Stratégie retail

Baptiste Bayart : « Flunch doit redevenir une enseigne populaire et moderne »


Trois ans après son arrivée à la tête de Flunch, Baptiste Bayart trace la relance de l’enseigne. Objectif : transformer ce symbole de la restauration familiale en une marque populaire et moderne, capable de reconquérir sa place sur le marché. Entretien.

Baptiste Bayart, président de Flunch depuis trois ans. - © PATRICKEDZIA
Baptiste Bayart, président de Flunch depuis trois ans. - © PATRICKEDZIA

Vous avez repris la direction de Flunch il y a trois ans. Où en est Flunch aujourd’hui ?

Flunch est une enseigne historique qui existe depuis 53 ans. Elle a été lancée par la galaxie Auchan pour disposer d’une cafétéria attenante à l’hypermarché. C’était deux générations en arrière, dans un contexte totalement différent. Aujourd’hui, Flunch compte 150 restaurants, dont un tiers en franchise. Le chiffre d’affaires s’élève à 340 millions d’euros et l’entreprise emploie 3 200 collaborateurs et collaboratrices. Je suis arrivé non pas pour reprendre l’entreprise en tant que propriétaire, mais pour en assurer la direction opérationnelle. Mon arrivée s’est faite dans une période très particulière, l’entreprise sortait d’un plan social et d’un plan de fermetures conséquent. C’est dans ce cadre que j’ai repris la direction, avec un projet pour redonner un avenir à Flunch.

Quels ont été les premiers chantiers que vous avez lancés ?

D’abord des chantiers liés au P&L (compte de résultat), donc des chantiers de production et de productivité, afin de remettre au carré les indicateurs de gestion. Ensuite, des chantiers autour des produits et de la marque : il fallait redonner de la noblesse à Flunch, apporter de l’innovation, simplifier les gestes, introduire du lean management dans les restaurants. Un autre chantier important a été le lancement de la rénovation de nos sites. La plupart étaient amortis.

Il fallait donc faire évoluer le design et l’expérience Flunch. L’enseigne est destinée aux familles et aux actifs. Il fallait remettre cette stratégie au cœur des restaurants et la rendre visible. Pour les actifs, cela signifie disposer de prises USB et de prises électriques. Pour les familles, cela veut dire proposer des espaces de jeux. Tout cela devait être articulé autour d’une offre food et d’une expérience food renouvelée, centrée principalement sur la gastronomie française, mais pas uniquement.

Où sont situés vos restaurants aujourd’hui ?

À 95-97 %, ils sont implantés dans des galeries commerciales attenantes à des hypermarchés ou à des supermarchés. Les implantations en solo sont très rares, même si cela existe, notamment à Paris en centre-ville. Historiquement, Flunch est une enseigne du Nord, donc la région est bien couverte. Mais nous sommes présents partout en France. Il nous reste également six restaurants en Italie.

Sur le plan produits : qu’est-ce que l’on retrouve aujourd’hui chez Flunch ?

Nous proposons ce que je qualifierais de parcours « libre et gourmand ». Libre, parce que chacun choisit ce qu’il souhaite manger. Gourmand, parce que le parcours met en avant les entrées et les desserts, avec un mur d’écrans digitaux qui affichent l’ensemble des plats, y compris les soupes. Nous travaillons particulièrement les entrées et les desserts, avec des produits de qualité, attractifs, qui suscitent l’envie dès le début du parcours. Pour les plats chauds, nous fonctionnons avec un service arrière assisté : le client choisit son plat dans une zone dédiée, selon la typologie souhaitée.

Nous proposons des plats préparés issus de la cuisine française : bœuf bourguignon, carbonade flamande, escalopes de poulet, etc. mais aussi des grillades, des plats de poisson et d’autres offres. Aujourd’hui, la majorité de nos ventes se concentre sur les grillades et les plats préparés de cuisine française.

Quel est le ticket moyen aujourd’hui ?

Le ticket moyen est de 13,40 €. Le menu à 8,90 € représente régulièrement entre 15 et 20 % de la clientèle. Beaucoup de clients viennent chercher un petit plaisir gourmand à prix accessible.

Mais nous avons aussi une clientèle qui dépense 20 à 22 € pour une formule complète avec entrée, plat, fromage, dessert, boisson et vin. L’écart est important, puisque nos plats démarrent à 7,90 €.

En termes de fréquentation, réussissez-vous à fidéliser les clients ?

C’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé. À mon arrivée, nous avions très peu de données et peu d’outils digitaux. Nous connaissions mal nos clients. Nous avons donc totalement rénové notre programme de fidélité. En douze mois, nous sommes passés de 300 000 à 1,2 million de clients encartés. Chaque jour, entre six et dix nouveaux clients par restaurant rejoignent ce programme. C’est une progression remarquable.

Ce programme nous permet de mieux connaître nos clients, de leur adresser des promotions ciblées, et de gérer plus efficacement les clients « abandonnés », ceux qui ne viennent plus ou pas encore. Cela nous permet aussi de constater qu’une partie de notre clientèle fréquente Flunch quasiment tous les jours en semaine.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé dans ce programme de fidélité ?

Avant, c’était une carte avec un code-barres, sans identification personnalisée. Nous l’avons entièrement digitalisé. Désormais, tout se passe via une application mobile, disponible sur iPhone et Android. Cela fait 18 mois que nous l’avons lancée. Le client cumule des points, que nous appelons les « F points ». Les avantages dépendent du montant dépensé : cela va d’un simple café offert à des réductions pouvant atteindre 40 € chez Flunch Traiteur, ou encore des menus complets.

Nous proposons aussi des récompenses régulières et des offres envoyées en push. Par exemple, lorsqu’un client passe à proximité d’un Flunch, il reçoit une notification. Dans les restaurants équipés de solutions de commandes digitales, le client assis à table peut flasher un QR code et commander directement, en payant via Apple Pay. Dans tous les Flunch rénovés, nous avons installé un écran avec l’état des commandes : « commande passée » en orange, « commande prête » en vert. Le client voit la liste des produits disponibles en click & collect, et sa commande est préparée à la minute, sans qu’il ait à quitter sa table.

Ouvrez-vous encore de nouveaux points de vente ou l’objectif est-il plutôt de stabiliser l’existant ?

Notre stratégie est multiple. D’abord, nous franchisons une partie du parc, afin d’adapter la typologie des restaurants et de cibler les bons formats en intégré. Les chaînes de restauration qui existaient avant le Covid en sont toutes sorties différentes. Ensuite, nous avons des projets d’ouvertures, souvent portés par des néo-franchisés qui possèdent déjà une autre activité, que ce soit dans la restauration ou le retail. Par exemple, un associé d’une enseigne de retail qui détient ses murs et qui souhaite développer sa galerie commerciale.

Aujourd’hui, un tiers de nos restaurants est franchisé. Notre objectif est d’atteindre deux tiers.

Nous avançons dans cette direction. Ce modèle fonctionne aussi parce que nous avons constaté, à travers nos discussions avec les bailleurs, qu’un hypermarché enregistre en moyenne -9 % de chiffre d’affaires lorsqu’un Flunch ferme. Contrairement à certaines idées reçues, Flunch reste un commerce très utile. Dans les galeries commerciales, ce sont souvent les bailleurs qui, à notre sens, ont commis une erreur en réduisant la place de la restauration. Lorsqu’il n’y a pas de restaurant entre midi et deux, la fréquentation baisse. C’est une évidence : à midi, les gens ont envie de manger, éventuellement de faire un tour dans les enseignes de mode, puis de revenir manger. La restauration est un moteur de trafic.

Vous étiez autrefois très présents en communication, notamment en radio. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

La communication reste une priorité. Nous continuons à investir dans des spots télévisés. Cet été encore, nous avons diffusé des campagnes en télévision segmentée et en replay, notamment pour mettre en avant nos offres d’été, comme les moules à volonté. En revanche, certaines opérations ne sont plus d’actualité. Par exemple, les campagnes de licensing ne me plaisent pas. Ces opérations posaient la question de savoir qui faisait de la publicité pour qui. Je ne trouve pas cela pertinent, surtout quand cela se traduit par des jouets ou des objets promotionnels qui finissent à la poubelle. Ce n’est pas notre image.

Nous sommes la troisième enseigne de restauration en France en notoriété spontanée.

Aujourd’hui, nous concentrons davantage de moyens sur les médias digitaux et sur nos propres applications. Nous sommes présents sur Instagram et TikTok. Nous faisons également des campagnes sur Waze, pour flécher les clients vers nos restaurants à proximité.

Vous évoquiez aussi l’ambition de rajeunir la clientèle. Pouvez-vous préciser ?

L’idée n’est pas simplement de rajeunir la clientèle, mais de la rendre plus captive autour de la marque. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes nous quittent lorsqu’ils partent faire leurs études ou qu’ils changent de ville. Ils ne viennent plus avec leurs parents le samedi midi, au moment des courses. C’est un changement naturel. Nous avons bien sûr des menus étudiants, mais cette population est surtout concentrée en centre-ville, avec une mobilité accrue. Les dernières générations de jeunes clients qui fréquentaient Flunch à 17 ans ne sont pas toutes revenues ensuite.

Cela tient à l’évolution des comportements de consommation, mais aussi à l’évolution géographique de ces consommateurs. J’attache beaucoup d’importance au fait que la marque continue de les accompagner dans leur quotidien. C’est pour cela que nous avons voulu développer des projets de restaurants en centre-ville, qui s’expriment autrement que par le modèle historique des cafétérias de 1 000 m².

Justement, parlons de ce projet avec Amazon. Comment est née cette idée ?

Nous cherchions à challenger la barrière de caisse traditionnelle de Flunch. Les premiers tests ont été concluants : lorsque nous offrons un parcours hybride, nos clients de galeries d’hypermarchés l’acceptent. En revanche, lorsqu’on impose un parcours radicalement différent, cela ne fonctionne pas : une partie des clients n’adhère pas. C’est ce qui nous a amenés à chercher d’autres solutions. Rapidement, nous nous sommes tournés vers la technologie « Just Walk Out » d’Amazon, déjà connue. Nous avons étudié comment l’implanter pour proposer ce type de parcours dans un Flunch de galerie.

Très vite, nous avons compris que ce serait extrêmement compliqué, pour des raisons techniques et de coûts, mais aussi d’adoption. Un site qui n’a pas été conçu pour cela au départ n’est pas adapté. Nous avons donc décidé d’utiliser cette technologie pour un projet en centre-ville. C’est typiquement le genre de solution que l’on accepte facilement lorsqu’elle est intégrée « from scratch », dans un concept nouveau, plutôt que dans un modèle existant.

Pour en savoir plus sur ce nouveau concept, découvrez notre article : Avec Faim, Flunch s’allie à Amazon pour réinventer la restauration rapide en centre-ville

Quels sont vos enjeux du moment ?

Mon ambition est claire : refaire de Flunch une marque qui compte dans le paysage de la restauration française. Cela passe par plusieurs chantiers : poursuivre la rénovation des restaurants, renforcer la digitalisation, consolider la fidélité client, et affirmer notre rôle de moteur dans les galeries commerciales.

Le premier semestre a été compliqué pour de nombreux restaurateurs. Quel bilan tirez-vous pour Flunch ?

Globalement, nous obtenons des résultats un peu meilleurs que ceux du marché, selon les données disponibles. Cela reste un environnement difficile. La restauration est particulièrement chahutée. Après l’euphorie post-Covid, marquée par des ouvertures déjà signées avant la crise et qui se sont concrétisées ensuite, la concurrence est restée féroce.

Nous devons aussi composer avec une clientèle populaire, plus sensible aux difficultés économiques. Nous voyons clairement l’impact en seconde partie de mois : lorsque le budget des ménages est serré, cela se ressent immédiatement dans nos restaurants.

Spécial Hôtellerie & Restauration participez à notre prochain dîner le 8 octobre

Le Club Enseigne & Business vous donne rendez-vous le 8 octobre pour un dîner-débat Spécial Hôtellerie & Restauration. Au menu des échanges : Marketing d’influence & événementiel, les deux must have pour capter les consommateurs ? Un format exclusif entre pairs, pensé pour nourrir les réflexions stratégiques des décideurs du secteur.

Demande d’inscription : ICI