Groupe Bertrand : « Nous réfléchissons à des programmes de fidélité multi-enseignes »
Aux commandes de Bertrand Franchise, Christophe Gaschin pilote l’offensive multi-enseignes du Groupe Bertrand. Avec dix marques et un rythme d’ouverture soutenu, il dévoile les leviers d’une stratégie pensée pour séduire les franchisés et gagner en puissance.

Comment est née la logique multi-enseignes au sein du Groupe Bertrand et quels en sont les axes stratégiques ?
À l’origine, le Groupe Bertrand comportait plusieurs pôles d’activités. En 2022, avec Olivier Bertrand, nous nous sommes interrogés sur la manière d’accélérer notre développement après une période difficile pour tout le secteur. L’objectif était de nous appuyer sur deux jambes solides et d’améliorer notre lisibilité, tant en interne qu’en externe. Nous avons constaté qu’il n’existait pas de passerelle entre nos enseignes en franchise : un franchisé pouvait entrer par Burger King ou Au Bureau, mais sans continuité possible avec d’autres marques.
Nous avons aussi réalisé que la restauration comprend deux métiers distincts : l’exploitation directe (comme dans nos brasseries parisiennes) et la franchise. Être franchiseur demande une posture différente que celle d’un exploitant. C’est ainsi qu’est née Bertrand Franchise, en juillet 2023, comme marque ombrelle pour regrouper toutes nos enseignes de restauration en franchise. Nous avons intégré Burger King, mais aussi nos enseignes de restauration à table : Hippopotamus, Volfoni, Au Bureau, Léon, et la dernière en date à l’époque, Pitaya, acquise fin 2022/début 2023. Pitaya, positionnée entre la restauration rapide et la restauration à table, incarnait bien cette hybridité qui justifiait la création d’une plateforme multi-enseignes cohérente.
Avec Bertrand Franchise, nous proposons trois parcours à nos franchisés : monosite soit un seul restaurant dans une enseigne ; multi-sites avec plusieurs restaurants de la même enseigne et multi-enseignes avec l’exploitation de plusieurs marques (ex. : Au Bureau et Hippopotamus) dans une même zone de chalandise. Notre vision est entrepreneuriale : nous parlons à des entrepreneurs. Nous voulons leur offrir la possibilité d’évoluer dans un réseau multi-enseignes cohérent, avec des marques emblématiques mais complémentaires, jamais concurrentes sur un même segment.
Combien d’enseignes et de franchisés regroupe aujourd’hui Bertrand Franchise ?
Nous comptons aujourd’hui dix enseignes : Burger King, Au Bureau, Léon, Volfoni, Hippopotamus, Pitaya, Hanoi Cà Phê, Paradis du Fruit (en master franchise), Joyoo (création interne), et Chik’Chill (lancée à Créteil Soleil en février 2025, en partenariat avec Mohamed Cheikh). Nous avons également pris une participation minoritaire dans Crêpe Touch, une enseigne centrée sur les crêpes et gaufres.
Nous recensons 400 franchisés toutes enseignes confondues.
Cela représente environ 400 franchisés toutes enseignes confondues. En moyenne, chaque franchisé exploite 2 à 3 restaurants. Cela montre que le potentiel de développement est encore important, à la fois avec nos franchisés actuels et avec les primo-accédants.
Pourquoi avoir recours à des master franchises pour certaines enseignes ?
Prenons l’exemple du Paradis du Fruit : une enseigne existante depuis plus de 40 ans, surtout implantée à Paris, avec 17 restaurants. Son fondateur cherchait un partenaire pour accompagner son expansion nationale. Grâce à la puissance de développement de Bertrand Franchise, nous avons obtenu la master franchise pour développer cette enseigne sur l’ensemble du territoire.
Nous avons trois types de relations avec les enseignes. Des marques que nous possédons (ex. : Hippopotamus, Léon). Des marques en master franchise (ex. : Burger King, Paradis du Fruit) ou que nous achetons comme Pitaya et enfin des marques que nous créons (ex. : Joyoo, Chik’Chill). À cela s’ajoute une capacité à se déployer en multiformat : centre-ville, centre commercial, ou périphérie. C’est un atout majeur pour nos franchisés, qui peuvent diversifier leur développement à la fois en enseignes et en formats.
Comment structurez-vous votre développement rapide, avec un objectif d’un restaurant tous les deux jours ?
Notre modèle repose sur un triptyque : l’emplacement, la marque et les hommes. Nous avons une équipe développement de plus de 50 personnes réparties sur tout le territoire. Nous sourcons nous-mêmes les emplacements, que nous proposons ensuite aux franchisés. Ce modèle nous permet de garantir des emplacements de qualité, ce qui est fondamental pour la rentabilité. À l’inverse d’autres acteurs qui laissent les franchisés venir avec leurs propres locaux (parfois peu adaptés), nous sécurisons l’amont du projet.
Cette organisation nous permet d’ouvrir un restaurant tous les trois jours en 2024, et nous visons un tous les deux jours en 2025. Ce rythme, rapporté à dix enseignes, est maîtrisé.
Dans un contexte économique difficile, quels sont vos leviers pour maintenir la rentabilité ?
Le contexte est effectivement tendu, mais c’est conjoncturel, pas structurel. Le moral des ménages est en baisse, entre inflation, guerre et incertitudes politiques. Cela affecte l’ensemble de la consommation, pas seulement la restauration. Nous restons agiles, tant sur nos achats que sur notre politique tarifaire. Nous ajustons nos cartes pour les rendre plus en phase avec les tendances de consommation, tout en retravaillant nos formats et nos produits afin de répondre au mieux aux attentes du marché.
La diversité de notre portefeuille nous permet également de mieux encaisser les à-coups conjoncturels. Si une enseigne subit un ralentissement, une autre peut compenser. C’est notamment le cas de la restauration rapide, structurellement plus résiliente : pendant la crise sanitaire, elle a pu continuer à fonctionner via la livraison ou le drive, ce qui n’était pas possible pour la restauration à table. Cette complémentarité entre nos formats renforce notre solidité globale.
Est-ce que vous travaillez sur une stratégie unifiée en matière de CRM, de données et de fidélisation, ou chaque enseigne conserve-t-elle son autonomie complète ?
Nous avons des réflexions sur le sujet. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, car cela reviendrait à dévoiler des éléments stratégiques. Chez certaines enseignes comme Burger King, nous avons des programmes de fidélité avancés, car c’est une nécessité. D’autres enseignes en sont moins pourvues, mais nous réfléchissons à la mise en place de programmes multi-enseignes.
Avant même la data, nous avons relancé après le Covid une démarche d’étude client, pour mieux comprendre qui fréquente nos enseignes. L’exploitation intelligente de la data permet ensuite de personnaliser l’expérience, de pousser des offres ciblées, et d’anticiper les besoins clients.
Testez-vous de nouveaux formats ou concepts ?
Nous avons récemment lancé Chik’Chill, une enseigne de poulet frit pensée autour des sauces, en partenariat avec Mohamed Cheikh. L’objectif est de proposer un produit qualitatif, différencié, et avec une identité forte. Nous travaillons aussi sur des formats plus compacts, mieux adaptés à certaines zones, avec une capacité à nous implanter en centre-ville, centre commercial ou périphérie. Cette agilité est un levier de croissance.
Travaillez-vous sur l’hyperpersonnalisation ?
Oui, notamment via l’analyse fine des tickets de caisse, les programmes de fidélité, et les données clients. Mais tout commence par une meilleure connaissance client, au-delà des outils : savoir qui fréquente réellement nos enseignes, pourquoi, à quels moments.
Nous avançons sur le sujet, avec une volonté de faire venir le client chez nous avant même qu’il ait décidé de consommer ailleurs. C’est le rôle clé que la data peut jouer dans notre secteur.
Comment accompagnez-vous vos franchisés sur le volet RH ?
Le développement en franchise est en soi un levier RH : il permet une implantation locale, avec des chefs d’entreprise ancrés sur leur territoire, souvent plus performants en matière de gestion humaine. Nous échangeons avec eux sur les pratiques managériales, le bien-être des collaborateurs, ou les outils à leur disposition (avances sur salaires, accompagnement budgétaire…).
Côté formation, nous avons plusieurs initiatives : e-learning, modules spécifiques, ou encore la « Braise Académie » chez Hippopotamus, pour former aux cuissons spécifiques. Il reste toutefois un axe d’amélioration : développer des formations différenciantes, plus proches du terrain, pour donner envie et fidéliser les équipes.
Quels sont vos grands enjeux à venir ?
Nos priorités consistent à maintenir un rythme soutenu de développement, avec 150 ouvertures prévues cette année, tout en poursuivant nos efforts d’innovation, aussi bien sur les produits que sur le digital. Nous travaillons également sur la fidélisation et l’exploitation de la data, développons nos nouvelles enseignes comme Chik’Chill, et réfléchissons à la création de concepts différenciants pour enrichir notre portefeuille.
Quelle tendance vous semble la plus structurante pour l’avenir de la restauration ?
C’est l’effacement progressif des frontières entre restauration rapide, restauration à table et street food. Chacune emprunte aux autres : la restauration rapide introduit le service à table, la restauration à table s’ouvre à la digitalisation et à la data, et la street food adopte une flexibilité totale (sur place, à emporter, en livraison).
L’autre grande tendance est celle d’une restauration qui vit toute la journée. Des enseignes comme Paradis du Fruit le démontrent : elles accueillent les clients du petit-déjeuner jusqu’au dîner. Il s’agit de mieux exploiter les moments de consommation.
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