plus forcément actuel. Certains services vont apporter du trafic. »
Se nourrir des échecs
Tous les tests ne sont pas un succès, mais tel un joueur de tennis il faut vite bouger estime la directrice. Par exemple, Monoprix veut travailler le sujet de la silver économie et un corner Senior a été créé. « Cela n’a pas été un succès, on a carrément eu un rejet de nos clients qui ne se retrouvaient pas sous cette appellation, explique Maguelone Paré. Nous avons donc changé d’approche. La cible sont des clientes de 60 - 65 ans qui sont davantage des aidants que des aidés. » Ce pivot donne lieu à un nouveau test avec Nos Aimés depuis quelques semaines, où des services sont proposés pour aider dans la recherche d’auxiliaire de vie par exemple. Les équipes réfléchissent à la mise en place d’un système pour gérer deux livraisons en même temps, etc.
Cet enseignement sur l’approche des seniors a aussi été pris en compte pour le lancement d’espaces Petits-Enfants… qui ciblent pourtant les grands-parents. Déployées dans une vingtaine de magasins, ces zones vont proposer des activités pour ces deux générations. Elles permettent ainsi à Monoprix de faire évoluer son rayon jouets qui fonctionne surtout à Noël. Le verdict dans quelques semaines pour conclure, ou non, sur un jeu-set et match.
Le commerce Responsable - Comment Monoprix s’en empare
Les faits marquants relevés dans le cahier des tendances :
• 62 % des consommateurs prennent en compte l’impact environnemental dans leur choix de conso (Obsoco 2021).
• Vente de produits bio dégringole, ce critère n’est plus l’unique repère d’une meilleure consommation. Nouveau rapport qualité-prix chez les clients.
• Emergence de produit à impact zéro ou garantie à vie. Par exempe, Levi’s avec un NFT qui explique la fabrication et garantie le jeans.
L’appropriation par Monoprix :
• Rendre son offre anti-gaspi omnicanal, avec la proposition de produits à DLC ou DLUO courte sur le site Monoprix Plus.
• Développement du service « Je m’appelle reviens » pour un prêt d’objet du quotidien.
A venir : Ajout de borne de recharge avec Bump ainsi que des bornes de collect de produits usagés avec Back Market.