Retail et e-commerce : l’impact économique des petits colis venus de Chine

La révolution des petits colis s’accélère. Alors que le gouvernement français prépare un plan d’action qui sera dévoilé ce mardi 29 avril pour mieux réguler le commerce en ligne, les chiffres avancés par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique éclairent une tendance profonde et déjà bien ancrée : l’explosion des flux issus des plateformes internationales, et en particulier chinoises, redessine les contours du commerce de détail en France.

Des volumes hors normes

En 2024, l’Union européenne a vu transiter 4,6 milliards de colis d’une valeur unitaire inférieure à 150 euros. Parmi eux, 91 % proviennent de Chine, selon les données du ministère. Le phénomène prend une ampleur inédite : entre 2022 et 2024, le volume de ces petits colis a doublé.

La France n’échappe pas à cette déferlante : 1,5 milliard de colis livrés sur le territoire en 2024. 800 millions de ces colis concernent des articles de moins de 150 euros, exemptés de droits de douane.

La dynamique est donc à la fois en termes de volume et structurelle, portée par une évolution profonde des comportements d’achat. Aujourd’hui, plus de 70 % des Français de plus de 15 ans déclarent avoir acheté un produit en ligne au cours des 12 derniers mois.

Shein, Temu, Alibaba : la montée en puissance des géants chinois

Parmi les principaux contributeurs à cette dynamique, trois plateformes s’imposent par leur poids : Shein expédie 5 000 tonnes de vêtements par jour dans le monde entier, principalement par voie aérienne. Temu suit de près, avec 4 000 tonnes par jour. Alibaba expédie 1 000 tonnes quotidiennes.

Ces flux très massifs alimentent un marché français où Shein propose en moyenne 7 000 nouvelles références par jour, un chiffre qui peut atteindre 10 000 en période de pic. Son modèle repose sur une offre pléthorique, à prix bas, adaptée en temps quasi réel aux attentes des consommateurs.

En trois ans, le chiffre d’affaires estimé de Shein a progressé de 900 %, d’après les estimations partagées par le ministère. Aujourd’hui, en France, son volume d’activité serait équivalent à celui de Kiabi, alors même que Shein n’exploite aucun magasin physique, contre 350 points de vente pour l’enseigne nordiste.

Une concentration déjà spectaculaire du marché de la mode en ligne

Les effets sur le secteur textile sont déjà impressionnantes : Shein, Temu et Amazon cumulent à elles seules désormais 25 % des ventes de mode en ligne en France. Leur activité combinée dans ce secteur a progressé de 18 % en 2024.

Shein, Temu et Amazon cumulent désormais 25 % des ventes de mode en ligne en France.

Cette dynamique traduit un basculement structurel dans la distribution textile : plus d’un quart des achats de mode en ligne passent désormais par trois plateformes, dont deux sont d’origine chinoise et entièrement digitales.

L’équipement de la maison en ligne de mire

Le textile n’est pas le seul segment concerné. L’équipement du foyer -meubles, décoration, petits équipements- est également sous pression et a tiré dernièrement la sonnette d’alarme. En 2024, le marché global du secteur a reculé de 7 % en valeur et en volume en France. Dans le même temps, les importations chinoises ont progressé de 11 % en valeur et 22 % en volume, selon les données du ministère.

Des plateformes comme Temu et Aliexpress captent une part croissante de ce marché, en particulier sur les articles à faible valeur unitaire. Après la mode, l’équipement du foyer apparaît clairement comme le prochain front du commerce transfrontalier à bas coût.

Une mutation portée par des facteurs structurels

Plusieurs éléments expliquent cette accélération : la suppression progressive des barrières douanières pour les petits colis (moins de 150 euros). Le report partiel des flux commerciaux chinois initialement destinés aux États-Unis, en raison de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. La recherche d’une consommation plus immédiate et plus économique par les consommateurs européens.

Même si une partie du discours institutionnel reste focalisée sur une éventuelle future régulation, le basculement du marché est déjà une réalité pour les acteurs du retail français.

Quels enjeux pour les retailers et e-commerçants français ?

À court et moyen terme, les chiffres observés posent plusieurs défis majeurs comme la concurrence renforcée sur les prix bas et la la pression tarifaire continue de s’accentuer sur l’entrée de gamme, dans la mode comme dans l’équipement de la maison. L’accélération des cycles produits avec 7 000 nouvelles références/jour, Shein impose un rythme de renouvellement totalement inédit, impossible à suivre pour les enseignes traditionnelles. Le renforcement des exigences de conformité et de durabilité sous l’effet de futures législations (ex. : loi sur la fast fashion), les retailers français pourraient bénéficier de leviers différenciants, à condition de valoriser leurs engagements RSE et qualité produit.

Enfin on observe une vraie tension sur la logistique du dernier kilomètre avec l’augmentation des flux de petits colis qui impacte déjà la capacité de traitement des plateformes logistiques françaises, avec des effets possibles sur les délais de livraison pour l’ensemble des acteurs.