Stratégie retail

Ieva group veut devenir le Netflix de la beauté

Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes

Jean Michel Karam, ingénieur de formation et fondateur de IEVA Group, entend révolutionner le monde de la beauté avec son abonnement technologiquement personnalisé. Retour sur ce projet et son fondateur.

Jean Michel Karam, fondateur de Ieva Group, fait rimer beauté, data et algorithmes. - © Ieva Group
Jean Michel Karam, fondateur de Ieva Group, fait rimer beauté, data et algorithmes. - © Ieva Group

fbnetflixQuel est le point commun entre l’Atelier du Sourcil, la marque IOMA et les microsystèmes électromécaniques que l’on trouve par exemple dans les avions ? Il s’appelle Jean Michel Karam. Cet ingénieur de formation a en effet multiplié les projets autour de son expertise première, les Microsystèmes électromécaniques (MEMS), qu’il a appliquée à la beauté. Son dernier projet en date : la création d’un abonnement, myIEVA, avec un contrôle de la peau via des patchs et une application smartphone.

Avant d’en arriver à ce projet, l’homme d’affaires a rencontré son premier succès à la fin des 1990 avec la création en 1997 de Memscap qui fournit des microsystèmes électromécaniques dans de multiples domaines comme l’aérospatiale et la médecine. En 2010, il s’engouffre dans le secteur de la beauté en créant la marque de cosmétiques sur-mesure IOMA - A moi à l’envers - qui s’appuie sur des capteurs pour analyser la peau. « Aller sur ce secteur a été un pur hasard, raconte l’entrepreneur franco-libanais, j’ai fait contrôler un grain de beauté sur une jambe par un dermatologue et j’ai constaté que le médecin n’avait qu’une loupe et de la lumière comme outils. Cela m’a donné l’idée de créer une machine pour analyser la peau. »

Dans le nouveau concept de Marionnaud, la machine IOMA Mirror propose des diagnostics de peau et de la création de soins sur-mesure. - © Républik Retail / CC
Dans le nouveau concept de Marionnaud, la machine IOMA Mirror propose des diagnostics de peau et de la création de soins sur-mesure. - © Républik Retail / CC

L’ingénieur a d’ailleurs séduit Unilever avec cette approche personnalisée des soins. Et trois ans après le lancement de la marque, l’industriel devient le principal actionnaire de IOMA. Celle-ci est désormais exportée dans le monde entier. En France, elle est par exemple disponible chez Marionnaud, qui utilise la machine IOMA Mirror pour réaliser sur la surface de vente des diagnostics personnalisés.

Un abonnement pour séduire notamment les nouvelles générations

Avec son offre myIEVA, le groupe s’appuie surtout sur une plate-forme technique avec des algorithmes brevetés pour les recommandations. En effet, le diagnostic est posé grâce à l’utilisation de deux patchs, qui permettent de mesurer le sébum et les peaux mortes, pris en photos. Ces clichés sont comparés à une base de 50 000 images et une recommandation sera alors éditée parmi les marques et produits de la maison : IOMA, Made with Care, Elenature, IOMA Hair, L’Atelier du Sourcil et boudoir du regard. Trois niveaux de prix sont proposés, 37 euros, 69 ou 89 euros, le dernier palier étant celui incluant des produits personnalisés tandis que les autres sont des produits au catalogue. L’abonnement permettra d’accéder à 70 % de gains économiques sur les soins, les produits capillaires et le maquillage.

Attractif pour les clients, est-ce que l’opération sera rentable pour Ieva Group ? « Cela ne peut fonctionner que si on possède les marques et il faut que les clients restent environ un an, précise Jean Michel Karam. En revanche, il n’y a pas d’engagement et le bouton pour se désabonner est bien visible. Je ne veux pas garder les gens par malice. Nous serons une sorte de Netflix de la beauté où les clients pourront accéder à du conseil et des produits adaptés. Nous allons d’ailleurs renforcer le contenu autour du bien-être. » Et selon les informations consultées, l’algorithme personnalisera la navigation selon les attentes de la cliente. 

Avec myIEVA, le groupe veut devenir l’outil indispensable beauté et bien-être. - © ieva group
Avec myIEVA, le groupe veut devenir l’outil indispensable beauté et bien-être. - © ieva group

myIEVA a été testé pendant un an en version « soft opening », avec 1500 abonnements souscrits. La plate-forme technique est désormais robuste selon le fondateur qui va communiquer plus fortement sur ce projet dans les prochaines semaines. Son objectif consiste à atteindre 10 000 abonnés en France, au Luxembourg et en Belgique. « Ce service représente un moyen de fidélisation fort, estime le fondateur. Mais il transforme aussi le client en membre, ce qui le rend encore plus exigeant. Il faut lui accorder des privilèges en permanence. »

Un réseau pour des expériences physiques

La machine Sphère sert pour les diagnostics de peau. - © ieva Group
La machine Sphère sert pour les diagnostics de peau. - © ieva Group

Dans son approche de Netflix de la Beauté, Jean Michel Karam n’oublie pas la dimension physique et souhaite offrir une expérience complète à ces clientes. En 2020, le dirigeant a ainsi racheté L’Atelier du Sourcil, qui compte 130 centres de soins pour le regard et réalise 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, et en 2021 le réseau le Boudoir du Regard, qui fédère 18 boutiques. Le dirigeant souhaite leur donner une approche encore plus premium et dupliquer l’expérience du diagnostic en point de vente.

Ainsi, fin 2022, un nouveau flagship L’Atelier du Sourcil by IEVA a ouvert près de La Motte Piquet Grenelle, à Paris. Les clients peuvent venir gratuitement faire analyser leur peau pour connaître les traitements adéquats grâce à la nouvelle machine baptisée Sphère, « l’appareil le plus sophistiqué au monde », certifie le dirigeant.

L’Atelier du Sourcil by Ieva a été ouvert fin 2022 et propose un diagnostic de peau utilisant la nouvelle machine Sphère. - © Ieva Group
L’Atelier du Sourcil by Ieva a été ouvert fin 2022 et propose un diagnostic de peau utilisant la nouvelle machine Sphère. - © Ieva Group

L’expérience dure environ 5 à 10 minutes. La cliente doit insérer sa tête dans une sorte de globe, où comme chez l’ophtalmologue, il faut appuyer son menton et son front sur un support. Une série de clichés avec différentes lumières est prise pour une première analyse, qui sera complétée avec l’usage de patchs et d’une autre sonde. Comme pour l’usage via le smartphone, toutes les données sont compilées et comparées à une base de données pour dresser un diagnostic.

Hydratation de la peau, cernes, tension des tissus, une dizaine de critères sont passés au crible avec une note allant de 1 à 10. Fort de cet « état des lieux », le collaborateur de l’Atelier du Sourcil pourra ainsi guider la cliente dans le choix des produits adéquats. Voire lui confectionner une crème sur-mesure adaptée à ses besoins. L’opération se fait, elle aussi, très rapidement avec une machine qui ajoutera à une base classique les actifs attendus.

« C’est une expérience unique qui allie un test et une fabrication en live des produits », assure Jean Michel Karam. Il entend bien dupliquer l’expérience dans ses autres centres et aussi via des partenariats avec Marionnaud ou encore Printemps et les Galeries Lafayette. L’objectif affiché est clair : atteindre 100 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé groupe d’ici 2026.