Comment Leroy Merlin veut vraiment devenir un acteur d’ultra-proximité
Par Dalila Bouaziz | Le | Concepts
Cet article est référencé dans notre dossier : Les derniers concepts de magasins en France et à l'international
Depuis quatre ans, l’enseigne de bricolage tâtonne, expérimente sur le marché de l’ultra-proximité à Paris via des concepts uniques. Nouvelle réponse avec l’ouverture d’une boutique « Le Kiosque » dédiée aux services dans le 15e arrondissement parisien.
Le sujet n’est pas tout à fait nouveau pour Leroy Merlin. Comment s’adresser à ces hypers urbains peu présents dans ses magasins, mais au pouvoir d’achat intéressant on imagine bien, c’est la question à laquelle tente de répondre Leroy Merlin.
L’enseigne de bricolage a d’abord ouvert le magasin « L’Appart » dans le 17e arrondissement en 2019 avec la reconstitution de quatre logements typiques du quartier, fermé en juin 2021, dont l’objectif était d’apporter un maximum de solutions à une clientèle peu portée sur le bricolage. La même année, et dans la même veine, le service digital « Leroy Merlin Studio » -pour accompagner les propriétaires parisiens et franciliens dans la rénovation personnalisée de leur habitat- est lancé et trouve son public.
L’objectif est d’arriver à « craquer » l’ultra local, l’hyper proximité.
Nouvelle réponse avec l’ouverture d’une boutique « Le Kiosque » dédiée aux services dans le 15e arrondissement parisien. « Ce projet a été initié par le groupe Adeo (maison-mère de Leroy Merlin) dont l’objectif est d’arriver à « craquer » l’ultra local, l’hyper proximité, et d’aller vraiment au contact de ses habitants, explique Pauline Butryn, cheffe de projet et responsable de la boutique. Porté par notre directeur régional Loïc Porry et une équipe dédiée via le projet PIM (Paris intra-muros), l’ambition de Leroy Merlin France est de trouver des concepts différenciants de ce qu’on a l’habitude de faire historiquement dans nos magasins. »
Un arrondissement en zone blanche
Située à quelques mètres des magasins dédiés à la cuisine et salle de bains deux expérimentations également en cours (ainsi qu’à Nice), avenue Emile Zola, cette boutique d’une superficie de 40 mètres carrés concentre les prestations incontournables pour tous les projets de déménagement, installation ou rénovation (de manière autonome ou en le déléguant via un prestataire) pour ces clients parisiens. « Nous nous sommes vraiment focalisés sur l’habitant du 15e, souligne Pauline Butryn. Un arrondissement dans lequel nous avons peu de parts de marché. Nous voulons comprendre les raisons alors que les magasins de Beaubourg et la Madeleine sont relativement proches. »
Un premier « rapport d’étonnement » qui a donné envie à Leroy Merlin de creuser davantage auprès des habitants. Un travail en amont sur l’étude de leurs besoins a été effectué via des rencontres de quartier, auprès des commerçants, des agences immobilières et en visitant des appartements. « Nous avons découvert que les habitant du 15e ont souvent la particularité de tout refaire avant leur emménagement versus d’autres arrondissements où les propriétaires vont d’abord réaliser la cuisine ou la salle de bain et voir le reste plus tard. »
L’enseigne a aussi travaillé sur des focus groupe pour essayer d’étayer au maximum les services. « Sans grande surprise, le 15e est plutôt typé village, quartier d’ultra proximité, explique la cheffe de projet. Dans les verbatims et questionnaires, il est ressorti qu’ils recherchaient un tiers de confiance afin d’être accompagné dans tous les petits sujets qui touchent au bricolage. Les habitants se qualifient comme peu bricoleurs, n’ayant pas le temps et préférant déléguer. Mais ils ont une vraie exigence sur la prestation achetée et son déroulé. »
Le « Tour-opérateur » des besoins
Première réponse dans le Kiosque, la notion d’accompagnement dans les travaux est affichée dès l’entrée du concept avec trois formules et la sélection d’un prestataire à chaque fois. « Le Kiosque a vocation d’être un peu le Tour-opérateur du besoin, souligne la responsable. Nous avons sélectionné à chaque fois le bon partenaire et la meilleure solution en mode plateforme. »
Pour les petits travaux, la start-up Yoojo pour aider à la pose d’une tringle à rideaux, d’un interrupteur… Pour réaliser l’installation d’un dressing, un changement de WC, etc. Leroy Merlin met en avant sa jeune pousse Quotatis. Enfin, pour les projets plus conséquents, l’enseigne met en avant son service « Leroy Merlin Studio ». « Nous sommes en itération perpétuelle et aujourd’hui nous sommes en train de découvrir si nous avons vu juste sur la réponse à la promesse habitant et plus précisément sur les réponses à leurs besoins », pointe Pauline Butryn.
Des prêts d’outils et une offre déménagement
Autre retour des habitants, les logements ne permettent pas de stocker un grand nombre de produits d’outillage. « En tant que bon voisin, nous leur proposons de leur prêter gratuitement nos outils : perceuse, tournevis, clés à molette, scies, pinces, grattoirs, marteaux, outils de mesure… » Un établi est aussi mis à leur disposition pour venir couper ou bricoler dans le Kiosque. « Nous restons dans cette notion d’hyper proximité », indique la cheffe de projet.
Une offre pour les déménagements est aussi proposée via une offre réduite mais qui reprend les essentiels (cartons, scotchs, couverture, papier à bulle, diable…) mais aussi la possibilité de faire appel à un prestataire spécialisé. « Nous nous sommes rendu compte que dans le 15e, il y avait énormément de mouvements immobiliers. Mais ce qui est assez curieux et particulier à cet arrondissement, c’est que les riverains déménagent mais restent dans le quartier. »
Des collaborateurs « ambassadeurs »
Ouvert de 10h à 19h du mardi au samedi, le Kiosque compte trois collaborateurs, appelés « ambassadeurs » aux profils plus atypiques pour l’enseigne de bricolage : hôtellerie, agent immobilier et start-up dans le quartier spécialisé dans les soins et l’esthétique. « Ils n’ont pas une vocation commerciale. Et qui mieux qu’un ambassadeur peut faire la promotion de nos services auprès des habitants. Leur mission principale est d’accompagner le client du début jusqu’à la fin de son projet, en allant plus loin que le simple besoin, en racontant l’histoire du Kiosque. Nous sommes vraiment en co-construction. »
Et bien sûr de renvoyer si nécessaire sur les services et magasins de Leroy Merlin. « Nous avons la chance avec le Kiosque de pouvoir prendre le temps de discuter avec un habitant, de lui poser les bonnes questions, de creuser… Une vraie particularité du concept. Aujourd’hui, les ambassadeurs peuvent prendre cette parenthèse de réassurance et effectuer tout le parcours d’achat avec eux : choisir le bon produit, planifier la livraison… mais aussi fixer un rendez-vous avec un conseiller de l’un de nos magasins parisiens si besoin. »
Une expérimentation de deux ans
Pour se faire connaître et capter cette clientèle parisienne, différents moyens de communication ont été lancés : une campagne pendant 15 jours dans le métro dans les stations les plus proches de l’arrondissement. De manière plus disruptive, plus de 250 boulangeries ont affiché sur les sacs à pains l’ouverture du Kiosque.
Les premiers mois doivent permettre de comprendre et intégrer ce que recherchent les habitants du 15e
Les premiers mois doivent ainsi permettre de comprendre et intégrer ce que recherchent ces consommateurs parisiens. « Nous avons ouvert volontairement en avril dans une période très calme pour que les habitants nous découvrent progressivement. » Leroy Merlin veut laisser le temps à cette expérimentation et voir si son offre servicielle est en adéquation, en mode test and learn. « Ce sont des changements de mentalité et de vision pour l’entreprise. » Ce projet de transformation a ainsi vocation à durer deux ans. Les premières décisions seront alors prises. « Aucun autre projet de Kiosque sera lancé, pointe Pauline Butryn. Nous avons su contrôler nos investissements pour être sur un modèle de test. Notre rôle sera par la suite de présenter une copie et d’indiquer tout ce qui a fonctionné, ce sur quoi on doit encore travailler et de processer au maximum pour pouvoir industrialiser le concept si l’expérience est concluante. »