Auchan renforce son IT pour soutenir la transformation retail
Par Bertrand Lemaire | Le | Encaissement
Samir Amellal, CIO et Global CDO d’Auchan Retail, détaille la stratégie de transformation numérique de l’enseigne. Simplification des parcours d’encaissement, automatisation, et adoption du Cloud sont au cœur des priorités, avec un objectif clair : réduire les incidents IT de 80 % d’ici 2025 pour optimiser l’expérience client.
Que représente le groupe Auchan Retail ?
Le groupe est présent dans douze pays dont onze en propre et un, en Afrique, en franchise. Les plus importants en parts de chiffre d’affaires sont la France (plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe) et l’Espagne. Le groupe réalise un chiffre d’affaires de 32,3 milliards d’euros avec près de 154 000 collaborateurs dont 62 000 en France. Sur nos 2 354 points de ventes, 687 se situent en France. Nous disposons d’un site e-commerce unique (pour les drives, le click & collect, la livraison…) qui propose les produits disponibles dans la zone géographique du client.
En intégrant une partie du groupe Casino, nous avons pu développer le format supermarché et petits hypermarchés. Ce sont des formats qui, aujourd’hui, sont davantage porteurs que les grands hypermarchés en banlieue.
Quels sont les grands principes d’organisation de votre fonction IT ?
S’il existe aujourd’hui des parties communes mutualisées, historiquement, Auchan Retail dispose d’un système d’information par pays. Cet état de fait a son origine dans des choix business : les directions générales de pays ont une assez forte autonomie pour définir leurs priorités business locales et font donc varier les SI locaux pour s’y adapter.
Aujourd’hui, les infrastructures sont partiellement mutualisées et, d’une manière générale, nous cherchons à accroître la part de ce qui est mutualisé. Il s’agit aussi de compenser une dette historique de gouvernance. Trop longtemps, la conception et le pilotage de nos processus ont été très diffus et chaque responsable métier pouvait spécifier ses propres processus.
Comment cela s’est-il passé sur le plan informatique ?
Tout a changé, même le câblage réseau, à l’exception de la téléphonie ! Outre qu’il y avait souvent de la vétusté et qu’il fallait réaliser une mise à niveau technique, la reconfiguration physique des magasins impliquait d’adapter le câblage aux nouvelles dispositions des mobiliers et des équipements.
Nous avons déployé nos applications en effectuant, lorsque c’était nécessaire, de la reprise de données (données sur le personnel, quelques stocks…), avec éventuellement un peu de reformatage et de retraitement. Mais, d’un point de vue IT, il n’y a pas eu « intégration ». Il faudrait plutôt parler d’ouverture de 94 magasins sur trois mois. La vraie difficulté résidait dans la quantité de magasins à ouvrir (30 magasins sur dix jours, rappelons ce chiffre ! Et cela trois fois pour les trois vagues !) : il fallait fortement industrialiser de manière à tenir les délais et enchaîner. Chaque jour de fermeture d’un magasin est évidemment un jour sans chiffre d’affaires.
Dans les rachats précédents, nous avions repris les IT, ce qui nous avait conduits à avoir plusieurs systèmes d’informations, un pour les supermarchés et un pour les hypermarchés. L’intégration de Casino a accéléré l’évolution de notre propre IT. Par exemple, nous avons pu, à cette occasion, avancer plus vite sur la convergence entre les SI dédiés aux hypermarchés et aux supermarchés.
Nous avons eu connaissance de l’hypothèse de la reprise de ces magasins environ six mois en avance. Nous avons donc pu progressivement préparer l’intégration en fonction de l’avancée du dossier. Nous avons accéléré certaines évolutions vers le SI cible pour éviter de déployer du Legacy qu’il aurait ensuite fallu changer. Cela dit, parfois, nous avons tout de même été contraints de procéder à quelques contournements en attendant une sortie définitive du Legacy. Les anciens magasins Casino, de ce fait, sont pionniers dans l’usage de notre SI cible et permettent de le valider. Le SI cible va ensuite être déployé dans les magasins historiques d’Auchan.
Quels sont vos projets actuels ?
La simplification de l’ensemble de nos processus et, par ricochet, la simplification de nos outils. Un exemple parmi d’autres, le parcours d’encaissement. Nous avons bien sûr les caisses classiques, les caisses en self-service, le click-and-collect, le drive, le scanning sur l’application pour smartphone… A chaque fois, nous voulons que l’usage d’un canal d’encaissement soit facile d’usage autant pour les clients que pour les collaborateurs. Pour accroître la facilité, nous cherchons à simplifier. Nous devons aussi veiller, notamment dans les canaux en self-service, à limiter la démarque inconnue. Or si nous demandons à notre personnel de contrôler une proportion de paniers, cela ne simplifie pas le parcours d’encaissement. Nous mettons donc en place des caméras, des balances, etc.
Nous sommes en train de faire évoluer notre site e-commerce
Par ailleurs, nous sommes en train de faire évoluer notre site e-commerce. Ce site dispose d’une seule série de référentiels (catalogue produits, stocks…) mis à jour toutes les nuits avec les stocks de tous les magasins puisque les clients vont être servis via un magasin donné dans leur zone géographique. Nous utilisions pour remonter les données l’outil Fredhopper que nous avons aidé à faire évoluer mais il n’était plus adapté à la dimension actuelle du e-commerce au sein du groupe, avec des incidents trop nombreux. Nous sommes en train de préparer une migration vers une solution proposée par Google.
Quels sont vos enjeux du moment ?
Tout d’abord, le « back to basic ». Il s’agit de passer d’une relation client-fournisseur à une meilleure gouvernance. Il faut refocaliser l’IT sur son métier. J’ai notamment recréé une direction des opérations et mis en œuvre les bonnes pratiques adéquates de gestion tant du quotidien, en développant l’observabilité, que des déploiements. Nous constatons déjà une forte baisse du nombre d’incidents et sommes aujourd’hui en mesure de régler les problèmes qui surviennent avant même que les métiers ne s’aperçoivent de leur survenue.
Notre deuxième enjeu, c’est de gérer une dette technique très importante qui s’est accumulée au fil des années. Nous voulons surtout nous débarrasser rapidement des 15 % de la dette technique qui génèrent 80 % des problèmes. Nous comptons atteindre cet objectif avant la fin du premier trimestre 2025. La reprise de magasins Casino nous a beaucoup aidé à ce niveau, par exemple en nous faisant avancer sur la convergence hypermarchés/supermarchés.
Enfin, nous devons régler notre dette fonctionnelle. Notre IT est complexe parce que les responsabilités étaient diffuses. Guillaume Darrasse, directeur général du groupe et président France, a bien compris le problème et soutient fortement le renforcement de la gouvernance. Patrice Moulin, directeur général délégué et directeur financier du groupe, m’aide aussi beaucoup.
Quels sont les principaux défis que vous anticipez pour l’avenir ?
Nous avons besoin d’une vision technologique. Notre principal défi, c’est que l’entreprise soit toujours adaptable à tous les changements qui surviennent : évolution des concurrents, problèmes géopolitiques… Sans IT, on ne peut rien faire aujourd’hui. Il faut donc que l’IT soit capable, elle aussi, de s’adapter très vite, d’être très flexible. Nous avons conclu un partenariat important avec Google et Microsoft pour l’adoption du Cloud. Et, côté applicatifs, nous misons sur une architecture headless, à base d’API et basée sur le Cloud.
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