Comment La Grande Récré ajuste prix, exclus et CRM pour regagner en visibilité
Après plusieurs années mouvementées, La Grande Récré mise sur une stratégie plus lisible pour retrouver de l’attractivité. Ajustement des prix, mise en avant d’exclusivités, refonte du CRM et actions marketing ciblées : l’enseigne recompose progressivement sa visibilité dans un marché du jouet en plein essor.
Après plusieurs années de turbulences, marquées par un rachat par JouéClub en 2023, La Grande Récré aborde la fin 2025 avec un niveau d’attractivité en progression. Dans un marché du jouet particulièrement dynamique, qui affiche selon Circana une croissance de 9 % à fin octobre et un volume en hausse de 8 %, l’enseigne réalise une performance supérieure, avec 10 % de progression à périmètre constant. « Nous sommes dans un environnement très favorable au business et nos performances dépassent celles du marché », analyse Éric Talabot, directeur d’enseigne chez La Grande Récré. L’accélération a commencé dès la rentrée, s’est renforcée en octobre et novembre, notamment dans la période du Black Friday, et se prépare à culminer en ce mois de décembre, portée par les licences, les nouveautés et l’essor du phénomène kidulte.
Les licences atteignent un poids historique de 28,3 % du marché français. « Lego tire très fort le marché, tout comme les articles destinés aux adultes. L’une des grandes évolutions de ces dernières années est la montée en puissance des consommateurs de plus de 12 ans », confirme Éric Talabot. Le phénomène kidulte représente désormais 31 % du chiffre d’affaires du jouet, soit plus d’un milliard d’euros, et voit se multiplier les corners qui lui sont dédiés chez les spécialistes.
La reconquête par une politique prix lisible et offensive
Pour La Grande Récré, ce contexte porteur est surtout l’occasion de déployer une stratégie d’attractivité plus lisible et plus offensive. La politique prix constitue l’un des piliers de cette reconquête. « Notre ambition est d’être totalement en phase avec les attentes des consommateurs. Les prix sont un élément décisif, mais nous voulons aussi garantir un rapport qualité-prix inattaquable », souligne Éric Talabot.
L’un des dispositifs clés de cette stratégie est le « Top Masse ». Il s’agit du bon plan du mois, avec un prix barré et des produits massifiés. Ce sont des produits au bon rapport qualité-prix, pas forcément des petits prix. Chaque mois, entre 7 et 10 produits sont mis en avant selon cette mécanique. Quatre d’entre eux figurent systématiquement dans le Top 20 des meilleures ventes hebdomadaires. Lors de leur mise en avant, ces produits voient leurs ventes multipliées par trois.
En complément, l’enseigne lancera en janvier 2026 les Mini Masse. Il s’agit du super plan qui répond à la demande de petits prix. La sélection inclura des véhicules radio-commandés ou des jeux de société, renouvelées au minimum deux fois par an. Elles sont pensées comme des valeurs sûres, faciles à offrir, avec un seuil psychologique fort autour de 5 à 10 euros. « Ce palier reste déterminant pour beaucoup de familles. Il nous permet d’être accessibles tout en proposant des produits solides et attractifs », précise le directeur d’enseigne. Ce sont des petits produits coups de cœur, présentés dans des zones permanentes composées de bacs à 5 et 10 euros, chacun contenant un produit phare mis en avant de manière continue. Une déclinaison estivale suivra. Cette innovation vise à encourager l’achat d’impulsion et à soutenir le panier moyen. Elle complète la sélection d’idées cadeaux, pensée pour désaisonnaliser la consommation et multiplier les occasions d’achat tout au long de l’année, notamment dans les périodes plus creuses pour le secteur. « Nous voulons créer des moments d’achat en dehors des temps forts traditionnels, et proposer des idées simples, thématiques, immédiatement compréhensibles », insiste Éric Talabot.
L’attractivité passe aussi par une approche produit plus sélective. La Grande Récré travaille un cœur d’offre de 6 à 7000 références, qui peut atteindre 10 à 15 000 selon les magasins. L’offre bénéficie de la force du groupe JouéClub, qui permet de mutualiser une partie des conditions d’achat. Mais l’enseigne revendique une identité propre. « La Grande Récré et JouéClub sont deux marques différentes. Environ 80 % de notre offre est commune, mais notre implantation urbaine et notre dynamisme événementiel créent une expérience distincte », explique Éric Talabot. Là où JouéClub est historiquement un magasin de destination, souvent situé en zones commerciales, La Grande Récré occupe des zones de flux, en centres-villes ou dans des centres commerciaux de grandes agglomérations. Le panier moyen s’établit entre 36 et 38 euros sur l’année en magasin, alors que le digital atteint 50 euros, un effet mécanique lié aux frais de livraison et à la nature des achats.
Un nouveau concept magasin pour rendre l’expérience plus inspirante
Cette identité se renforce avec le déploiement du nouveau concept magasin. Le dernier en date, inauguré à Créteil Soleil fin novembre, propose un parcours structuré qui s’ouvre sur une zone transgénérationnelle, se poursuit avec des univers créatifs et culturels, puis avec les catégories traditionnelles du jouet, avant de se terminer par les tendances du moment. L’objectif est de rendre le magasin plus inspirant, plus lisible et plus propice aux découvertes. « Le jouet est devenu un marché culturel et transgénérationnel. Nous devons accompagner cette évolution sans être clivants », note Éric Talabot. À Créteil comme précédemment à Limoges, ce nouveau parcours a été pensé pour fonctionner aussi bien auprès des familles que d’un public adulte de plus en plus présent. L’enseigne teste également de nouveaux formats, notamment un magasin éphémère de 150 mètres carrés dans le Val-d’Oise, contre des surfaces habituelles de 700 à 800 mètres carrés. Ouvert d’octobre à janvier, il permettra de valider la pertinence d’un format compact dans des zones à très fort trafic.
L’enseigne teste également de nouveaux formats, notamment un magasin éphémère de 150 mètres carrés dans le Val-d’Oise.
La reconquête passe aussi par le marketing et la visibilité. Le budget demeure confidentiel, mais l’enseigne a multiplié les formats cette année. Un nouveau film institutionnel a été diffusé sur Disney+, TF1, M6 et de nombreux replays, avec pour objectif de réaffirmer l’identité de la marque. L’activation la plus importante reste toutefois la collaboration avec la station de radio NRJ, pensée pour toucher le public jeune adulte. Capsules vidéo avec célébrités, émissions en direct, équipe Play Zone et contenu sur les réseaux ont permis de créer un territoire d’expression différent et plus contemporain. « Nous avons co-construit cette opération pour parler aux kidultes de manière naturelle, sans nous enfermer dans un discours trop segmenté. Nous en sommes extrêmement satisfaits », affirme Éric Talabot. La présence de l’enseigne pour la première fois à la Paris Game Week participe de la même stratégie : capter les communautés liées au gaming, au streaming et aux licences.
La relation client constitue un autre levier clé de transformation. La Grande Récré compte 3,9 millions de clients encartés, dont 2,1 millions actifs. Ce socle représente un atout déterminant pour la fidélisation. L’enseigne a lancé une refonte de son programme CRM, afin de renforcer la segmentation, la personnalisation et l’intégration des mécaniques commerciales. Le digital, qui contribue à hauteur de 6 à 7 % du chiffre d’affaires, reste principalement un outil de vitrine et d’inspiration. Le groupe observe par ailleurs que seulement 6 % des clients sont communs entre La Grande Récré et JouéClub, « ce qui confirme une complémentarité plutôt qu’une cannibalisation ».
Un réseau qui se structure progressivement autour du modèle coopératif
Cette stratégie commerciale et marketing s’accompagne d’un développement plus structuré du réseau. L’enseigne compte aujourd’hui 110 magasins, dont 69 intégrés, avec deux ouvertures en 2025. Le modèle coopératif, dans la continuité de celui de JouéClub, se déploie au rythme de 15 à 20 transformations par an. Trois primo-accédants ont récemment rejoint l’enseigne et Jacques Baudoz, le patron du réseau et de Jouéclub, possède désormais cinq magasins, dont deux La Grande Récré. Selon Éric Talabot, « la dynamique des adhérents est particulièrement forte, avec une croissance moyenne de 20 % ». Particularité issue de l’héritage de la Grande Récré, le réseau compte aussi une partie de franchisés même si l’objectif à terme est de retrouver le modèle de coopératif du groupe.
L’objectif est d’atteindre entre 130 et 150 magasins pour couvrir efficacement le territoire. Le réseau compte par ailleurs 8 magasins parisiens intra-muros dont trois d’entre eux figurent dans le Top 5 national, aux côtés de deux magasins de province. Dans le cadre des opérations de restructuration, 18 cessions sont prévues en 2025, dont trois bascules vers JouéClub, sur un périmètre total de 86 magasins concernés, soit plus de 20 % du parc. Pour 2026, 25 cessions supplémentaires sont anticipées.