Stratégie retail

Les distributeurs oubliés de l’IA générative


L’intelligence artificielle s’impose dans les parcours d’achat. Un baromètre révèle une tendance inquiétante : les distributeurs sont largement absents des réponses générées. Une invisibilité qui interroge leur présence dans les futurs moteurs de recommandation pilotés par l’IA.

Les distributeurs ne représentent que 12  % des marques citées par l’IA. - © D.R.
Les distributeurs ne représentent que 12  % des marques citées par l’IA. - © D.R.

Alors que les moteurs conversationnels propulsés par l’intelligence artificielle s’imposent comme des canaux d’accès à l’information de plus en plus utilisés, un constat s’impose : les marques de distribution sont très peu citées par les IA. C’est l’un des principaux enseignements du baromètre AI Brand Tracker, publié en juillet 2025 par Havas Market, en partenariat avec Google et OpenAI. À partir de plus de 11 000 réponses générées par le modèle Gemini de Google dans 12 secteurs d’activité, cette première édition permet de mesurer la visibilité des marques dans les réponses produites par une IA générative. Pour chaque réponse, les marques sont catégorisées en quatre groupes : médias, institutions, fabricants et prestataires de services, distributeurs.

Une présence marginale des distributeurs

En moyenne, tous secteurs confondus, les distributeurs ne représentent que 12  % des marques citées par l’IA. Ils arrivent ainsi loin derrière les fabricants et prestataires de services, qui concentrent 57  % des citations, et derrière les institutions (16  %) et les médias (15  %).

Dans la majorité des secteurs étudiés, la part des distributeurs reste inférieure à 15  % :

  • 13  % dans l’automobile,
  • 14  % dans l’énergie,
  • 10  % dans la beauté,
  • 9  % dans le divertissement,
  • 5  % dans la technologie,
  • 10  % dans l’alimentaire,
  • 7  % dans la mode,
  • 3  % dans la finance,
  • 2  % dans la santé.

Quelques exceptions se détachent : le bricolage (29  %), la finance (29  %) et le tourisme (23  %) sont les seuls secteurs dans lesquels les distributeurs apparaissent plus souvent. Mais même dans ces cas-là, ils ne sont jamais majoritaires.

Des fabricants omniprésents, des distributeurs effacés

À l’inverse, la catégorie « fabricants et prestataires de services » domine systématiquement. Elle représente par exemple : 75  % des marques citées dans le bricolage, 72  % dans la finance, 70  % dans l’immobilier, 68  % dans la beauté et 64  % dans la technologie. Les médias et institutions, eux aussi, bénéficient d’une présence plus importante que les distributeurs dans plusieurs secteurs, notamment dans le divertissement, la santé ou encore l’énergie.

Le baromètre met en évidence un autre phénomène : dans 53  % des cas (et jusqu’à 76  % dans certains secteurs comme l’immobilier), l’IA réutilise un domaine déjà cité dans ses précédentes réponses. Autrement dit, les modèles conversationnels comme Gemini s’appuient massivement sur des marques déjà présentes dans leur corpus d’entraînement ou fréquemment associées aux sujets évoqués. Dans ce contexte, les marques les plus présentes dans les contenus web, les analyses, les études ou les prises de parole spécialisées ont davantage de chances d’être citées. Or, les fabricants sont surreprésentés dans ce type de contenus : communiqués techniques, publications expertes, dossiers de presse sectoriels, présence dans les médias spécialisés, etc.

À l’inverse, les distributeurs communiquent souvent de manière plus orientée produit, offre ou promotion, avec des contenus moins structurés autour de leur expertise métier. Leurs initiatives (concepts de magasin, innovations technologiques, logiques omnicanales, politique RSE…) sont peu documentées sous forme de ressources exploitables par des modèles d’IA. Résultat : moins de mentions dans les corpus d’apprentissage, moins de signaux structurants, et donc moins de citations dans les réponses générées.

Une visibilité à reconstruire

Le baromètre AI Brand Tracker révèle ainsi une forme d’invisibilité structurelle pour les distributeurs, dans un environnement où la visibilité algorithmique devient un enjeu stratégique. Si les IA génératives s’imposent demain comme des interfaces de recherche, de conseil ou d’achat, ne pas y figurer revient à disparaître d’une partie du parcours client. Selon Havas Market, cela impose de repenser la stratégie de contenu : pour exister dans les réponses de l’IA, il ne suffit pas d’être une marque connue du grand public. Il faut également que son expertise soit documentée, référencée et associée à des sujets structurants.

Ce défi dépasse la simple visibilité média. Il implique une meilleure articulation entre communication de marque, contenus corporate, publications expertes et indexation sémantique. Une nouvelle grammaire du référencement est en train d’émerger : celle du SEO génératif ou GEO (Generative Engine Optimization).

Méthodologie :

Le baromètre AI Brand Tracker repose sur l’analyse de plus de 11 000 réponses générées par le modèle Gemini de Google en juillet 2025. Les prompts portaient sur 12 secteurs d’activité (automobile, énergie, beauté, etc.). Les marques citées ont été classées en 4 catégories : médias, institutions, fabricants & prestataires de services et distributeurs. Le taux de réutilisation des noms de domaine a également été mesuré pour évaluer la concentration des réponses autour des marques les plus visibles.