Naturalia muscle sa conquête clients sans lâcher son ADN bio
Portée par une croissance retrouvée, Naturalia ouvre une nouvelle phase de transformation : refonte des magasins, offre recentrée, stratégie prix offensive et accélération du snacking. Objectif : séduire un public plus large tout en restant fidèle à son ADN 100 % bio.
Après deux années marquées par la contraction du marché et une sensibilité accrue au prix, Naturalia retrouve de la vigueur. L’enseigne du groupe Casino affiche un dynamisme après une année 2024 en croissance de 4 %. Naturalia recompose aujourd’hui son modèle pour reconquérir les consommateurs quotidiens, attirer les « néophytes du bio » et consolider son rôle d’acteur urbain de proximité. Cette transformation passe par différents leviers : nouveau concept magasin, repositionnement de l’offre, politique prix renforcée, travail sur les usages, et un modèle de développement plus flexible. L’ambition est claire : élargir la base clients sans renier la promesse bio qui fonde l’identité de la marque.
Un retour de la croissance qui ouvre une nouvelle phase pour l’enseigne
L’embellie est tangible. Sur les neuf premiers mois de 2025, Naturalia progresse de 8,4 % et atteint même 10,4 % au troisième trimestre. Le trafic augmente de 8,6 %. Ces signaux s’inscrivent dans un contexte de reprise du bio spécialisé, mais ils traduisent aussi les effets d’actions engagées depuis plus de deux ans. L’enseigne a atteint un chiffre d’affaires d’environ 360 millions d’euros TTC en 2024 et reste le deuxième acheteur de bio en volumes, même si l’écart avec Biocoop demeure important (1,7 milliards TTC).
Pour Philippe Palazzi, directeur général du groupe Casino, cette croissance ne doit pas être lue uniquement sous l’angle sectoriel. Lors d’une conférence de presse organisée dans le magasin de Neuilly la semaine dernière, il a rappelé que Naturalia occupait une position singulière dans le groupe. « Naturalia est une marque de proximité très complémentaire dans notre portefeuille, souligne le dirigeant. Avec Monoprix et Franprix, nous touchons des clientèles et des usages différents. L’enjeu pour Naturalia est d’aller chercher des consommateurs moins familiers du bio tout en restant fidèle à ses engagements. » L’enseigne se fixe un cap précis : attirer une clientèle plus large, répondre aux attentes quotidiennes et « faire du bio une évidence plutôt qu’une pratique réservée aux initiés ».
Cette croissance retrouvée se veut le point de départ d’une transformation profonde.
La Ferme, pivot de la transformation de l’expérience client
L’une des réponses les plus visibles apportées par Naturalia tient dans un concept magasin repensé en profondeur. Lancé en 2023, La Ferme transforme la visite en une expérience inspirée d’une halle de marché. Le parcours s’ouvre sur un large étal de fruits et légumes, se prolonge vers un pôle fromage repensé, puis accompagne le client à travers des univers plus chaleureux et plus sensoriels que dans le bio traditionnel. 37 magasins adoptent aujourd’hui ce concept et 26 ont été transformés en 2025. Une trentaine de nouvelles transformations sont prévues dans l’année à venir. À horizon 2030, Naturalia vise 70 % du parc sous ce format, un basculement majeur pour l’enseigne. Le coût moyen de conversion, autour de 100 000 euros soit 250 à 480 le mètre carré, veut être accessible notamment pour les franchisés.
Les performances confirment la pertinence du concept. Selon Richard Jolivet, directeur général de Naturalia, « le chiffre d’affaires des magasins La Ferme a augmenté de 21 % en moyenne au premier semestre, au-delà de ce que nous anticipions ». Il voit dans ce format un changement profond. « Nous avons voulu transformer l’expérience client dans le secteur bio. Cela passe par plus de plaisir, plus de convivialité et un accompagnement renforcé, détaille-t-il. Le bio ne doit plus être perçu comme une contrainte ou comme un univers réservé aux initiés. »
La mise en scène du frais, qualifié de « poumon du magasin », concentre une partie des efforts. Richard Jolivet insiste sur ce point : « Le goût est un critère essentiel dans notre sélection. Nous voulons aller encore plus loin, développer l’innovation, renforcer la complémentarité de l’offre et éviter les doublons qui brouillent la lecture du magasin. » Les dégustations proposées le week-end, l’accueil de proximité et la possibilité pour les enfants de goûter un fruit contribuent à redonner une dimension vivante au magasin bio. « Notre objectif est de rendre le bio plus simple, plus chaleureux, plus accessible. La Ferme est un concept conçu pour cela, et les premiers résultats vont au-delà de nos attentes », conclut le directeur général de l’enseigne.
Une offre reconstruite autour des usages quotidiens
Naturalia a également engagé une transformation de l’assortiment pour qu’il reflète davantage les besoins du quotidien plutôt qu’un positionnement essentiellement expert. La première étape a consisté à simplifier. L’offre alimentaire a été réduite de 8 à 10 % pour éviter les doublons et renforcer la lisibilité. « Nous avons simplifié l’offre pour la rendre plus lisible et plus pédagogique. Notre rôle est d’aider le client à faire le bon choix, pas de l’enfermer dans une profusion de références », résume Richard Jolivet. Cette simplification a permis de mettre en avant les basiques et de renforcer la place de certaines catégories, dont les fruits et légumes, redevenus moteur de différenciation. L’enseigne a également travaillé sur les rotations, la mise en avant des produits phares et la cohérence entre les gammes.
La seconde étape, plus visible encore pour le consommateur, concerne la politique prix. Naturalia a étendu son programme de prix bas, élargi ses promotions, et renforcé son programme de fidélité. Ces efforts ont permis à l’enseigne de proposer plus de 3 600 références à moins de cinq euros. Ce repositionnement répond à une demande forte. Comme l’explique Richard Jolivet, « le bio n’a pas vocation à rester une niche. Les promotions, les prix bas et la simplification de nos gammes répondent à une attente claire : permettre à chacun d’intégrer davantage de produits bio dans son quotidien ».
Philippe Palazzi a également justifié cette orientation en rappelant qu’un bio exigeant et attractif devait lutter contre l’image élitiste qui lui est souvent associée. « Le bio doit rester une pratique du quotidien. Nous devons conjuguer santé, plaisir et accessibilité. C’est une attente claire des clients, et c’est ce qui guidera notre transformation jusqu’en 2030. »
Le snacking, un levier de croissance structurant
L’un des chantiers les plus ambitieux de Naturalia concerne le snacking bio. L’enseigne a décidé de s’imposer sur ce marché en plein essor, en misant sur une offre structurée et pensée pour les temps courts de consommation. Les premiers magasins pilotes enregistrent une croissance spectaculaire. Dans les neuf points de vente équipés d’un corner snacking, la catégorie a progressé de plus de 60 % et représente désormais près de 8 % du chiffre d’affaires. Pour Richard Jolivet, cette orientation est stratégique. « Le snacking bio est un très gros levier de croissance. Nous voulons devenir une référence de la vente à emporter, du café au déjeuner jusqu’au dîner. C’est un usage en plein essor, et nos clients l’attendent. » Naturalia développe des produits adaptés, avec des formats plus pratiques, des recettes modernisées et des prix pensés pour capter les déplacements quotidiens. « Nous voulons développer en 2026 le corner dans 79 magasins. »
Le snacking bio est un très gros levier de croissance. Nous voulons devenir une référence de la vente à emporter, du café au déjeuner jusqu’au dîner.
L’objectif fixé pour 2030 est ambitieux : porter le snacking à 25 % de quote-part du chiffre d’affaires des magasins concernés contre 6 à 7 % aujourd’hui. Le déjeuner sous la barre des dix euros, le sandwich autour de 4,80 euros ou les boissons repensées témoignent de cette volonté d’intégrer le bio dans les routines urbaines. Contrairement à Franprix ou Monoprix, pas de stratégie de développer le concept de restauration assise « ou alors à la marge », indique le dirigeant.
La beauté bio retrouve une dynamique
Longtemps pénalisée par la crise du secteur de la cosmétique naturelle, la beauté bio retrouve chez Naturalia une dynamique qui surprend jusqu’aux équipes internes. L’enseigne a choisi de ne pas renoncer à cette catégorie emblématique mais de la repenser. L’offre a été réduite de 8 % à 10 % en enlevant les produits dont les ventes n’étaient pas au rendez-vous, la scénographie entièrement revue et le discours plus pédagogique. « Nous avons réduit l’offre pour la rendre plus simple et plus pédagogique », explique Richard Jolivet. Les magasins pilotes affichent des chiffres particulièrement encourageants, avec une croissance de 8 % de la catégorie. « Le potentiel est là. Les clients attendent du conseil, de la clarté et des choix cohérents avec leurs routines. C’est ce que nous construisons », commente le directeur général. Le déploiement d’un corner beauté dans près d’une centaine de magasins est prévu d’ici 2026.
Un modèle plus agile grâce à la franchise et à la location-gérance
Pour accélérer sa transformation, Naturalia s’appuie aussi sur un modèle de développement commercial plus agile. L’enseigne compte aujourd’hui 214 magasins (contre 224 en 2024), dont environ 64 en franchise ou location-gérance. L’objectif est d’atteindre 50 % de magasins franchisés à horizon 2030. Le dispositif de location-gérance, accessible dès 15 000 euros d’apport, constitue un levier particulièrement attractif. Richard Jolivet voit dans ce modèle une opportunité de redonner au réseau une plus grande proximité territoriale. « La franchise et la location-gérance sont des leviers essentiels pour densifier notre maillage. Elles permettent d’aller plus vite, mais surtout de travailler avec des entrepreneurs qui connaissent leur territoire. » Il ajoute : « Le modèle de location-gérance donne accès à Naturalia avec un apport limité. C’est une façon de démocratiser aussi l’entrepreneuriat bio. Nous voyons des profils nouveaux arriver grâce à cette option. »
Naturalia mise également sur la possibilité de ralliements dans un marché bio en recomposition, où plusieurs chaînes locales cherchent à rejoindre un réseau structuré. « Le bio est un marché de proximité : il doit se construire avec des commerçants ancrés dans leur quartier ou leur ville », rappelle Philippe Palazzi.
La montée en puissance de la MDD au-delà du réseau
La marque propre Naturalia, qui fête ses 20 en 2026, joue un rôle renforcé dans la stratégie. L’enseigne a décidé de la déployer hors de ses murs, notamment dans les magasins Spar et Sherpa du groupe Casino, afin de toucher des consommateurs situés dans des zones où Naturalia n’est pas ou peu présente. Pour le dirigeant, cette extension est essentielle. « La marque Naturalia doit vivre au-delà de nos magasins. En la déployant dans des enseignes comme Spar ou Sherpa, nous touchons des consommateurs que nous ne croisons pas encore. »
Il précise que cette démarche ne vise pas uniquement à renforcer la visibilité. « Étendre notre MDD, ce n’est pas seulement gagner en reconnaissance. C’est offrir une alternative bio fiable dans des zones où le bio manque encore. »
Une innovation qui reste alignée avec l’ADN de l’enseigne
Naturalia revendique une approche d’innovation mesurée mais cohérente. L’enseigne introduit environ 800 nouvelles références chaque année et affinera son offre en 2026 grâce à une analyse bio-ciblée intégrant les effets du climat sur les catégories alimentaires. Le dirigeant en résume la philosophie. « Innover dans le bio, ce n’est pas simplement ajouter des références. C’est comprendre les usages, les moments de vie, et proposer des produits qui facilitent les routines du quotidien. » Il insiste également sur la cohérence de l’innovation. « L’innovation produit doit rester en accord avec notre ADN. Nous ne cherchons pas à suivre les effets de mode, mais à proposer des solutions qui ont du sens dans la vie réelle des clients. »
La transformation de Naturalia s’inscrit dans une stratégie globale portée par le groupe Casino, qui vise un Ebitda de 500 millions d’euros en 2028 et de 644 millions d’euros en 2030. Naturalia y occupe une place particulière, comme enseigne bio de proximité capable de moderniser ses usages tout en restant fidèle à sa promesse. Le directeur général résume la trajectoire : « Notre ambition n’a pas changé : proposer un bio exigeant, mais plus simple, plus accessible et plus ancré dans les usages du quotidien. C’est ainsi que Naturalia s’adressera à davantage de clients sans jamais renier ce qui la fonde. »