Stratégie retail

Greenweez bascule dans l’e-commerce hyper local

Par Dalila Bouaziz | Le | E-commerce

Romain Roy, CEO et fondateur de Greenweez depuis sa création en 2008, détaille sa feuille de route à horizon 2030. Le site bio en ligne, en pleine mue, transforme son modèle économique pour être en adéquation avec les enjeux environnementaux des prochaines années. Entretien.

Greenweez bascule dans l’e-commerce hyper local
Greenweez bascule dans l’e-commerce hyper local

Comment se porte Greenweez ?

Notre rentabilité opérationnelle ne cesse de s’améliorer, un motif de satisfaction, dans un marché du bio compliqué et plutôt “flat”. Depuis deux ans, nous avons arrêté cette idée de vouloir absolument faire de l’hyper-croissance à tout prix. Nous nous orientons vers un modèle qui tend au maximum vers la rentabilité. Notre feuille de route 2030 vise transformer notre modèle économique dans un modèle qu’on appelle à visée régénérative, c’est-à-dire dans une logique environnementale très forte qui prime sur la logique d’hyper-croissance vers un modèle plus durable et responsable.

En quoi consiste cette feuille de route 2030 ?

Concrètement, dans l’e-commerce traditionnel, l’impact du modèle notamment en termes de transport n’est pas neutre avec un entrepôt centralisé et des produits venant de partout. Nous considérons qu’il ne suffira plus d'être « net carbone » à l’avenir, parce que la situation climatique est trop dégradée. Il nous faudra trouver des modèles en capacité même de régénérer le vivant et l’environnement. Dans notre cas d’e-commerçant, cela passe par une transformation de notre modèle.

D’ici à 2030, nous voulons donner une dimension locale à notre place de marché, en le transformant en un outil de mise en relation entre un client qui cherchera donc un produit et un vendeur ou producteur capable de le lui fournir localement. Nous passons dans une logique de circuit court, en éliminant la partie transport ou quasiment intégralement, pour pouvoir sélectionner ces vendeurs et producteurs selon un cahier des charges avec des critères précis pour qu’eux-mêmes soient dans des modèles à visée régénérative.

L’ambition est de faire grossir la place de marché au maximum, pour que son poids dans notre chiffre d’affaires soit prépondérant, en référençant au fur et à mesure un maximum de vendeurs et producteurs locaux. Notre objectif est d’être en capacité, à un moment donné, de rajouter cette dimension de filtrage géographique sur l’offre. En fonction de là où se trouvent les clients, les produits proposés seront ceux de vendeurs et producteurs situés autour de chez eux.

Cela nécessite un gros travail de sourcing pour identifier les produits dans les différentes régions de France ?

Exactement. Nous référençons déjà des vendeurs français, ils ont déjà cette dimension locale. Ils viennent grossir le parc de vendeurs et densifier localement. Mais en parallèle, nous allons chercher les producteurs en régions, notamment pour la catégorie fruits et légumes. Il y aura certainement une étape intermédiaire où nous introduirons cette notion de filtrage géographique sans que cela ait un caractère obligatoire. Puis dans un second temps probablement, ce filtrage deviendra un peu coercitif lorsqu’on se connectera sur le site.

Nous comptons aujourd’hui 800 vendeurs et tablons sur 5 à 6000 vendeurs pour atteindre une densité correcte. La complexité réside selon les régions de France : pour certaines, très agricoles, il est très facile de référencer beaucoup de vendeurs et d’avoir une offre exhaustive. D’autres seront plus pauvres ou spécialisées sur un type de culture sans avoir la totalité des produits. Nous avons 2 axes de travail : développer les vendeurs de la place de marché dans cette logique de croissance et en même temps ce travail de référencement de producteurs locaux.

Que retenez-vous de ces 15 ans depuis la création de Greenweez ?

Développer une société e-commerce en France a été une aventure humaine incroyable, vivre ce collectif avec des personnes très engagées, où quotidiennement on apprend des choses… Une entreprise, c’est un corps vivant où nous avons tout connu : des périodes d’euphorie, de contraction, de forte croissance et de moins forte croissance, des expérimentations réussies et d’autres pas, etc.

D’un point de vue professionnel, nous avons souvent été un peu « à contretemps ». Nous avons lancé un site sur le bio et l’environnement, à une époque où cela n’était pas vraiment « à la mode ». De la même façon que lorsque nous avons levé de l’argent, l’e-commerce n’avait pas encore le vent en poupe dans les levées de fonds, avec les sommes folles qu’on a vues par la suite. Nous avons souvent été un peu décalés dans le temps, souvent en avance de phase. Cela n’a pas toujours facilité les choses mais en même temps cela nous a obligé à être challengeant et de développer d’autres expertises et d’appréhender notre modèle. Le fait qu’on ait rejoint le groupe Carrefour a aussi été un formidable accélérateur de croissance, notamment à l’international.

Enfin quand nous avons commencé en 2008, nous avions de bonnes intentions (avoir un véritable impact sur la consommation et alimentation), mais nous n’y connaissions pas grand-chose. Nous avons appris grâce aux clients, aux salariés qui ont rejoint la société, nos prestataires et fournisseurs, et aujourd’hui, quand je regarde, grâce à ce travail collectif, nous avons aujourd’hui cette maturité sur les sujets d’engagement en étant acteur dans ces transformations à venir. Une grande fierté.

Ce que nous avons fait depuis 15 ans est un très beau travail et en même temps, j’ai l’impression que tout est devant nous. Nous avons un formidable challenge avec cette transformation de modèle, avec beaucoup de pédagogie à faire avec les consommateurs parce qu’il y a encore plein d’idées reçues sur le bio, la consommation responsable contre lesquelles nous devons lutter.

Qu’en est-il des marchés européens ?

Depuis le début, nos pays suivent une trajectoire proche de la France. Ce travail de pérennisation de notre modèle et de rentabilité est entrepris dans toutes nos géographies. L’Espagne connaît une situation économique très difficile, avec un fort pic d’inflation. La situation économique de l’Italie est entre les deux (France et Espagne). Mais globalement nos marchés européens se portent bien (aux alentours de 30 % du chiffres d’affaires global, NDLR) en continuant l’unification des noms des plateformes rachetées.

Nous cultivons les synergies entre nos trois filiales via des échanges de bonnes pratiques, etc. Nous sommes dans une industrie, le bio dans lequel ces trois pays, France, Espagne, Italie, constituent trois gros faiseurs dans le monde de la bio en termes de production, de marques connues… Le fait d’avoir un pied dans ces 3 pays est très riche d’enseignements et très avantageux, en étant proches de tous les grands fournisseurs de la bio spécialisée.

Qu’en est du reconditionné ?

Depuis son lancement il y a deux ans, ce segment s’est un peu tassé et ne connaît pas une forte croissance chez Greenweez. Notre focus sur l’informatique reconditionné a eu du mal à convaincre nos clients et donc sur la pertinence de notre offre. Nous avons fait le choix d'être sur une logique de reconditionné très poussée en termes d’impact avec des produits venant uniquement de France. Par conséquent, nos produits sont plus chers que ceux récupérés aux États-Unis puis reconditionnés en Chine. La problématique du pouvoir d’achat ne nous a pas aidé non plus.

Néanmoins, je crois fortement en la seconde main. Dans les prochaines semaines, nous allons lancer une offre complète aussi bien sur les vêtements, l'électroménager, jeux, jouets, mobilier…

Dans les prochaines semaines, nous allons lancer une offre complète de seconde main : vêtements, électroménager, jeux, jouets, mobilier…

Pourquoi avez-vous lancé récemment une application ?

L’appli nous permet d’avoir un canal de communication direct et efficace avec nos clients. Notre site recense 170 000 références aussi il est nécessaire d’adapter au mobile la consultation du site ou le client effectue ses achats pour une dimension plus intuitive et simple.

Cette V1 de notre application va s’enrichir de nouvelles fonctionnalités en 2024 : logique de fidélisation notamment. Les résultats sont excellents depuis le lancement avec des taux de conversion 4 ou 5 fois supérieurs par rapport au mobile sans l’application.