Stratégie retail

Castorama dépoussière ses magasins avec un concept totalement retravaillé

Par Dalila Bouaziz | Le | Concepts

Castorama est de retour. Et c’est à Englos, dans les Hauts-de-France, que Franck Moreno, le directeur général, nous présente le renouveau de son enseigne. Dans LE magasin historique ouvert en juin 1969, où l’aventure a démarré. Reportage.

Le visiteur aperçoit directement la zone dédiée aux services et le côté inspirationnel. - © D.R.
Le visiteur aperçoit directement la zone dédiée aux services et le côté inspirationnel. - © D.R.

« Nous avons la chance d’avoir plus de 50 ans d’expérience sur le marché. Malheureusement, certains de nos magasins reflètent un peu ces 50 ans. » Ce constat de Franck Moreno, directeur général de Castorama France, a poussé l’enseigne à réinvestir dans ses magasins, dont le magasin historique, ouvert en 1969, à Englos dans les Hauts-de-France. « Il était important de le choisir en premier, et d’y concentrer les avancées de ces dernières années », souligne le dirigeant.

Castorama y dévoile un nouveau concept complètement « modernisé et revitalisé », en mode test and learn. « Nous le faisons avec humilité, certains points seront certainement à améliorer, explique le directeur général. Nous allons prendre en compte les retours de nos clients, déjà très positifs. »

La première chose qui interpelle lors de la visite de ce premier Castorama en France, mais toujours dans le Top 5 en chiffre d’affaires, c’est sa superficie : 14 500 mètres carrés dont 9 000 de surface de vente. On imagine bien l’enjeu de moderniser un parc de 92 magasins (et trois en format Express), dans un contexte de digitalisation avec l’arrivée, ces dernières années, de pure players dans le secteur. Et cette volonté comme d’autres de faire du magasin un lieu d’accompagnement, d’inspiration, d’expériences et de destination.

Si l’investissement reste confidentiel, Franck Moreno précise que dix magasins ont été transformés, et l’objectif est de déployer le concept dans une cinquantaine d’entre eux dans les trois prochaines années.

Un magasin complètement remodelé

Dans le magasin d’Englos, les travaux ont duré pendant six mois et sans fermeture. « Nous avons complètement retourné le point de vente et remodelé le parcours client », indique Catherine Poncin, directrice des concepts.

Premier changement dès le sas d’entrée, où Castorama investit dans le marketing olfactif, un choix qui peut paraître étonnant pour une enseigne de bricolage, avec une odeur de figuier végétal. Le visiteur aperçoit directement la zone dédiée aux services et à l’accueil client, le côté inspirationnel, avec huit modèles de cuisine exposés en face de lui complétés par le sol et la peinture, où Castorama démontre son expertise dans l’accompagnement avec la possibilité d’être conseillé dans ses projets (avec ou sans rendez-vous). Et sur la droite, l’espace de retrait des marchandises et retour de produits.

« Quand le client entre dans le magasin, il doit ressentir qu’il est pris en charge du début à la fin, explique Nathalie Lacressonnière, directrice régionale Nord de Castorama. Le consommateur ne vient plus aujourd’hui dans nos magasins en recherchant un produit. Il a besoin d'être rassuré et accompagné dans son projet, en lui apportant expertise et conseils. Et savoir que nous avons une solution adaptée à ses besoins. »

Un corner de rénovation énergétique

150 collaborateurs travaillent dans le magasin. Au global, plus de 400 heures de formation ont été dispensées aux conseilleurs : rénovation énergétique, accompagnement et vente de projets, ainsi que les enjeux environnementaux.

Un corner de rénovation énergétique a ainsi été installé avec des présentations de produits durables pour son habitat, une manne financière pour le secteur qui l’a bien compris. Un chariot d’articles essentiels, soit 400 produits à petits prix, a été placé dans la zone « pop-up » liée à la saisonnalité -actuellement le jardin- ou une thématique particulière et qui sera changée tous les deux mois.

Des synergies de vente retravaillées

Castorama a travaillé le merchandising design. Le point de vente s’inscrit à la fois dans un « esprit boutique » et inspirationnel avec la mise en avant des différents univers (cuisine, salle de bain, rangement, décoration, menuiserie), où ont été installées des zones dédiées aux projets des consommateurs. Des espaces où les conseillers-experts accompagnent les acheteurs via des outils 3D pour les aider à se projeter, représenter la pièce de leur choix… avec ou sans rendez-vous.

Le parcours client est plus aéré, avec une vision directe et lisible des différents services.

Dans les faits, chaque rayon ou « univers » se décompose donc en deux parties, l’une qui présente les gammes en libre-service, appelées en interne « le catalogue », l’autre qui rassemble dans une « boutique spécialisée », un showroom en soit, avec des éléments d’inspiration et un espace conseil pour accompagner les clients dans leurs projets (peinture, salle de bain, cuisine, rangement). Une organisation qui fait donc preuve de bon sens pour une meilleure synergie des ventes. 

Des allées raccourcies pour un parcours client simplifié

Le parcours client est plus aéré, avec une vision directe et lisible des différents services. Les allées ont été raccourcies pour donner plus de visibilité aux gammes. « Dans un magasin de bricolage, vous avez souvent beaucoup de racks en enfilade avec des allées très longues, assez sombres parfois, et où on rentre dans l’allée pour chercher son produit, pointe le dirigeant. La transformation réalisée a permis d’avoir des trames très courtes et où on voit beaucoup plus de produits. Au point que certains clients ont eu l’impression que nous avions fortement élargi notre assortiment. Nous avons rajouté quelques références mais c’est surtout la présentation qui donne cette impression plus forte de choix. »

Pour cela, la signalétique a aussi été retravaillée et des zones par couleur ont été créées pour faciliter la lecture des espaces et mieux guider les clients. Les services immédiats sont symbolisés par la couleur jaune, « couleur de l’efficacité transactionnelle » ; le bleu est associé à l’expression de la marque et le vert est destiné à la jardinerie de 1 300 mètres carrés, située à l’extérieur à proximité du parking. Au vu de la superficie de certains de ses magasins, Castorama a mis en place, depuis l’année dernière une application qui permet la géolocalisation des articles en indiquant le numéro de l’allée via des QR codes.

Un fil rouge de couleurs dans la décoration

Tout du long du parcours client, de nombreuses zones d’inspiration jalonnent le magasin, via un fil rouge de couleurs, dans une approche pédagogique et prescriptive en matière de coordination des couleurs et des matières. L’implantation des produits a été revue avec des mises en ambiance et des produits coordonnés. Par exemple, à côté des papiers peints, les rideaux de la même tonalité sont mis en face pour faciliter la projection d’une pièce réaménagée.

Le réveil d’une « belle endormie »

Cette modernisation des magasins s’inscrit dans une transformation plus vaste de Castorama, entamée il y a trois ans. Après le « trou d’air » entre 2017 et 2019, l’enseigne du groupe Kingfisher a lancé un nouveau plan stratégique en 2020, propre cette fois à Castorama.

« Nous avons retrouvé notre âme de commerçant et procédé à des ‘réparations’, pointe le dirigeant. D’abord par un enrichissement de nos gammes. Même si notre grande force reste nos MDD -qui pèsent quasiment la moitié de nos ventes-, nous avons réintroduit de grandes marques nationales internationales pour rééquilibrer notre assortiment (45 000 références). Nous sommes également revenus sur une activité promotionnelle très dynamique, avec des remises sur des projets, des prix barrés et des arrivages. Enfin, nous avons réajusté des éléments de la supply chain, de l’IT et de capacité de notre plateforme digitale pour revenir dans le marché. Cette phase est aujourd’hui derrière nous et l’enseigne se concentre et se mobilise à présent sur sa modernisation.  »

Le numéro 2 du secteur, derrière Leroy Merlin, a réalisé lors de son exercice 2022-2023 un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros. L’ancienne « belle endormie », comme aime le qualifier son dirigeant, sort de son réveil.