Que retenir du nouveau magasin Leroy Merlin de Villeneuve-d’Ascq ?
Avec ses 15 000 m² sur deux niveaux, le nouveau Leroy Merlin de Villeneuve-d’Ascq se veut vitrine régionale et site pilote national. Transfert stratégique, 50 millions d’euros investis, orientation RSE affirmée, innovations logistiques et retail media in-store en font un concentré des ambitions de l’enseigne.

À deux jours de l’ouverture officielle, le nouveau Leroy Merlin de Villeneuve-d’Ascq ne ressemblait pas encore à un magasin flambant neuf mais à un chantier en pleine effervescence. Dans les allées encore encombrées, des palettes s’empilaient, des cartons s’ouvraient à la hâte, tandis que des techniciens ajustaient la signalétique lumineuse ou réglaient les derniers écrans interactifs. Au détour des rayons, des collaborateurs, gilet vert sur le dos, fixaient des étagères ou vérifiaient les stocks, chacun concentré sur sa tâche. L’impression était celle d’une ruche : une agitation organisée, à la fois fébrile et méthodique, où chaque geste comptait pour tenir le délai. C’est dans cette atmosphère à la fois studieuse et électrique que l’enseigne avait choisi de convier la presse. « Vous êtes sur un magasin à deux étages en termes de commerce, avec deux niveaux de surface de vente pour un total de 15 000 m², a posé d’emblée Hugues de La Roer, directeur concept. C’est un peu plus que celui que nous avons en face, 1 000 m² de plus exactement, puisque l’ancien était sur un seul niveau en rez-de-chaussée. »




















Un transfert de site devenu incontournable
Face au nouveau bâtiment, l’ancien magasin, ouvert depuis plus de 30 ans, illustre le chemin parcouru. « L’emprise foncière ne pouvait plus évoluer et devenait obsolète, rappelle Hugues de La Roer. C’était un magasin qui avait énormément vieilli, structurellement et intérieurement. Nous avions déjà beaucoup investi à l’intérieur, mais il était temps de trouver autre chose. » La municipalité de Villeneuve-d’Ascq avait aussi ses attentes. Elle souhaitait récupérer ce foncier pour y développer logements et commerces, afin de redonner du cœur de vie à la zone. Leroy Merlin a donc dû trouver une alternative. Le choix s’est porté sur une friche voisine, vaste mais compliquée : en décembre 2023, il n’y avait rien, sinon des terrains à dépolluer et d’anciennes carrières à combler. Un chantier colossal, préparé de longue date, qui a nécessité près de 50 millions d’euros d’investissement.
Maxime Leroy, directeur du développement immobilier, est revenu sur la genèse du projet. « Le magasin a changé dix fois », confie-t-il. Le foncier actuel a été acquis à la veille du Covid. Le projet a ensuite été densifié, passant d’un niveau à deux pour répondre à la hausse des coûts des matériaux et optimiser la rentabilité. « Pour nous commerçants, ce n’est pas le schéma idéal, car nous savons qu’il y aura toujours moins de flux sur le deuxième étage, mais nous savons faire », explique-t-il. L’enjeu a donc été de rendre le parcours client le plus fluide possible. « Nous avons organisé un stationnement tout autour du magasin, couvert et très proche des entrées, car dans le Nord il pleut souvent. On monte un seul demi-niveau pour accéder à la surface de vente. En dessous, nous avons organisé toute la délivrance, avec des pas de tir pour charger la marchandise. C’est essentiel car 40 % du chiffre d’affaires sort de la zone de retrait marchandises. »
Une orientation RSE affirmée dès l’entrée
Dès le rez-de-chaussée, le parcours client reflète la volonté de l’enseigne de prolonger la durée de vie des produits. Un espace dédié au service après-vente, mais aussi aux cours de bricolage, occupe une place centrale. « L’idée est de réparer, d’entretenir, mais aussi d’apprendre à nos clients à le faire, explique Hugues de La Roer. L’offre s’étend également à la location de matériel et à la revente de produits reconditionnés. » Les univers concernés vont de l’outillage électroportatif à l’éclairage, en passant par le matériel motorisé de jardin. La RSE s’exprime aussi par la pédagogie. « Le climat change, adaptons nos maisons » : ces messages visibles dans chaque univers repositionnent l’achat dans une perspective plus large. « Certains de ces engagements existaient déjà, mais nous avons choisi de les rendre beaucoup plus visibles et systématiques », souligne Didier Baloche, directeur merchandising. Le Home Index complète ce dispositif en donnant une note lisible à la performance environnementale des produits.
Historiquement déjà très sollicité, le SAV de Villeneuve-d’Ascq est désormais le plus important de France en nombre d’interventions et de pièces réparées. L’enseigne a voulu capitaliser sur cette expertise en renforçant sa visibilité. « Le client peut venir directement avec son robinet qui fuit, et nous faisons le test sur place », illustre Didier Baloche. L’objectif est clair : permettre aux clients de prolonger la durée de vie de leurs équipements, mais aussi d’apprendre à le faire.
Retail media in-store : une première pour l’enseigne

Autre innovation tout aussi stratégique : l’introduction du retail media in-store. Dix-huit écrans digitaux et des dispositifs rétroéclairés (backlights) jalonnent le parcours, diffusant à la fois des messages institutionnels et des campagnes de marques partenaires. « L’idée est de pouvoir valoriser nos services, mais aussi de faire travailler des annonceurs. C’est une nouveauté dans nos magasins », explique le directeur concept. Le dispositif est conçu pour être ciblé par univers. Tous les écrans sont en LED, de taille volontairement modeste pour limiter l’empreinte énergétique. La régie est confiée à Valiuz, société gérée par l’AFM.

Mais aussi l’arrivée des grandes étiquettes électroniques connectées avec son partenaire Hanshow. Elles affichent le stock en temps réel, la localisation des produits dans le magasin et, via NFC, renvoient vers l’application mobile. « Le client peut faire clignoter l’étiquette correspondante à son produit et la repérer immédiatement en rayon », illustre Hugues de La Roer.
Une expérience client inspirante
Les univers produits ne sont plus présentés en linéaires serrés, mais dans des showrooms pensés pour l’inspiration. Dans l’univers cuisine, plusieurs espaces montés et équipés permettent au client de se projeter dans un projet complet. « C’est un choix assumé : montrer la vie réelle et donner envie, plutôt que d’empiler des façades et des éléments en rayon », insiste Hugues de La Roer. La salle de bains, la décoration ou encore les sols suivent la même logique. Les clients peuvent tester, comparer, manipuler. « Avant, nous avions beaucoup de références serrées, des linéaires qui pouvaient sembler indigestes. Ici, nous avons travaillé sur l’expérience et la clarté », confirme Didier Baloche, directeur merchandising. Moins de profondeur visible immédiatement, mais davantage de lisibilité et d’inspiration.
Nous avons conçu des showrooms qui permettent de voir un projet complet mis en situation, plutôt que de simples linéaires de produits
Pour soutenir cette nouvelle approche, le magasin s’appuie sur une organisation logistique repensée. Des réserves de proximité, situées directement derrière les univers, permettent d’alimenter les rayons sans rupture. « Cela permet de réduire les allers-retours et d’apporter immédiatement le produit au client », explique Hugues de La Roer. Un entrepôt central complète le dispositif, notamment pour les articles volumineux.

Cette organisation doit accompagner le développement du click & collect, fortement encouragé avec l’extension des lockers et du retrait marchandises. « Nous passons de 40 à 140 lockers », précise le directeur concept. Particularité de ce magasin, trois casiers XXL permettent de stocker des volumes surdimensionnés. « Nous parlons à la palette : on peut charger jusqu’à deux palettes complètes, sur des hauteurs allant de 1,80 m à 2 m », poursuit-il. Ces casiers accueillent aussi bien des commandes passées en ligne que des retraits liés à des achats effectués en magasin. « En principe, les volumes commandés en magasin sont plutôt orientés vers la délivrance, mais si le client n’est pas équipé le jour même et souhaite revenir plus tard avec une camionnette, nous pouvons lui proposer un retrait en locker. C’est disponible toute la journée, sans contrainte d’horaire. »
Le magasin dispose de réserves de proximité intégrées directement derrière les univers.
L’ouverture a mobilisé les 300 collaborateurs du site, répartis entre ancien et nouveau magasin pour assurer la continuité. « Un tiers des effectifs a participé à l’implantation ici, deux tiers maintenaient l’activité en face, puis nous avons organisé des rotations », détaille Juliette Brunet, responsable RH. Objectif : que chacun s’approprie son rayon. Cet investissement humain accompagne la montée en puissance des services d’atelier. L’espace découpe, par exemple, a doublé de surface par rapport au standard. Outre la découpe traditionnelle du bois et du verre, il permettra désormais de couper des barres métalliques et proposera prochainement le polissage du verre. La répartition des métiers a évolué avec davantage de spécialistes, plus de personnel formé à l’accompagnement de projets, et des équipes renforcées sur la logistique.
Un magasin pensé aussi pour les professionnels
Le dernier niveau concentre les univers techniques : bricolage, chantier, rénovation énergétique. Les professionnels représentent environ 15 % du chiffre d’affaires et disposent d’accès facilités, avec monte-charge et livraison directe depuis la Cour des matériaux, désormais totalement couverte. « C’est assez inédit et cela permet beaucoup plus de confort et d’accessibilité, précise le directeur concept. Elle est ouverte dès 7 heures du matin, ce qui répond aux besoins des artisans et des professionnels qui viennent charger leur camion très tôt. » Une innovation concerne l’encaissement dans cette Cour des matériaux. « Jusqu’ici, l’hôtesse relevait les produits dans la camionnette ou la voiture, le client entrait dans l’espace d’accueil pour valider sur une borne, puis passait en caisse. Désormais, tout se fera directement dans le véhicule grâce à la lecture de la plaque d’immatriculation. Le client pourra régler en autonomie sur une borne et la barrière s’ouvrira automatiquement. Cela permet de fluidifier un parcours dont nous savons qu’il constitue aujourd’hui un point noir. »
L’offre en rénovation énergétique est également renforcée : chauffage, isolation, fenêtres, photovoltaïque. « Nous voulons permettre à nos clients de trouver non seulement des solutions installées par des poseurs, mais aussi des produits en libre-service qu’ils peuvent mettre en œuvre eux-mêmes », explique-t-il.
De fortes ambitions commerciales
La zone lilloise est concurrentielle, avec la présence de Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt). « Nous aurions pu ouvrir un quatrième magasin à l’ouest de Lille, mais nous avons préféré nous densifier ici », explique Maxime Leroy., directeur du développement L’enseigne mise sur des magasins plus grands et modernisés, capables de capter davantage de parts de marché avec moins de sites. Avec ses 15 000 m² (dont 12 000 intérieurs), Villeneuve-d’Ascq se positionne dans le haut de la fourchette de l’enseigne, proche du magasin phare de Massy-Palaiseau (16 000 m²). Mais il n’appartient pas encore au top 10 des sites français. « Pour y entrer, il faudrait une progression de 40 à 50 % du chiffre d’affaires », reconnaît Hugues de La Roer. L’ambition est donc claire : faire de Villeneuve-d’Ascq une vitrine régionale et un site pilote national, capable de rejoindre rapidement les locomotives de l’enseigne. Pour y parvenir, le magasin mise sur un double levier : accroître le panier moyen grâce aux projets complets (cuisines, salles de bains, rénovations énergétiques) et augmenter la fréquence de visite par le développement des services (location, ateliers, reconditionné, click & collect renforcé).
Au-delà de Villeneuve-d’Ascq, Maxime Leroy, directeur du développement, a partagé la feuille de route nationale. « Nous avons un plan d’investissement de 200 millions d’euros par an, soit un milliard sur cinq ans, pour rénover l’ensemble de nos actifs », indique-t-il. L’enseigne réalise chaque année entre cinq et six réorganisations majeures de magasins, auxquelles s’ajoutent des transferts comparables à celui de Villeneuve-d’Ascq. « Cette année, nous avons eu deux créations : une à Troyes, issue de la reprise d’une coque concurrente sur un chantier de cinq mois, et une autre à Saintes, prévue avant fin d’année malgré des recours déposés (par des concurrents) », détaille-t-il. D’autres projets sont en cours : le transfert du magasin de Clermont-Ferrand d’ici la fin de l’année, puis celui de Thoiry l’an prochain. « Nous avons également des restructurations lourdes à Toulon, Arras, Annemasse, Montsoult, Vitry, Nîmes, et nous avons ouvert Mérignac en juin », liste le directeur du développement. Sur le chiffre d’affaires attendu, il n’a pas souhaité communiquer de montant précis, tout en précisant que « l’objectif est de gagner des parts de marché sur la zone », ce qui justifie l’investissement dans un équipement de cette envergure.
Chaque innovation testée ici - du retail media in-store aux services de seconde vie, en passant par les nouveaux ateliers et l’organisation logistique - a vocation à être évaluée puis, si elle est concluante, dupliquée ailleurs. « Nous ne reproduirons pas forcément tout à l’identique, car chaque implantation a ses spécificités, mais ce site nous sert de référence », précise Didier Baloche. Avec ses surfaces repensées, ses parcours immersifs et l’accent mis sur l’accompagnement client, Villeneuve-d’Ascq s’impose comme un modèle à suivre, vitrine régionale et véritable laboratoire national pour Leroy Merlin.