Stratégie retail

Marie Schott : « Nous devons faire d’Etam une vraie marque internationale »


À l’occasion de l’ouverture du nouveau concept magasin et à l’approche du défilé, Marie Schott, directrice générale d’Etam, livre l’une de ses rares interviews. Elle revient sur ses priorités : expérience client, digital, data et international, avec l’ambition de faire d’Etam une marque globale.

Marie Schott : « Chez Etam, remettre la cliente au cœur guide toute notre stratégie ». - © D.R.
Marie Schott : « Chez Etam, remettre la cliente au cœur guide toute notre stratégie ». - © D.R.

Pouvez-vous nous détailler le nouveau concept de magasin ouvert le 28 août dernier dans le 15e arrondissement parisien ?

C’est un magasin que nous avons travaillé avec l’Agence Saint-Lazare. L’idée, c’était vraiment de mettre la cliente au cœur de l’expérience, du service et du conseil. Nous avons conçu un magasin extrêmement clair. Il est très ouvert sur la rue, avec des matériaux très nobles : du bois, de la pierre, dans des tons clairs et chaleureux. Nous avons accordé une attention particulière à la zone de services au fond du magasin et à la zone d’essayage. Nous sommes d’ailleurs très contents des retours : dans la lingerie, l’essayage est toujours un moment délicat, et nous avons eu des remontées très positives de clientes qui se sont trouvées très belles dans nos cabines. Nous avons travaillé la couleur, la lumière, les miroirs.

La volonté est d’avoir des zones différenciées, et non un magasin uniforme où il se passerait la même chose partout. À l’entrée, nous mettons en avant nos actualités du moment : cela peut être une collaboration ou une mise en avant spécifique. Ensuite, nous avons une zone consacrée à nos iconiques, nos essentiels, les modèles que les femmes viennent chercher chez nous comme le « Pure Soft » ou certaines de nos dentelles travaillées en couleur. Puis, une troisième zone tout en bois, dédiée aux collections plus « spéciale occasion », avec la ligne Private qui met en valeur tout le savoir-faire de la marque. Enfin, la cliente arrive dans la zone de service et les cabines. Nous avons voulu créer un véritable voyage, où la cliente découvre différentes facettes d’Etam, avec une équipe au service et une offre plus claire et resserrée. L’une des forces d’Etam est aussi ce qui peut nous être reproché : trop de produits, et parfois une impression de confusion. Avec ce concept, nous avons voulu une expérience beaucoup plus claire, en présentant moins de largeur et moins de profondeur d’offre. Il y a bien sûr du stock en réserve et dans les tiroirs si une taille manque, mais ce que nous montrons est plus simple et lisible.

En termes de services, proposez-vous des nouveautés dans ce concept ?

Il n’y a pas de nouveau service au sens strict, mais il y a plusieurs innovations. Nous avons installé une borne où les clientes peuvent déposer leurs anciens soutiens-gorges. Le paiement ne se fait pas forcément en caisse : il peut avoir lieu à différents endroits du magasin en tap-to-pay. Nous allons ouvrir quatre nouveaux magasins sous ce concept en France, car nous ne voulons pas nous limiter à Paris : deux en centre commercial (Rennes Alma et Paris) et deux en centre-ville (Cannes et Aix-en-Provence). Ces magasins intégreront également du self check-out, un mode de paiement déjà présent dans d’autres points de vente.

Nous avons ajouté une signature olfactive, ce qui est une première chez Etam. Nous avons aussi conçu une nouvelle bande-son en partenariat avec un collectif français de musique. Enfin, nous avons accordé un grand soin à l’engagement RSE, en intégrant des matériaux durables et certifiés dans la conception du magasin. En revanche, pas de nouveaux services omnicanaux spécifiques, en dehors du self check-out qui arrivera dans les quatre prochains magasins. Cela dit, Etam est déjà assez en avance sur ces sujets, et l’omnicanalité est fluide et sans couture dans nos magasins.

L’idée n’est pas tant d’ajouter des services inédits que de mieux présenter et mieux rassembler ceux que nous avons déjà, pour offrir une expérience plus cohérente.

À quel horizon ces quatre nouveaux magasins ouvriront-ils ?

Avant le Black Friday, donc courant novembre. L’objectif est d’avoir cinq magasins test. Habituellement, quand nous lançons un nouveau concept, nous choisissons les magasins pilotes en fonction de leur emplacement, de leur surface ou de l’ancienneté du concept. Là, nous avons fait différemment. Comme nous changions beaucoup de paramètres, largeur et profondeur d’offre réduites, création de zones par univers, nous avions besoin d’équipes de vente très engagées. Nous avons donc organisé un concours interne. Les équipes ont réalisé un petit film, puis ont été sélectionnées sur cette base. Elles sont ensuite venues pitcher devant un jury composé de collaborateurs Etam mais aussi de Laurent Milchior (gérant du groupe Etam). Cela nous a permis d’avoir des équipes prêtes à s’investir dans le changement, jusque dans leur magasin.

Depuis votre retour à la tête d’Etam, quels sont les grands chantiers que vous avez priorisés ?

Un gros travail a été entamé sur la marque et son expression : retravail de la plateforme de marque et de la communication avec la campagne J’etam, que vous retrouverez notamment au moment du défilé le 30 septembre prochain. Un grand chantier porte aussi sur le produit, en particulier l’offre jour et la lingerie fonctionnelle, qui a toujours été un point fort d’Etam. Le modèle Purefit est un best-seller, mais nous avons étendu la gamme avec le Pure Soft. C’est un produit dans une matière ultra confortable, décliné en brassières et bodys, que l’on peut porter sous les vêtements ou même sous une veste, tout en gardant une esthétique très pure. Nous avons beaucoup travaillé sur cette partie « purs essentiels », mais aussi sur le sport. En parallèle, nous avons un énorme sujet autour du service et de la cliente : remettre la cliente au cœur de tout, ce qui est l’esprit de notre nouveau concept magasin.

Nous avons voulu créer une expérience claire et différenciée, qui place la cliente au cœur du magasin.

Enfin, deux enjeux stratégiques restent centraux : le digital, et au-delà la data, et l’international. Le grand défi d’Etam est de devenir une vraie marque globale. Nous travaillons intensément sur les États-Unis, mais aussi sur l’Amérique centrale et du Sud, l’Europe et le Middle East.

Si on parle de l’offre, quels sont aujourd’hui les segments en croissance ?

Deux segments affichent une croissance très forte : les « purs essentiels », donc la lingerie fonctionnelle, et le loungewear, le produit d’intérieur. Nous avons aussi eu de très bonnes performances sur le sport. Avec l’automne qui arrive, nous voyons décoller le « special occasion ».

Comment arbitrez-vous entre permanents et nouveautés, et quelle est aujourd’hui la part des permanents dans votre offre ?

C’est l’un de nos chantiers : réduire la part des produits reconduits pour injecter plus de nouveauté. Nous devons renouveler nos permanents. Maintenant, en termes de pourcentage, cela dépend de la manière dont on définit les permanents et aussi de la distinction entre jour et nuit. Nous ne communiquons pas ce niveau de détail sur la structure de l’offre.

Qui est la cliente Etam aujourd’hui ?

En France, la cliente Etam, c’est la Française dans toute sa diversité. Etam est une marque patrimoniale : toutes les femmes ont eu une histoire avec nous à un moment ou un autre. Nous avons la chance d’avoir une base de clientes très large, grâce à un très bon rapport qualité-prix et à une présence massive : 304 magasins en France. C’est une clientèle transgénérationnelle : souvent, la mère, la fille et la grand-mère fréquentent toutes la marque.

Et en matière de fidélisation, avez-vous fait évoluer votre programme ?

Oui, nous sommes en train de le repenser. Nous voulons poser une nouvelle stratégie, aller vers plus de storytelling et sans doute moins de transactionnel. Nous devons aussi nous emparer du sujet de la personnalisation dans les parcours clients. Il y a également une réflexion sur les supports. Aujourd’hui, le principal vecteur est l’email. Nous travaillons à déployer d’autres canaux, notamment l’application, mais pas seulement.

Quelle est aujourd’hui la singularité d’Etam par rapport à ses concurrents ?

Etam offre un excellent rapport qualité-prix, avec une tension entre savoir-faire et mode. Nous proposons des produits confortables, de qualité, qui capitalisent sur notre expertise centenaire et sur l’innovation, tout en étant inscrits dans la mode. Nous comprenons les attentes des femmes d’aujourd’hui : les bonnes couleurs, les bons imprimés, les bons produits au-delà de leur simple fonction.

Quelle est la stratégie d’Etam sur les ouvertures et fermetures ?

Notre enjeu n’est pas d’ouvrir de nouveaux points de vente. Nous ne prévoyons pas non plus de fermetures massives, au-delà de ce qui se fait naturellement dans un réseau. Notre priorité, c’est la rénovation : apporter la meilleure expérience dans les magasins existants et retravailler les concepts.

Deux ans après l’ouverture de Miami, quel bilan tirez-vous de votre présence aux États-Unis ?

Aujourd’hui, nous avons un magasin à Miami, environ une cinquantaine de corners chez Nordstrom, une présence sur nordstrom.com et bien sûr sur etam.com. Le principal enseignement est clair : pour percer aux États-Unis, il faut adapter notre image et notre offre, en poussant le curseur sur la mode. Une cliente américaine vient chercher, ce sont de très jolies dentelles, de belles broderies multicolores introuvables ailleurs et très tendances, des maillots de bain avec imprimés, bijoux et belles découpes, de la soie, des lignes beaucoup plus fashion. Nous voyons aussi que notre différence à l’international, c’est d’incarner une french allure, un chic parisien. C’est ce mélange entre image française et produits attractifs qui fait notre force à l’étranger.

Quels sont aujourd’hui les pays porteurs pour Etam ?

En Europe, nous sommes très présents en Espagne, en Suisse où nous avons encore du potentiel, en Belgique, en Pologne et en République tchèque, avec un réseau opéré en propre. En dehors de l’Europe, les États-Unis et l’Amérique centrale et du Sud sont prioritaires. Au Mexique, nous sommes présents chez Liverpool en grand magasin et nous avons aussi des magasins en propre, en partenariat avec un opérateur local avec lequel nous avons monté une joint-venture. En Amérique du Sud, nous sommes notamment au Chili, très présents chez Falabella, dans un réseau de grands magasins.

Enfin, le Middle East représente un gros potentiel, en particulier l’Arabie Saoudite, où nous avons déjà quelques magasins et de fortes perspectives de développement.

Quelle est aujourd’hui la part du digital dans votre chiffre d’affaires et quelles sont vos priorités ?

Aujourd’hui, la part du digital chez Etam, c’est 13 %. Nous avons donc encore beaucoup de marge de progression. Le digital est l’une de nos priorités. La manière dont nous l’abordons évolue. Nous avons longtemps traité le digital comme un canal spécifique, quitte à pousser très fort les leviers de rentabilité. Aujourd’hui, nous travaillons à construire un digital qui soit à la fois un relais business et un relais des priorités de marque, un support du storytelling d’Etam.

Envisagez-vous des initiatives comme TikTok Shop ?

C’est une option à laquelle nous pourrions réfléchir. Nous avons toujours été innovants, en magasin comme en digital. Nous n’excluons rien et nous observons attentivement ce qui se fait.

Quelle est votre approche concernant la seconde main, sujet qui reste compliqué dans la lingerie ?

Nous avons toujours notre opération de reprise des soutiens-gorges, mais il est vrai que la seconde main est compliquée dans notre secteur. La lingerie est un produit qui s’use et s’abîme. Nous avons un corner dans notre magasin de Lyon où nous revendons des soutiens-gorges de seconde main, mais ce n’est pas une conviction forte. Nous croyons davantage dans le recyclage.

Et pour le prêt-à-porter, envisagez-vous la seconde main ?

Aujourd’hui, nous n’avons pas de projet de seconde main en prêt-à-porter chez Etam. En revanche, Maison 123 (enseigne appartenant au groupe Etam) dispose d’une plateforme qui fonctionne bien. Notre priorité, c’est la reconstruction de la marque Etam en prêt-à-porter, avec une nouvelle directrice arrivée il y a quelques mois. La seconde main pourrait devenir un chantier plus tard, mais ce n’est pas notre priorité à court terme.

Quel rôle joue aujourd’hui le défilé Etam Live Show dans votre stratégie et dans l’acquisition de clientes ?

Il est devenu un rendez-vous incontournable de la Fashion parisienne. Notre grand défi est de le faire résonner plus fort chaque année. Il incarne parfaitement la tension dont nous parlions entre savoir-faire et mode. C’est un moment essentiel non seulement pour le recrutement, mais surtout pour la brand awareness et le rayonnement international.

C’est aussi un rendez-vous fort pour les Françaises. C’est un outil qui nous permet de faire rayonner très largement la marque au-delà des frontières.

Les chiffres clés d’Etam :

• Nombre de magasins Etam : 776 au total dont 407 en propre, 89 par filiation et 280 en franchise à l’international.
• Répartition : France (304) / Espagne (72) / Belgique-Luxembourg (39) / Pologne (25) / Suisse (25) / République Tchèque (9) / Mexique (16),
• USA : 1 + 55 Corners Nordstrom

• Taille du plus grand flagship Etam : 441 m2 (Paris Haussmann)
• Taille du magasin de Paris Commerce (nouveau concept) : 218m2

• 5 boutiques test en France, à Paris 15 Commerce, Parly 2, Rennes, Aix en Provence et Cannes

• La part d’e-commerce (en %) dans le CA Etam : 13 % en 2024