Stratégie retail

Tikamoon : « Nous voulons être le référent du meuble durable »

Par Clotilde Chenevoy | Le | E-commerce

Arnaud Vanpoperinghe, CEO de Tikamoon, revient sur la reprise en main à 100 % du site, suite au retrait d’Adéo. Il détaille les clés du succès de cette DNVB et surtout les prochaines étapes de développement.

Arnaud Vanpoperinghe, CEO de Tikamoon. - © Tikamoon
Arnaud Vanpoperinghe, CEO de Tikamoon. - © Tikamoon

Vous venez de reprendre votre indépendance vis-à-vis d’Adéo. Comment s’est passée la reprise de Tikamoon ?

Adéo voulait se désengager de Tikamoon et nous avions avec Thibault Deslorieux, mon associé, plusieurs pistes possibles. Nous aimons beaucoup l’entreprise et il n'était pas envisageable pour nous de partir. C’est une entreprise humaine et durable et nous ne voulions pas que cela soit remis en cause par un financier ou un industriel qui aurait changé les façons de travailler. 

Qu’est-ce qui vous distingue sur le marché ?

Tikamoon est né en 2018, sur un modèle de DNVB. C'était une boutique sur ebay est montée par une équipe de passionnés de meuble et de digital. Dès le départ, le choix était clair, il s’agissait de créer une l’unicité de marque et non être une enseigne de plus, qui ne faisait que de la distribution. Nous sommes restés sur ce que nous savons faire : assembler des planches de bois massif. Parallèlement, nous avons travaillé sur les différentes étapes pour avoir le moins d’intermédiaires possibles.

In fine, nous gérons tout, sauf la production amont des matériaux et la logistique du dernier kilomètre. Du côté de l’offre, nous proposons 800 références. Et pour nous développer, nous ouvrons des nouveaux pays. Nous avons attaqué l’Allemagne en 2010, l’Angleterre en 2012 et aujourd’hui l’Italie et la Suisse. 

Quels sont les chiffres clés de Tikamoon ?

Tikamoon emploie 150 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 56 millions d’euros dont 50 % à l’international. Notre objectif consiste à atteindre 100 millions d’euros sur 2 ans. C’est assez ambitieux avec les grandes incertitudes du moment et des coûts maritimes qui sont à leur apogée. Nous travaillons beaucoup pour dérisquer la production en amont et toutes les zones de livraison. Notre point différence c’est cette intégration, qui fait que l’on a toujours été rentable.

Quels sont vos défis du moment ?

Absorber la croissance. Nous recrutons nos équipes en anticipant nos besoins avec un an d’avance et nous allons d’ailleurs prochainement recruter un DAF, entre autres. Nous avons un gros investissement à faire en hommes et process. Nous sommes également en pleine refonte de notre back office qui devrait durer 1 à 2 ans, alors que nous venons de transformer le front office. 

Notre plus gros défi ? Absorber notre croissance ! Nous étions prêts pour faire x2 et nous sommes à x10.

Comment comptez-vous atteindre 100 millions d’euros de chiffre d’affaires ?

Nous allons investir dans notre notoriété. Chaque fois que nous l’avons fait, nous avons une réponse du marché. Télévision, affiche et réseaux sociaux, nous allons investir cette année. Nous sommes encore loin du potentiel du marché, notamment en Allemagne ou au Royaume-Uni. Nous développerons également un peu notre catalogue produits mais sans outrance, avec 50 à 100 nouveautés par an.

Quelle est votre méthode pour attaquer un nouveau pays ?

Nous montons une fusée à trois étages. Ainsi, on démarre avec des places de marché, puis on lance notre propre site avec le service client dans la langue native. Et enfin, au bout de 6 mois, on lance un boost e-marketing avec un accent important sur Instagram. Notre méthode est bien rodée et je pense que nous irons plus vite pour développer la Belgique et les Pays-Bas. 

Nous avons déjà pratiqué quasiment toutes les places de marché en Europe et nous allons être plus sélectifs car nos produits sont assez chers. Nous restons très exigeants sur la traduction de notre site et sur le service client car notre objectif consiste à ce que les natifs nous identifient comme des locaux. Par ailleurs, concernant le transport, nous commençons à travailler avec les gros acteurs, puis nous affinons au fil des mois pour faire baisser nos coûts avec d’autres acteurs ou en réalisant de l’injection directe. Mais la clé pour se développer à l’international c’est le produit.

Comment gérez-vous votre logistique ?

Nous avons diversifié notre sourcing entre l’Europe de l’Est, l’Indonésie, l’Inde et la France. Notre bureau de sourcing est situé en Indonésie. Toute la marchandise est ensuite transférée dans un entrepôt de 27 000 m² en France où 60 personnes se chargent de gérer le site et d’expédier dans les 6 pays où nous vendons. Nous avons développé des partenariats avec de nombreux transporteurs et nous réalisons de l’injection en direct pour baisser les coûts. Le panier moyen de Tikamoon se situe autour de 500 euros et nous expédions environ 100 000 colis par an dont le poids varie de 21 à 100 kg.

Le panier moyen de Tikamoon se situe autour de 500 euros. - © Tikamoon
Le panier moyen de Tikamoon se situe autour de 500 euros. - © Tikamoon

Vous avez des produits lourds, qui viennent de loin, avec des délais parfois courts et parfois très longs. A l’heure où le client veut tout, tout de suite, ce n’est pas un frein ? 

Nous cherchons à avoir tous les produits en stock pour rester sur des délais de livraison courts. L’exercice n’est pas simple d’autant que nous avons un cycle de production qui varie de 6 à 12 mois. Par ailleurs, il faut aussi que notre parc de fournisseurs grandisse et puisse suivre la demande. Actuellement, ce n’est pas toujours le cas. Mais dès la mise en production, nous rendons les produits disponibles à la vente. Les clients peuvent ainsi réserver le produit et cela nous évite de retirer des fiches produits. 

Est-ce qu’on est vertueux quand le produit vient de l’autre bout de la planète ?

Nous cherchons à recentrer la production vers l’Europe mais rapprocher le bassin de production, ce n’est pas forcément plus vertueux pour la planète. Le coût carbone depuis l’Asie en bateau n’est pas tellement plus élevé qu’un camion venant d’Europe. 

Le bois massif est, par définition, un produit vertueux et c’est un piège à carbone, qui ne nécessite pas de transformation. Nous ajoutons uniquement des vernis à base d’eau ou des teintes végétales. De plus, nous utilisons toujours du bois légal. In fine, la différence porte sur la longévité du produit, qui a un cycle de vie plus vertueux que d’autres meubles. Au travers du projet Tikagreen, nous avons synthétisé toutes les démarches de l’entreprise. Notre objectif est d’installer Tikamoon comme le référent du meuble durable. Ainsi, nous ne parlerons pas de bois durable ou de produit bas carbone si nous n’avons pas de certifications. Nous ciblons également l'écolabel européen qui représente pour nous le Graal, et nous regardons aussi le label B Corp. 

Le coût carbone depuis l’Asie en bateau n’est pas tellement plus élevé qu’un camion venant d’Europe. 

Les gens sont-ils prêts à payer deux fois plus cher pour un meuble made in France ?

Nous ne voulons pas faire le choix à la place du client. Peut-être 10 à 20 % choisiront le made in France mais c’est difficile à anticiper car c’est aussi une question d’essence d’arbres. En revanche, nous voulons faire preuve de pédagogie pour que le consommateur choisisse en connaissance de cause. C’est dans cette optique que nous voulons déployer l'éco-note et l'écolabel européen. 

Est-ce qu’un magasin Tikamoon est à l’étude ?

Cela fait 10 ans que ce projet est évoqué mais notre croissance est telle, avec une demande qui est déjà supérieure à la production, que nous n’avons pas poussé plus loin nos réflexions. Nous avons fait x10  en croissance alors que nous étions plutôt prêts pour un doublement de nos ventes… Nous essayons de tenir les jets de l’accélération plutôt que de faire la chasse à la diversification. Nous restons focalisé sur les marketplaces et nous avons testé des corners dans des magasins Leroy Merlin avec un produit référent.