Réinventer la logistique magasin : comment Vertbaudet a opéré sa transformation
Spécialiste de l’univers enfant depuis plus de 60 ans, Vertbaudet restructure en profondeur ses flux logistiques pour ses 75 magasins avec un focus fort sur la circularité des emballages, l’amélioration des conditions de travail et la rationalisation transport. Entretien avec Nicolas Molet, directeur logistique, sur les leviers de cette mutation et son impact pour le retail.
Vertbaudet est une entreprise de plus de 60 ans. Le réseau compte aujourd’hui 75 magasins et réalise environ 85 % de son chiffre d’affaires sur le web, soit près de 330 millions d’euros au total. L’entreprise compte environ 1 000 salariés, répartis entre le siège, les magasins et la logistique. Vertbaudet est présent à l’international, notamment en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Royaume-Uni, Autriche, Suisse. Le Luxembourg rejoindra bientôt cette liste.
Comment s’organise aujourd’hui votre logistique ?
Nous disposons d’un entrepôt internalisé à Marquette-lez-Lille (Hauts de France), d’une surface de 26 000 m², où travaillent plus de 300 personnes en CDI sur la préparation des commandes. Deux autres entrepôts gérés par des prestataires complètent le dispositif : l’un à Dourges, pour la réception et le stockage de nos marchandises amont, et l’autre à Wattrelos, dédié aux produits encombrants. Ces deux sites ont été créés ces dernières années dans une logique de rationalisation et de regroupement des flux.
Nous traitons entre 50 000 et 80 000 articles par jour, avec des pics pouvant atteindre 120 000 lors des soldes ou du Black Friday
Je préfère vous parler en nombre d’articles plutôt qu’en nombre de commandes parce que c’est plus fidèle à la réalité étant donné que le panier moyen tend à se réduire.
Vous avez récemment mené un projet important autour des flux magasins. En quoi consiste-t-il ?
Ce projet est né d’une réflexion, avec mon responsable flux et transports Antoine Millamon et mon responsable de projet et amélioration continue, Guillaume David, sur les conditions de travail et sur la circularité de nos emballages. Nous avons remplacé les cartons à usage unique vers nos magasins par des bacs réutilisables. L’objectif étant d’éliminer les 120 000 cartons que nous utilisons chaque année pour acheminer les produits depuis notre entrepôt vers nos boutiques.
Il faut bien comprendre que jusqu’ici, nos collaborateurs de l’entrepôt préparaient les cartons c’est-à-dire les confectionnaient, les scotchaient, les remplissaient manuellement et les étiquetaient. Puis les salariés des magasins les ouvraient, les vidaient, les pliaient avant de les mettre au rebut… On faisait pour redéfaire le lendemain, donc. Tout cela nécessitait des gestes répétitifs, peu intéressants. Sans compter évidemment, cette consommation importante de cartons à usage unique et donc la génération de déchets en quantité.
Désormais, les magasins ne reçoivent plus de cartons, ou seulement à la marge pour des objets encombrants, mais des bacs.
Désormais, les magasins ne reçoivent plus de cartons, ou seulement à la marge pour des objets encombrants, mais des bacs. Ils sont étiquetés en entrepôt, expédiés empilés, livrés en magasin le lendemain puis récupérés, nettoyés et remis en circulation.
Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Antoine Millamon et Guillaume David avaient rencontré la société Gamma il y a deux ans. C’est là que l’idée a germé. Les bacs en eux-mêmes sont résistants, de très bonne qualité, empilables et personnalisables mais la révolution ne vient pas du contenant en lui-même. Ils ont avant tout permis de créer un nouveau process de circularité. Nous avons fait de leur introduction un levier de transformation globale de nos méthodes. Au-delà du contenant en lui-même, c’est en réalité toute notre organisation qui a évolué. Le bac est finalement seulement la partie émergée de l’iceberg.
Le projet global représente un investissement à six chiffres, sans retour sur investissement immédiat. Soyons clairs, l’objectif n’était pas financier, mais humain et environnemental
Avez-vous mécanisé vos lignes de préparation à cette occasion ?
Oui, nous avons investi plus de 200 000 euros dans une ligne de traitement mécanique, fournie par Ciuch, afin de faciliter la manutention et de réduire les efforts physiques. Le projet global représente un investissement à six chiffres, sans retour sur investissement immédiat. Soyons clairs, l’objectif n’était pas financier, mais humain et environnemental. Nous visons un ROI sur cinq ans, voire plus.
Et concernant la partie transports ?
Nous avons voulu être honnêtes dans notre démarche en ne choisissant qu’un seul transporteur alors que nous avions jusqu’ici deux prestataires. Cela permet de rationaliser les collectes. Pour limiter les émissions de CO2, nous avons choisi de travailler avec Chronopost, qui assure la boucle complète : livraison et retour des bacs.
Quand ce dispositif a-t-il été déployé ?
La montée en charge a débuté en février 2025 par une phase de test qui a permis de bien valider l’adéquation des bacs avec nos systèmes. Nous finalisons actuellement la bascule des derniers magasins. Ce projet est accompagné d’un suivi précis et d’un dialogue constant avec les équipes terrain pour ajuster les process.
Quels sont les bénéfices d’ores et déjà observés ?
Déjà, nous transportons moins de vide car nous n’utilisons plus de papier kraft pour caler les produits dans les cartons. En effet, les bacs sont plus protecteurs. La qualité perçue s’est améliorée tant en entrepôt qu’en magasin. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts pour le moment mais il est certain que nous constatons une baisse du nombre d’articles en démarque : les pertes ont diminué.
En magasin, nos équipes gagnent du temps et peuvent davantage se concentrer sur la relation client
Et puis, surtout, l’impact est très important pour les collaborateurs. Les gestes répétitifs ont été réduits. Les bacs, rigides et empilables, facilitent aussi la mise en rayon. En magasin, nos équipes gagnent du temps et peuvent davantage se concentrer sur la relation client.
Et pour la suite, quelles sont vos priorités ?
Nous avons une conviction forte : la maîtrise interne de notre logistique. Ce choix n’est pas forcément dans l’air du temps, mais nous l’assumons pleinement, et il s’accompagne d’une volonté claire de continuer à progresser et à investir dans notre outil. Lors de mon arrivée chez Vertbaudet, il y a quatre ans, Mathieu Hamelle, alors PDG, m’avait d’ailleurs confié sa volonté de placer la logistique au cœur des décisions stratégiques de l’entreprise. Cette orientation a été déterminante dans mon choix de rejoindre le groupe.
Quelques exemples de transformation ces dernières années ?
Nous avons beaucoup investi ces dernières années, un montant à sept chiffres… Lorsque je suis arrivé, j’ai diagnostiqué l’outil et j’ai mis en place de nouveaux process sur les réapprovisionnements, les expéditions, etc. Puis, lorsque nous avons estimé que nous avions les bonnes bases de travail, nous avons travaillé à l’amélioration continue. J’ai désormais un comité logistique constitué de huit personnes qui m’épaule tous les jours sur l’ensemble de nos opérations. Nous avons mené par exemple un chantier sur les conditions de travail au niveau de nos retours et sur les flux. Avec un investissement associé de 100 000 euros.
Nous avons aussi déployé des bras télescopiques (150 000 euros d’investissement), et mis en place une activité de pick and pack pour nos commandes web unitaires (de plus en plus nombreuses) avec de nouveaux chariots de prélèvement. L’ensemble des prélèvements a par ailleurs été digitalisé. Nous avons aussi investi dans nos outils IT car nous subissions trop de ruptures de traitement. Et puis, nous avons également réaménagé les espaces extérieurs, notamment au niveau des parkings et des accès du site.
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