Botanic teste son nouveau concept pensé pour le climat et les usages
À Clapiers, Botanic expérimente un nouveau modèle de jardinerie où l’assortiment, la mise en scène et le conseil sont repensés pour accompagner des jardins plus sobres en eau, adaptés aux territoires et pensés comme de véritables écosystèmes vivants. Un concept pilote appelé à orienter le réseau. Reportage.
Sept mois après le lancement du plan « Jardin de demain » à horizon 2030, le magasin Botanic de Clapiers, au nord de Montpellier, offre une première traduction concrète de la transformation engagée. L’enseigne, devenue société à mission en 2021, y teste un nouveau concept pensé pour répondre à la fois aux défis du changement climatique, à l’évolution des usages du jardin et à l’exigence croissante de conseil. La feuille de route « Jardin de demain », déployée en 2025, repose sur quatre principes : gestion de l’eau, sols vivants, palette végétale adaptée et biodiversité qui orientent désormais l’assortiment, l’accompagnement en magasin et la conception des espaces. Pour en mesurer la performance, l’enseigne s’appuie sur deux magasins pilotes : Clapiers, en zone littorale, et Albertville, en zone de montagne. C’est là que se joue l’avenir stratégique des 73 jardineries du groupe, resté à gouvernance familiale et qui a réalisé 395 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 dans un marché globalement en repli.
La jardinerie face au climat, aux usages et à la différenciation
À l’échelle du marché, le jardin n’est plus uniquement une catégorie d’achats saisonniers. Il est devenu un support de valeurs : bien-être, nature, autonomie, régénération des sols, protection de la biodiversité. Cette évolution se heurte à deux réalités : la baisse tendancielle de l’investissement des ménages depuis 2023 et les contraintes climatiques, particulièrement visibles dans le sud où se situe le magasin de Clapiers. Les acteurs du marché doivent donc repenser leur modèle : quelle offre proposer quand les étés sont plus secs, les sols plus pauvres et les attentes des consommateurs plus fortes ? Botanic a choisi d’y répondre par une stratégie qui ne sépare plus l’offre végétale de l’usage réel que le consommateur va en faire. « Nous avons tiré les enseignements de ce que nous vivons depuis dix ans, explique Nicolas Imberti, responsable Stratégies d’usages jardin. Le jardin n’est plus un décor mais un écosystème vivant qui demande des solutions adaptées à chaque territoire. Notre rôle est de donner cette lisibilité au client, de l’accompagner dans ses projets en tenant compte de son environnement et de la ressource eau. »
À Clapiers, cette transformation se matérialise dans un magasin de 8 000 m², le troisième du groupe en chiffre d’affaires et le premier en « zone littorale ». Son environnement géographique est révélateur : une clientèle majoritairement pavillonnaire, des parcelles de jardin souvent exposées aux épisodes de sécheresse, et un modèle climatique méditerranéen où l’eau est désormais un paramètre structurant de l’aménagement extérieur. Dans les années à venir, l’arrivée du tramway renforcera encore cette zone de chalandise, déjà considérée comme dynamique.
Un magasin structurant du réseau
Le site est emblématique à plusieurs titres. Avec 44 collaborateurs permanents, renforcés jusqu’à 63 en haute saison, il repose sur une équipe historiquement stable, dont une grande partie est présente depuis l’ouverture, il y a 25 ans. Cette ancienneté est perçue comme un atout stratégique dans la mise en œuvre du conseil, considéré comme une clé de différenciation. Le magasin réalise entre 10 et 10,4 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels et se distingue par le poids du jardin : 49 %, contre une moyenne réseau située entre 43 et 44 %.
Les autres marchés : maison, animalerie, alimentation bio, bien-être y représentent une part plus modérée entre 16 et 18 %, mais l’alimentaire bio de Clapiers constitue une référence régionale. Le lien client est particulièrement fort : 72 % du chiffre d’affaires est réalisé par des clients encartés (carte payante à 7,50€). Le programme relationnel s’appuie également sur 16 journées Club par an, assorties d’une remise de -15 % et sur une programmation régulière d’ateliers gratuits (quatre par an en moyenne), considérés comme un prolongement naturel du conseil.
Le passage du magasin à la mise en scène du jardin
La transformation engagée à Clapiers ne consiste pas seulement à revoir l’offre, mais à repenser le rôle du magasin dans l’accompagnement du jardinage. « Notre stratégie, c’est de replacer l’usage au centre. On ne vend pas un végétal pour le végétal. On accompagne une manière d’habiter son jardin », explique Nicolas Imberti, directeur de l’expérience jardin. Cette transformation s’est opérée en deux temps : deux mois de réflexion puis deux mois de réaménagement. Dès le parvis, l’entrée du magasin signale le changement. De grandes compositions végétales prennent place dans des pots de plusieurs dizaines de litres, le parking fait aussi l’objet d’un projet de végétalisation. Le message se poursuit dans la serre : le marché aux fleurs saisonnier est désormais pensé comme un espace d’inspiration plutôt que comme un alignement de tables. Les gondoles centrales ont été retirées pour ouvrir les perspectives et permettre au client de circuler plus librement. Plusieurs zones d’usage ont été définies par exemple comment végétaliser sa terrasse. La pépinière est le secteur qui a le plus évolué. Les racks situés contre les vitres ont été supprimés, laissant entrer la lumière et redonnant une perspective végétale plus forte.
À l’intérieur, la serre et le marché aux fleurs ont été réorganisés pour favoriser l’inspiration.
Les zones spécifiques ont été conçues comme un « jardin étagé » : un arbre structurant, des arbustes intermédiaires, des vivaces en couvre-sol, et des oyas illustrant les pratiques d’arrosage économe. L’enjeu n’est pas tant scénographique que pédagogique. « Le jardin étagé permet d’aborder très concrètement les questions d’autonomie du végétal, de gestion de l’eau et d’association bénéfique des plantes », souligne Nicolas Imberti. Cette logique s’inscrit plus largement dans l’ambition de valoriser la diversité végétale et de regrouper, autour de chaque plante, les articles manufacturés correspondant à un besoin client identifié. « L’inspiration est toujours plus efficace que l’injonction », note Aurélien Noguero, directeur du magasin.
Cette pédagogie se prolonge à travers la mise en avant de guildes végétales, ces associations de plantes complémentaires qui favorisent la résilience mutuelle et la biodiversité, que ce soit au jardin, sur une terrasse ou sur un balcon. Elle se traduit également dans un parcours client réorganisé autour du végétal et de l’usage, avec des zones permettant de visualiser des situations concrètes : jardin d’ombre et de fraîcheur, jardin méditerranéen, ou encore espaces adaptés aux contraintes de sécheresse. Deux jardins méditerranéens reconstitués jouent ainsi le rôle de démonstrateurs, l’un sec et l’autre provençal. Le jardin sec doit d’ailleurs être retravaillé afin d’atténuer une esthétique jugée trop proche d’un imaginaire « Arizona », éloigné du littoral méditerranéen visé. La vocation pédagogique est soutenue par une signalétique dédiée aux gestes de jardinage durable. Les panneaux, jugés trop textuels dans leur première version, feront l’objet d’une réécriture pour favoriser la compréhension immédiate. Enfin, chaque faisceau du parcours est ponctué de « bulles d’inspiration » : sept espaces appelés à évoluer au fil des saisons, conçus pour montrer ce que pourrait devenir le jardin de demain.
Des choix assumés dans le mix, y compris la décroissance dans certaines familles
La transformation du magasin se reflète déjà dans les chiffres, même si le test ne sera consolidé qu’au 1er mars 2026. Sur la période 1er mars au 22 octobre 2025, en comparant l’évolution des familles jardin avec la région et le national, Clapiers affiche une progression d’indice de +1,5 point par rapport à la région et +1 point par rapport au national. Albertville, le second magasin pilote, situé en zone de montagne, montre une progression plus forte, avec +2 points région et +3 points national.
Les résultats masquent cependant des arbitrages importants. À Clapiers, le jardin aquatique a été déplacé, entraînant une baisse de 15 points. Mais dans le même temps, le marché aux fleurs a progressé de 5 points, mais dont les ventes génèrent 1 million d’euros de chiffre d’affaires, contre 100 000 euros pour le jardin aquatique. Botanic réduit aussi de 50 % les références minérales pour limiter les ilôts de chaleur. « C’est un choix. Nous n’avons pas vocation à pousser toutes les catégories de manière uniforme. La cohérence du mix global prime », explique Nicolas Imberti. L’analyse interne attribue ce résultat à deux facteurs conjoints : la hausse de la vente-conseil et la dynamique de ventes complémentaires générée par les zones d’inspiration.
La régionalisation de l’offre comme pivot stratégique
La nouvelle logique d’assortiment repose sur quatre zones climatiques. Dans les régions les plus chaudes, Botanic veut réduire progressivement les plantes annuelles et bisannuelles, très consommatrices en eau et à durée limitée, au profit de palettes végétales résilientes. À Clapiers, cela signifie mettre en avant des plantes endémiques ou adaptées, en évitant par exemple la vente de conifères en plein été. Cette régionalisation implique un travail étroit entre l’achat, le magasin et les équipes terrain. « Un conseil n’a de valeur que s’il tient compte du sol, de l’orientation, du temps d’entretien que le client est prêt à consacrer. Nous devons contextualiser chaque recommandation », insiste Aurélien Noguero.
Les deux magasins pilotes du nouveau concept ont nécessité chacun un budget de 50 000 euros dédié à la transformation. Cinq magasins supplémentaires entreront dans la démarche prochainement : Brétigny-sur-Orge, Bavent, Villechétif, Montbonnot, et Camblanes-et-Meyrac, ce dernier constituant une création attendue au printemps 2026 dans la région bordelaise. L’objectif n’est pas de déployer un concept figé, mais un principe adaptable. « La résilience du jardin n’est pas uniforme, insiste Nicolas Imberti. Ce que l’on propose à Montpellier n’a pas de sens à Grenoble ou à Lille. Le modèle n’est pas de standardiser, mais de donner à chaque magasin les outils pour adapter sa palette, ses mises en scène, ses conseils. »
Une table ronde réunissant en mars 2026 les clients des deux magasins pilotes et le second magasin de Montpellier viendra nourrir la phase d’ajustement avant tout déploiement élargi. L’objectif est clair : valider la désirabilité, la lisibilité et la praticabilité du concept, et pas seulement sa performance commerciale pour déployer sur l’ensemble du réseau à horizon 2027.