Stratégie retail

Comment Boulanger continue de progresser dans un marché en recul


Dans un marché de l’électroménager et du multimédia en recul, Boulanger continue de gagner du terrain. Sous la direction d’Émilie Soleri, l’enseigne consolide son modèle autour d’un réseau maîtrisé, d’un digital performant et d’une offre servicielle en forte progression.

Sous l’impulsion d’Émilie Soleri, Boulanger accélère sur le service et la durabilité. - © D.R.
Sous l’impulsion d’Émilie Soleri, Boulanger accélère sur le service et la durabilité. - © D.R.

Dans un marché de l’électroménager et du multimédia en recul, Boulanger poursuit une trajectoire singulière. L’enseigne, dirigée par Émilie Soleri depuis deux ans, continue de progresser, soutenue par une croissance maîtrisée de son réseau, un digital performant et une stratégie servicielle de plus en plus affirmée. À travers sa nouvelle signature de marque, « Plaisir partagé », Boulanger exprime sa conviction : la réussite passe par l’alliance du physique et du digital, la force du collectif et une approche durable du commerce.

La « valeur de déplacement » en magasin

Boulanger évolue dans un contexte difficile, porté par un marché des biens techniques en recul, mais toujours en mutation, avec l’arrivée annoncée de nouveaux acteurs comme le géant chinois JD.com ou encore Back Market, qui déploie désormais ses propres points de vente. Pourtant, l’entreprise âgée de 70 ans « continue de gagner des parts de marché », pointe la dirigeante. Son réseau compte aujourd’hui 223 magasins en France, dont une cinquantaine en franchise, avec une dizaine d’ouvertures chaque année. Une dynamique constante. L’activité digitale représente désormais près de 30 % du chiffre d’affaires, avec le cap du milliard d’euros atteint cette année. « Nous faisons trois fois mieux que le marché sur le digital », précise Émilie Soleri. Pour la dirigeante, cette réussite repose sur un modèle capable de conjuguer les atouts du commerce physique et ceux de l’e-commerce. « Nous n’avons jamais pensé que le retail physique était mort, et je le pense encore moins depuis que je dirige Boulanger. Nous investissons plusieurs dizaines de millions par an dans les magasins. »

Cette vision s’appuie sur une conviction forte : le point de vente reste un lieu d’expérience et de différenciation. « Nous devons offrir un parcours en magasin qui fasse la différence, qui soit agréable et accueillant, explique Grégoire Rousseau, directeur retail. Nous avons une vraie obsession de cette ‘valeur de déplacement’ : permettre au client d’avoir l’assurance qu’il va passer un bon moment. » La stratégie de développement reste mesurée. L’enseigne nordiste ne cherche pas à ouvrir « à tout-va » mais privilégie la modernisation et l’expertise. Le réseau se compose de formats variés : grandes surfaces périphériques, concepts urbains, corners et points de service. Cette diversité répond à un objectif simple : « être présent là où le client a besoin de la marque, avec la bonne réponse à chaque situation ». L’exemple du magasin de Montparnasse, où Boulanger partage un étage avec Decathlon, illustre cette volonté de créer de la proximité et de la complémentarité locale. Boulanger continue ainsi d’investir massivement dans l’expérience en point de vente, tout en consolidant sa présence en ligne.

De fortes ambitions également sur le digital via l’appli

Lancée ce mois-ci, la nouvelle signature de marque « Plaisir partagé » traduit cette volonté de réaffirmer la dimension relationnelle du commerce. « Plus qu’un slogan, elle symbolise une manière de concevoir la technologie et l’expérience client : utile, joyeuse, incarnée », souligne Matthieu Coilliot, directeur marketing client et expérience digitale. Le site a ainsi été entièrement repensé, tant sur le plan graphique que technique, pour s’inscrire dans cette nouvelle plateforme de marque et être « aux standards des meilleurs du marché ». La nouvelle application mobile suit la même logique, avec des codes visuels plus colorés et modernes, au service d’une expérience plus vivante et accessible. « L’objectif était d’être davantage dans l’air du temps, en cohérence avec notre nouvelle plateforme de marque », souligne-t-il.

Elle incarne la volonté de Boulanger de rapprocher les mondes physique et digital et de doubler le chiffre d’affaires généré autour de 10 % à date. Refonte graphique complète, ergonomie simplifiée, nouvelles fonctionnalités : elle s’impose comme le point d’entrée central de la relation client. Elle intègre notamment une intelligence artificielle conversationnelle, que l’enseigne est parmi les premières à proposer au grand public. Cette innovation vise à faciliter le dialogue entre le client et la marque, à guider dans les usages et à fluidifier la résolution de problèmes. La fonctionnalité Durable Life illustre cette ambition. Dès la mise en service d’un produit, elle permet au client d’être accompagné dans son usage, de réaliser un autodiagnostic en cas de dysfonctionnement ou d’accéder directement à un technicien. L’objectif : être présent avant, pendant et après l’achat. « Ce n’est qu’un début, car d’autres projets viendront dans les prochains mois pour renforcer encore sa place dans notre écosystème. » Quant à la marketplace, lancée en 2016, elle représente encore une faible part des ventes en ligne. Boulanger souhaite la repositionner et amorce une refonte complète de sa stratégie.

Repenser l’offre : les marques propres comme levier stratégique

Si le digital constitue un levier majeur de différenciation, l’enseigne d’électro-ménager et multimédia mise aussi sur un autre axe stratégique : ses marques propres, repensées pour mieux incarner sa nouvelle plateforme de marque. Elle a simplifié son portefeuille pour le ramener à trois marques : Listo, Essentiel B et Skillkorp, marque de gaming. « Nos marques propres existaient depuis vingt ans, détaille Linda Chabane, directrice de l’offre. Nous avons voulu les moderniser, les simplifier. Nous les avons réduites à trois, avec trois drivers principaux : l’usage, l’émotion et la durabilité. » Les résultats sont au rendez-vous. Les ventes progressent « à deux chiffres » et plusieurs produits se classent dans le top 3 des avis clients. « Ces produits doivent être beaux. Nous devons en être fiers, et nos collaborateurs aussi. Le sens du beau doit imprégner toutes nos réflexions », souligne Émilie Soleri.

Le virage serviciel, un changement de culture

Depuis plusieurs années, Boulanger a également entrepris une mutation profonde de son modèle économique. L’enseigne se positionne désormais comme une entreprise servicielle comme l’affirme également son principal concurrent Fnac Darty. « Nous ne pouvons plus être un modèle uniquement fondé sur la vente de produits, explique Emilie Soleri. Le 'one shot produit’ n’est plus notre moteur. Nous voulons être orientés solutions clients. Cela signifie qu’un client qui vient acheter un article neuf découvre en réalité tout un écosystème de services. » Cette orientation se traduit par la montée en puissance du Club Infinity, programme d’abonnement lancé il y a un peu plus de deux ans pour entretenir et réparer ses produits. Ce dispositif assure les clients pour leurs produits électroménagers, multimédias et, depuis peu, leurs smartphones. Il repose sur une idée simple : prolonger la durée de vie des produits.

« Le produit le plus écoresponsable est celui que l’on possède déjà », rappelle-t-elle. Infinity a déjà séduit plus de 500 000 clients, et Boulanger ambitionne de doubler ce chiffre. Les abonnés sont aussi les plus satisfaits, avec un « NPS supérieur de 10 à 20 points à celui des autres clients ». Près d’un tiers des 9 000 collaborateurs travaillent aujourd’hui dans les métiers de la réparation, de l’installation, de la livraison ou de l’assistance technique. Boulanger a également lancé AppleCare+, proposé uniquement dans les magasins Apple et Boulanger.

Depuis plusieurs années, Boulanger a également entrepris une mutation profonde de son modèle économique

Circularité et économie durable : un changement d’échelle

Pour suivre cette dynamique, Boulanger a créé un indicateur interne : le chiffre d’affaires durable, qui agrège les produits et services à impact positif. Il représente déjà 25 % du chiffre d’affaires, contre 19 % deux ans plus tôt, et atteint une vente sur deux dans certains univers. Cette performance repose autant sur le produit que sur le conseil. « Accompagner le client vers une consommation plus responsable passe à la fois par le produit et par l’écosystème de services qui prolonge sa durée de vie », souligne Linda Chabanne.

Ce modèle serviciel implique une responsabilité collective : « Lorsqu’un client s’abonne, il paye chaque mois pour un service. Cela suppose que le parcours de bout en bout soit irréprochable », affirme la dirigeante. L’entreprise investit donc dans le recrutement et la formation, pour consolider ces métiers et accompagner la croissance de son offre de services. L’ambition reste claire : consolider son modèle serviciel, accélérer sur la circularité, renforcer la différenciation par les produits et poursuivre la transformation digitale. « Dans un monde où tout devient technologique, la relation humaine, la confiance et la proximité feront la différence. » Ce travail d’identité s’accompagne d’une démarche interne forte : impliquer les équipes dans la transformation et leur donner des outils à la hauteur de leurs ambitions relationnelles. « L’autre grande force, ce sont nos équipes. Nos clients peuvent être accompagnés, voir un conseil, être écouté », pointe la dirigeante. Cette dimension environnementale s’inscrit au cœur de la stratégie de Boulanger. L’enseigne se positionne comme le premier acteur français de la collecte des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) et a triplé en deux ans le volume de produits rachetés. Un résultat qui traduit la volonté d’ancrer durablement la performance de l’entreprise dans la circularité.

CE