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Comment et pourquoi Naturalia se repositionne sur la santé et le goût

Par Clotilde Chenevoy | Le | Communication

Naturalia se repositionne face à un marché complexe et ambitionne que sa marque soit associée à la santé et au goût, plus qu’à la bio. Une stratégie qui découle, selon Allon Zeitoun, son directeur général, des écoutes clients et qui doit surtout permettre d’élargir la clientèle.

Le concept La Ferme Parisienne est en test Rue Aligre à Paris.  - © Républik Retail / CC
Le concept La Ferme Parisienne est en test Rue Aligre à Paris. - © Républik Retail / CC

Naturalia abandonne la bio… dans sa communication. En effet, Allon Zeitoun, son directeur général, vient de dévoiler ce jeudi 6 avril un nouveau positionnement : l’enseigne doit devenir la marque garante du manger sain et du goût, sans valoriser outre-mesure le bio.

Pourquoi ce revirement ? Premièrement parce que le secteur du bio enregistre une décroissance. Le marché en 2022 a décliné de 12 %. L’enseigne Naturalia a, elle, enregistré une baisse de son chiffre d’affaires de 7,7 % pour atteindre 355 millions d’euros. Le directeur général pointe toutefois qu’il y a une sérieuse reprise en mars avec une croissance de 105 % entre mars 2022 et mars 2023. Et le dirigeant a tenu à rappeler que Naturalia est « l’un des rares réseaux de spécialistes rentables. »

Deuxièmement, face à ce désamour des consommateurs, Naturalia a mené des écoutes consommateurs, auprès de clients et de non-clients. Sans surprise, le prix est l’un des principaux freins. Les consommateurs soulignent également le côté intimidant, voire snob, des magasins spécialisés qui ne proposent pas une sorte de pain mais une dizaine avec de l’épeautre, du maïs, du sarrasin, etc. Les consommateurs sont perdus, voire se sentent pris de haut.

Quand on enregistrait une croissance à deux chiffres, tous les reproches sur la bio trop chère, pas bon ou trop snob existaient déjà mais on ne les a pas écoutés. Nous avons manqué d’humilité et nous n’avons pas travaillé sur ces sujets.

« Quand on enregistrait une croissance à deux chiffres, tous ces griefs existaient déjà mais on ne les a pas écoutés, analyse Allon Zeitoun. Nous avons manqué d’humilité et nous n’avons pas travaillé sur ces sujets. La décroissance depuis deux ans a finalement été salvatrice car elle nous a obligé à faire face à ce que les consommateurs nous disaient depuis longtemps. » Pas certain que les actionnaires l’entendent de cette oreille mais une nouvelle dynamique est enclenchée pour sauver les résultats.

Doublement des promotions et mises en place des prix bas

Naturalia a doublé sa quote-part de promos et a ajouté des prix bas, en renforçant la communication sur le lien de vente. - © Républik Retail / CC
Naturalia a doublé sa quote-part de promos et a ajouté des prix bas, en renforçant la communication sur le lien de vente. - © Républik Retail / CC

Pour stopper l’hémorragie et conquérir de nouveaux consommateurs, Naturalia a utilisé plusieurs leviers. Le prix étant le principal reproche adressé aux produits bio, c’est sur ce point qu’Allon Zeitoun et Sébastien Levy, directeur de l’offre et des achats ont travaillé en premier lieu. Ainsi, le retailer a doublé ses offres promotionnelles et des prix bas. La quote-part promotions/prix bas atteint 20 % alors qu’il y a un an elle était de 9 % ! « On s’est attaqué au sujet de manière assez forte, explique Allon Zeitoun. On a 3000 produits à moins de 5 euros. On a aussi investi dans les prix bas avec parfois des prix inférieurs à des prix conventionnels : 85 centimes pour la baguette bio, 2,59 euros le kilo de pommes, etc. »

L’autre arme pour travailler l’image prix, c’est le programme Fid+. Pour 4,99 euros par mois, les clients accèdent à 10 % de réduction. Le dirigeant ne dévoile aucun chiffre, « trop stratégique comme projet ». Il indique simplement « qu’il fonctionne très bien et que nous voulons le déployer sur notre site web pour le rendre omnicanal. C’est un vrai outil de conquête. » Ces deux actions ont permis de contraindre l’inflation qui a atteint 7 % sur les réseaux de spécialiste et 1 % chez Naturalia si le client mise sur les promotions et a pris l’abonnement.  

La fin du tout label bio… la santé avant tout

Concernant l’offre et le nouveau positionnement, le tout bio n’est plus obligatoire. « Notre cahier des charges n’a pas changé et nous restons toujours strictes dans nos critères, certifie le directeur général. Mais le label bio reste encore souvent taxé d’être marketing. Il ne voit pas la valeur qui justifie qu’un prix sera plus élevé de 20 à 30 % par rapport à un produit conventionnel. Notre ambition est qu’en rentrant dans un Naturalia, les gens sachent que ce qu’ils achètent sera bon pour leur santé, et gourmand. Nous pouvons faire rentrer des produits sans le label bio, notamment quand il s’agit d’offres locales et que nous pouvons contrôler les pratiques. Nous allons aussi regarder les différentes initiatives sur l’agroécologie. » Des marques plus connues, que l’on retrouve en GMS comme Avril cosmétiques, Hari&Co ou LoveGreen, font aussi leur entrée dans les rayons pour que les clients retrouvent quelques repères…

Naturalia a ajouté plus d’explications sur les bienfaits des produits avec de la signalétique. - © Républik Retail / CC
Naturalia a ajouté plus d’explications sur les bienfaits des produits avec de la signalétique. - © Républik Retail / CC

Avec ce nouveau positionnement, est-ce que Naturalia reste encore une enseigne spécialisée dans la bio ? Allon Zeitoun balaie très vite l’idée pour un discours très pragmatique : « Si on ne change rien, on partira aux oubliettes ! Nous avons choisi l’ouverture. Nous connaissons nos consommateurs : le sujet n’est pas le bio mais le sans pesticides. L’offre est toujours à 95 % composée de produits bio. S’ils ne veulent pas venir car il y a du non conventionnel, tant pis. Mais peu de consommateurs n’achètent que dans des circuits bio. »

Un nouveau concept plus chaleureux, avec un esprit Trader Joe’s

Pour montrer physiquement aux consommateurs ce changement de positionnement, Naturalia teste actuellement un nouveau concept, « la Ferme Parisienne ». Le pilote est situé rue Aligre à Paris et l’ambiance se veut bien plus chaleureuse. On retrouve l’esprit d’une enseigne américaine à succès, Trader Joe’s (Voir photos plus bas), avec des peintures aux murs, des cagettes et une signalétique plus fun. Dès la vitrine, l’enseigne veut valoriser ses prix bas. Des explications sont ajoutées dans les rayons pour expliquer comment cuire le millet ou détailler les différentes huiles. A partir de QR Codes, les clients peuvent aussi accéder à des idées de recettes.

Autre changement, le magasin est organisé en instant de consommation. Une pratique que l’on retrouve par exemple en Chine. Ainsi, un espace propose tout pour le goûter avec des biscuits, des fruits secs ou encore des compotes. Le vrac est ainsi disséminé partout et crée des aspérités dans les rayons. Le site e-commerce doit aussi évoluer pour être le miroir de ce nouveau positionnement et concept. Le développement des ventes omnicanales représente d’ailleurs un levier de croissance pour les années à venir, un client magasin et web consomme plus qu’un client monocanal. La bataille se jouera notamment sur la capacité de l’enseigne à livrer des fruits et légumes bons et frais selon le dirigeant.

Du test & learn avant un déploiement

Concernant le déploiement de ce nouveau concept, le plan est écrit mais le top départ n’est pas fixé. « Nous avons une dizaine de magasins à convertir avant le 3e trimestre, indique Allon Zeitoun. Mais nous attendons d’avoir stabilisé le concept avant de le déployer. Nous faisons beaucoup de test & learn pour identifier ce qui fonctionne bien et ce que l’on doit optimiser. »

Naturalia ambitionne aussi d’étendre son réseau de 245 magasins avec de nouveaux points de vente, qui seront aux couleurs du nouveau concept. L’enseigne mise plus sur une conversion d’indépendants ou de panneaux concurrents qu’une création pure et dure. « Il y a déjà pas mal de m² sur la bio spé », pointe le dirigeant. Et dans l’optique d’améliorer ses performances, la location gérance va prendre de l’ampleur, avec 5 à 10 conversions prévues en 2023. Les premiers tests menés l’an passé avec deux magasins ont été très concluants, avec un chiffre d’affaires qui a bondi de 20 % ! Des performances salutaires. Reste à voir si ce mode de gouvernance, couplé au nouveau positionnement qui doit venir démocratiser son enseigne, va permettre de renouer avec la croissance dès cette année. Verdict dans quelques mois…