Stratégie retail

Nicolas Thibaudeau : « Le marché français reste porteur pour Starbucks »


Sous l’impulsion d’Alsea, Starbucks poursuit son expansion en France avec dix nouvelles ouvertures en 2025. Nicolas Thibaudeau, directeur des opérations, revient sur la montée en puissance du drive, la transformation des coffee shops, l’évolution des usages et les ambitions de l’enseigne sur un marché qu’il juge « toujours très porteur ».

Nicolas Thibaudeau : « Le drive nous ouvre de nouvelles zones de croissance ». - © D.R.
Nicolas Thibaudeau : « Le drive nous ouvre de nouvelles zones de croissance ». - © D.R.

Où en est aujourd’hui le développement de Starbucks en France ?

Nous avons ouvert en 2004, donc cela fait un peu plus de 20 ans que nous sommes présents sur le marché français. A date, nous comptons 260 salons de cafés : des succursales opérées par Alsea (groupe mexicain de restauration multi-enseignes, master franchisé de Starbucks en France, Benelux, Espagne et Portugal, qui opère plus de 1 600 Starbucks dans le monde, NDLR) des licences dans le travel retail et des franchisés. En termes de répartition, 120 salons sont opérés en direct, une soixantaine en licence et 70 via des franchisés.

Sur les trois dernières années, nous sommes à plus de 50 établissements avec quelques take-away dans des zones de fort trafic ou travel. Mais aussi des drives depuis 2020.

Quelle place occupe le drive dans votre stratégie ?

Nous accélérons sur ce format où nous restons en test and learn. Cette année, nous serons à 7 drives avec trois ouvertures : Villebon-sur Yvette ouvert en septembre dans l’Essonne et Tignieu, en Isère. Et dans un mois du côté de Cormontreuil, dans la banlieue de Reims. Dans d’autres pays où Starbucks est implanté, le drive fait partie intégrante de l’ADN de la marque. C’est un format qui allie praticité et rapidité, tout en proposant la même offre qu’un salon classique. Chaque drive dispose d’ailleurs d’une salle clients, permettant de retrouver l’expérience Starbucks dans son intégralité. Au Royaume-Uni, par exemple, il en existe déjà plus de 160. En France, le drive est depuis longtemps un réflexe ancré dans les habitudes de restauration rapide. Les premiers résultats confirment qu’il répond pleinement à nos attentes. Ce format s’inscrira donc durablement dans notre stratégie de développement, avec probablement un poids croissant si les performances actuelles se maintiennent.

En termes de consommation, constatez-vous des spécificités par rapport à votre format classique ?

Étonnamment, c’est assez similaire. Nous avons été agréablement surpris : les clients continuent à fréquenter nos salons de café, mais la consommation depuis la voiture, sur la partie « drive uniquement », est en nette croissance. Nous observons aussi un fort taux de fidélisation sur ce type de points de vente, souvent inscrits dans une routine quotidienne travail-domicile. Ce format s’intègre donc très bien dans les usages et renforce la relation client.

Combien d’ouvertures avez-vous réalisées cette année, et quel rythme envisagez-vous pour 2026 ?

En 2025, nous aurons ouvert dix nouveaux points de vente.

L’année prochaine, nous continuerons à développer le réseau. Je ne peux pas partager le rythme exact, mais nous restons dans une dynamique d’expansion. Au fil des années, nous avons maillé quasiment toutes les régions françaises : sur les 15 premières années, nous étions concentrés sur les grandes villes, puis nous avons investi les villes moyennes comme Rennes, Rouen, Tours ou Poitiers, dans les centres-villes comme dans les centres commerciaux. Le format drive, lui, nous permet d’arriver dans des zones périurbaines ou commerciales, à fort trafic automobile. C’est un moyen de rapprocher l’expérience Starbucks de clients qui n’y avaient pas accès jusqu’ici.

Y a-t-il encore des zones blanches en France ?

Oui, il en reste. En Bretagne par exemple, nous ne sommes présents qu’à Rennes. Mais globalement, nous avons désormais une implantation dans la quasi-totalité des régions françaises.

Vous avez engagé une rénovation de vos cafés. Quel est le rythme ?

Nous rénovons chaque année une quinzaine de points de vente, même si ce chiffre varie selon les années. Notre parc est relativement récent, avec de nombreuses ouvertures au cours des trois dernières années, donc nous n’avons pas besoin d’un rythme très intensif. Ces rénovations nous permettent d’adapter nos espaces aux nouvelles tendances et usages, notamment le click & collect ou la livraison. L’objectif est de maintenir nos salons dans le meilleur état possible, car l’expérience du point de vente reste essentielle pour Starbucks.

Sur la partie boissons, on observe une montée en puissance du froid. Quelle est aujourd’hui la tendance ?

Effectivement, les boissons froides prennent de plus en plus de place. La particularité de Starbucks, c’est la personnalisation : plus de 86 000 combinaisons sont possibles entre les cafés, parfums, laits et alternatives. Nous avons constaté une forte progression des boissons glacées, frappées ou shakées, ainsi que du café glacé, qui devient un produit majeur. Nous adaptons d’ailleurs nos zones de bars froids et chauds pour répondre à cette évolution. Il existe aussi une vraie saisonnalité, avec une bascule au printemps et à l’automne entre chaud et froid. Un bon exemple : le Pumpkin Spice Latte. Il y a quelques années, nous le vendions uniquement chaud. Aujourd’hui, il existe aussi en version glacée ou frappée. Sur l’année, les boissons chaudes restent majoritaires, mais l’écart se réduit. Nous nous rapprochons peu à peu d’un équilibre.

Comment travaillez-vous la question du temps d’attente et de la fluidité du service ?

Le temps d’attente est crucial, car nous avons des typologies de clients très différentes : des personnes pressées sur le trajet du travail, et d’autres qui viennent s’installer pour travailler. Nous avons donc fait évoluer notre offre avec le click & collect, accessible via notre application mobile Starbucks Rewards. Les clients peuvent commander sur leur trajet et récupérer directement leur boisson à leur arrivée, sans faire la queue. Cette fonctionnalité, que nous appelons Mobile Order & Pay, existe depuis environ deux ans et demi et connaît une forte croissance, surtout autour des gares.

Notre objectif est un temps d’attente maximum de quatre minutes entre la commande et la réception, mais cela dépend évidemment de l’affluence. Les pics d’activité se situent le matin, autour du café, et entre 15 h et 19 h, période typiquement française, contrairement aux marchés anglo-saxons où la consommation est plus concentrée sur le petit-déjeuner hors domicile. Depuis notre arrivée en France, la part du café consommé à emporter est passée d’environ 2-3 % à plus de 8 %. Nous avons sans doute contribué à cette évolution.

Quelle place occupe aujourd’hui votre application de fidélité ?

L’application Starbucks Rewards a beaucoup évolué ces dernières années. Nous avons repensé notre manière de récompenser nos clients : auparavant, la fidélité donnait droit uniquement à des boissons gratuites. Désormais, elle permet aussi d’obtenir des pâtisseries ou du merchandising. C’est une façon de prolonger la logique de personnalisation, au cœur de notre ADN. Près d’un quart de nos clients utilisent aujourd’hui le programme, et cette part progresse régulièrement.

Le merchandising prend-il plus de poids dans votre activité ?

Oui, clairement. Nous avons multiplié les collaborations ces deux dernières années : avec Stanley sur des cups grand format, avec Peanuts autour de Snoopy, et actuellement avec Owala sur des thermos réutilisables. Ces collabs rencontrent un vrai succès, et nos clients fidèles y ont souvent accès en avant-première. D’autres collaborations sont prévues prochainement. Ce segment est en croissance constante. L’an dernier, par exemple, nous avons lancé une gamme interne autour du sport, en lien avec les JO, qui a très bien fonctionné.

Comment adaptez-vous votre offre au goût et à la culture café des consommateurs français ?

La France est un pays d’espresso, c’est une évidence. Cela fait 22 ans que nous sommes présents ici, et nous avons beaucoup appris du marché. Nous avons notamment créé pour la France un espresso blond, moins torréfié, qui a rencontré un grand succès et a ensuite été déployé sur d’autres marchés. Chez Starbucks, chaque client peut choisir l’intensité de torréfaction de son espresso. Côté food, nous avons intégré des références françaises aux côtés de nos classiques américains : viennoiseries, pain perdu, french toasts… Nos cookies et cinnamon rolls sont cuits sur place, tout comme plusieurs pâtisseries, pour garantir la fraîcheur et la qualité.

Comment réagissez-vous à la montée des cafés de spécialité ?

Nous restons fidèles à notre histoire : Starbucks est torréfacteur depuis 1971, et nous torréfions toujours nos cafés à Amsterdam pour l’Europe. Nous ne servons que du 100 % arabica et proposons une douzaine de cafés, dont un café saisonnier tous les deux mois. Notre force, c’est la personnalisation : 86 000 combinaisons possibles , la profondeur de notre gamme et nos salons de café. Notre programme de fidélité est aussi un marqueur fort de différenciation. Nous avons été pionniers sur le coffee shop en France, et la réponse du public prouve que ce modèle a toute sa place.

Les alternatives végétales gagnent du terrain. Quelle est leur part aujourd’hui ?

C’est une tendance forte. Depuis trois ans, les alternatives végétales ne sont plus facturées en supplément, ce qui est un vrai plus. Nous en proposons sept aujourd’hui, avec l’avoine en tête, suivie de l’amande et de la coco. Ces options représentent une part croissante des commandes, et certaines de nos boissons saisonnières sont désormais conçues directement avec une alternative végétale.

Où en êtes-vous sur le plan environnemental, notamment autour des gobelets réutilisables et compostables ?

Nous restons dans une démarche de test and learn. Nous avons mené plusieurs expérimentations avec des cups consignées et nous faisons évoluer nos modèles pour réduire le plastique, avec l’objectif d’atteindre le 100 % compostable. Depuis vingt ans, les clients qui viennent avec leur propre tasse bénéficient d’une remise de 30 centimes. Et depuis trois ans, nous servons uniquement en céramique sur place, sans aucun plastique (obligatoire depuis la LOI AGEC en 2021). Par ailleurs, tous nos nouveaux points de vente sont certifiés Green Store, en partenariat avec le WWF. Ce label repose sur 25 critères exigeants liés à la consommation d’eau, d’énergie et à la gestion des déchets. Progressivement, nos rénovations permettent à l’ensemble du parc de basculer sous cette certification.

Starbucks a annoncé des fermetures aux États-Unis. Comment s’est déroulé votre premier semestre en France ?

Je ne peux pas partager de chiffres précis, mais nous poursuivons notre croissance. Dix nouveaux points de vente ont déjà ouvert cette année et un autre suivra prochainement. Cette dynamique témoigne de la vitalité du marché français et de la réponse positive de nos clients. Il continue de progresser, et nous restons concentrés sur la qualité de l’expérience client et sur une expansion raisonnée du réseau.

Quels sont vos grands enjeux ?

La période des fêtes approche, et c’est toujours un moment clé pour nous : la campagne de Noël, l’une des plus emblématiques de l’année, démarre en novembre avec de nouvelles recettes et des boissons iconiques revisitées. Nous poursuivons aussi notre effort d’innovation comme avec la boisson à la lavande lancée en début d’année et d’autres créations sont déjà prévues pour la fin de 2025 et pour 2026. Sur un plan plus structurel, nous faisons évoluer notre programme de fidélité, repensé l’an dernier pour offrir une expérience plus personnalisée, et nous continuons à renforcer cette approche. Nous testons également de nouvelles formes de présence sur le terrain, notamment à travers des festivals comme Lollapalooza ou le Rose Festival. Ces initiatives nous permettent de rencontrer nos clients autrement et de nourrir le lien avec la marque, tout en multipliant les activations digitales sur nos réseaux sociaux pour prolonger cette proximité

Chiffres clés - Starbucks France 2025 (source : Alsea)

• +14,2 % de croissance du chiffre d’affaires total du groupe Alsea au T2 2025

• +8,9 % de hausse à périmètre comparable (hors effets de change)

• +4,9 % d’augmentation des ventes comparables en Europe

• +10,5 % de progression de l’EBITDA au T2 2025, avec une marge de 14,2 %

• 38,7 % du chiffre d’affaires global réalisé via le digital au T1 2025

• Reprise confirmée des ventes Starbucks en Europe, dont la France, après cinq trimestres de recul

• 10 nouvelles ouvertures prévues en France en 2025