Comment Leroy Merlin fait de l’influence un nouveau levier d’acquisition rentable
En s’appuyant sur un modèle d’affiliation à la performance, Leroy Merlin a structuré une stratégie d’influence rentable, pilotée par la donnée. À la clé : un réseau de 300 créateurs engagés, un chiffre d’affaires multiplié par 9, et une ambition claire de faire de l’influence un pilier de son « magasin digital ».

Pendant longtemps, l’influence a été perçue comme un levier de visibilité, mobilisé principalement pour des campagnes événementielles ou de notoriété. Chez Leroy Merlin, ce paradigme a changé. Depuis l’automne 2024, l’enseigne teste une autre approche, entièrement tournée vers la performance. L’objectif ? Faire de l’influence un canal d’acquisition rentable et mesurable. « En arrivant chez Leroy Merlin, j’ai proposé de mettre fin au modèle classique de l’affiliation : codes promos, cashback, comparateurs, pour le recentrer sur l’influence », explique Anna Faure, responsable Réseaux sociaux, RP/Influence et Communautés auprès de l’enseigne de bricolage. Forte d’une expérience de dix ans au sein de La Redoute, elle avait déjà contribué à ce virage chez l’e-commerçant. « Nous avons choisi de bâtir un programme entièrement dédié à l’influence à la performance. » La mise en œuvre opérationnelle a été confiée à Affilae, l’un des leaders du marketing d’affiliation en France. La société accompagne les marques dans la construction de leurs réseaux de prescripteurs et d’influenceurs, en combinant expertise marketing et solutions technologiques adaptées.
Un modèle structuré et autonome
Le programme repose sur un principe simple : tous les créateurs de contenus souhaitant collaborer avec Leroy Merlin doivent passer par une même plateforme. Tous les profils sont triés en fonction de leur contenu et de leur communauté (Instagram, TikTok…). L’affiliation devient la porte d’entrée exclusive, et la rémunération est indexée sur les ventes réellement générées. Concrètement, un « affilié » est un influenceur ou créateur de contenu (principalement actif sur Instagram, TikTok ou YouTube) qui recommande spontanément ou dans le cadre d’une collaboration des produits Leroy Merlin à sa communauté. Il dispose d’un lien traqué : si ce lien déclenche une vente, il perçoit une commission. Le modèle est donc 100 % à la performance. « Cela permet d’industrialiser une mécanique que nous pratiquions déjà, mais de façon artisanale, souligne Anna Faure. Nous avons peu de ressources en interne, donc le modèle devait être agile. »
L’objectif ? Convertir des créateurs qui partagent spontanément du contenu en véritables ambassadeurs de marque, engagés et rémunérés, pour favoriser la récurrence et maximiser l’impact.
L’externalisation de la gestion quotidienne à Affilae permet à l’équipe Leroy Merlin de se concentrer sur la stratégie globale. « Nous gérons les recrutements, le paramétrage, l’animation du réseau, les relances, les dotations… C’est un accompagnement complet, avec une approche relationnelle de long terme », explique Marine Hubert, en charge du programme côté Affilae.
Une dynamique organique dès le lancement
Dès les premières 24 heures, une cinquantaine de créateurs s’étaient inscrits. À ce jour, le programme compte plus de 300 influenceurs actifs. Tous ne sont pas des macro-influenceurs, mais ont un point commun : une affinité réelle avec les univers du bricolage, de la décoration ou de l’aménagement. « Ce qui nous a surprises, c’est la diversité et la qualité des profils, observe Maddy Poupardin, consultante en stratégie d’influence marketing pour l’enseigne. Nous avons des passionnés de rénovation, des parents qui refont une chambre d’enfant, des artisans… Tous racontent leurs projets avec sincérité. » La richesse du réseau repose aussi sur la liberté laissée aux créateurs. Aucun brief imposé, peu de contraintes : ce sont les projets personnels des influenceurs qui dictent les contenus. « Beaucoup publient après un passage en magasin, ou en testant un produit chez eux. Cela crée un lien très fort entre l’univers physique et digital », note Anna Faure.
840 éditeurs ont postulé au programme Leroy Merlin au 30 mai 2025, 312 affiliés influence + 34 blog validés sur le programme.
Les créateurs de contenu postent spontanément et librement leurs liens traqués, sans brief, contrainte ou validation en amont. Cette liberté éditoriale leur permet de devenir de véritables prescripteurs : ils partagent les références précises des produits qu’ils utilisent et délivrent des conseils personnalisés à leur communauté. Des contenus sont également créés en magasin, pour mettre en valeur à la fois leurs achats, leurs envies du moment et les nouveautés proposées par Leroy Merlin. Les produits de l’enseigne sont ainsi intégrés dans des projets concrets de rénovation, à travers le choix des matériaux, leur utilisation sur le terrain et les retours d’expérience. Ils partagent aussi leurs listes de coups de cœur - comme une lampe pop -, des idées cadeaux pour Noël, ou encore des inspirations déco adaptées à tous les styles.
Une stratégie pilotée par la donnée
Ce basculement vers un modèle à la performance permet à l’enseigne de suivre les résultats de manière fine. « Nous avons accès à des indicateurs concrets : chiffre d’affaires généré, taux de conversion, nombre de clics, panier moyen, détaille Maddy Poupardin. Cela change tout en interne. L’influence n’est plus un sujet flou, mais un levier mesurable. » Leroy Merlin optimise l’engagement de ses partenaires en renforçant leur fidélité grâce à des communications régulières, des exclusivités en avant-première comme la collaboration avec Mathilde Cabanas et un accompagnement stratégique lors des temps forts. L’enseigne soutient activement leurs projets en leur offrant davantage de visibilité, notamment à travers des opérations clés et des incentives sur-mesure pensés pour les réactiver. Cette approche de l’influence est entièrement pilotée par la data : les conversions sont attribuées à chaque partage, ce qui permet d’incentiver précisément tous les points de contact et de générer une croissance incrémentale 100 % mesurable et rentable.
Des résultats déjà tangibles
Ce changement de perception a permis de mieux embarquer les parties prenantes. Lors d’une présentation à la direction générale, l’équipe a reçu un signal fort : « Notre directeur général nous a dit que nous devions atteindre le chiffre d’affaires d’un magasin de Leroy Merlin. Il nous a fixé un objectif de chiffre d’affaires initialement quatre fois plus ambitieux que celui que nous avions proposé », sourit Anna Faure.
En moins de neuf mois, le programme a généré un chiffre d’affaires multiplié par 9 entre octobre 2024 et mai 2025, et un ROI multiplié par 21 du 1er janvier au 30 mai 2025. Des chiffres solides alors que seulement 9 % des influenceurs ont bénéficié d’une dotation de produits sur l’année. L’une des meilleures influenceuses du programme illustre bien le potentiel de ce modèle. « En moins de six mois, elle a généré 52 000 € de commissions, avec un taux de conversion de 14,8 %, indique Marine Hubert. Ce n’est pas une créatrice à très large audience, mais sa communauté est fidèle, engagée, et réactive. » L’attribution des ventes repose sur un modèle dit « last click » étendu, avec une fenêtre moyenne d’environ dix à douze jours. « Cela permet de valoriser la contribution des contenus, même si la conversion n’est pas immédiate », ajoute-t-elle.
Une pédagogie intégrée dans la relation
Au-delà des résultats commerciaux, l’équipe insiste sur l’importance de la pédagogie. « De nombreux créateurs prennent le temps d’expliquer à leur communauté comment fonctionne l’affiliation. Ils précisent qu’ils sont rémunérés si une vente a lieu, sans que cela n’impacte le prix final », souligne Anna Faure. Cela crée un climat de confiance. » Certains vont plus loin, en publiant des stories pour détailler le fonctionnement du programme. Ce climat de transparence contribue à valoriser la contribution des influenceurs. « Nous rémunérons non seulement la performance, mais aussi la qualité des projets. Cela favorise la créativité, et permet à des profils plus modestes d’émerger », ajoute-t-elle.
Si le lancement a été un succès, la suite repose sur la capacité à entretenir la dynamique. « Le plus difficile, c’est de maintenir l’engagement dans la durée, reconnaît-elle. Nous devons suivre les projets des créateurs, comprendre leurs besoins, rester disponibles. » La relation est au cœur du dispositif. « Je suis en lien direct avec eux, je les relance, je commente leurs publications, je les accompagne, explique Marine Hubert. Cela demande du temps, mais c’est ce qui garantit la pérennité du programme. » En parallèle, l’équipe Leroy Merlin s’appuie sur cette relation pour nourrir sa stratégie. « Ce que nous identifions sur le terrain : les produits mis en avant, les retours, les attentes peut remonter jusqu’aux équipes produit ou merchandising, affirme Anna Faure. C’est une boucle d’apprentissage continue. »