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Comment Jules mute pour sortir de la fast fashion

Par Clotilde Chenevoy | Le | Empreinte carbone

Depuis le plan social de 2018, Jules a amorcé un plan de relance sur le thème du zéro waste. Une stratégie toujours en cours qui a déjà permis de redonner de la valeur à la marque et des couleurs au bilan comptable.

Jules est en train de déployer un nouveau concept en France plus épuré. - © Jules
Jules est en train de déployer un nouveau concept en France plus épuré. - © Jules

« Nous avons fait nos beaux jours avec de la surabondance, nous devons désormais être une entreprise engagée et proposer moins mais mieux. » Pour Franck Poillon, directeur général de Jules depuis septembre 2020, l’heure est à la remise en question, tant au niveau de l’image de marque qu’au niveau des procédures de production. 

L’enseigne s’est lancée dans une mue complète qui vient transformer tous les métiers ou presque, afin de baisser l’empreinte environnementale de la marque et aussi améliorer le bilan comptable. En 2019, Jules a réalisé un chiffre d’affaires de 574 millions d’euros, qui a fortement baissé en 2020 à cause de la crise sanitaire et dont les résultats ne sont pas encore florissants sur le premier semestre 2021…

Franck Poillon a pris la tête de Jules en septembre 2020. - © Esther Baron
Franck Poillon a pris la tête de Jules en septembre 2020. - © Esther Baron

Retour à l’esprit tradi des soldes, moins de production et des meilleures marges

Les premiers jalons de cette transformation ont été posés dès 2019. La maison mère de Jules, Happy Chic, n’est alors pas au mieux juste après l’annonce d’un plan social en 2018. Une relance doit s’amorcer pour revaloriser la marque et la nouvelle stratégie se place sous le signe du zéro waste.

Première décision drastique pour le dirigeant : « nous avons arrêté d’acheter des produits pour les soldes. Ce que nous gagnions en marge amont en achetant des volumes, nous le perdions sur l’aval avec des prix discount. » Désormais, ce temps fort commercial doit servir à liquider les articles des anciennes collections tout en valorisant la nouvelle. 

In fine, en cumulé depuis 2019, la marque se réjouit d’avoir non-produit 1,8 millions de pièces, économisant 520 tonnes de matières vierges. « C’est un modèle très vertueux financièrement parlant, souligne le dirigeant. 2019 a été une année record avec un chiffre d’affaires constant mais plus de marges. » Dans le même esprit, le Black Friday est boudé. Pas question à quelques semaines de Noël de brader ses produits.

35 % de la collection Jules est sous label In progress (vêtements avec des matières plus durables ou recyclées). - © Jules
35 % de la collection Jules est sous label In progress (vêtements avec des matières plus durables ou recyclées). - © Jules

L’approche de réduction de la production se retrouve aussi au niveau de la conception même des produits. Depuis environ un an, les stylistes utilisent de la 3D afin de gagner du temps dans les étapes de confection et également de limiter la création de prototypes.

« Les matières sont scannées par les équipes petit à petit pour alimenter une bibliothèque de matière, explique Erika Joffrin, directrice de l’offre de Jules. Grâce à la 3D, les modélistes et stylistes auront un rendu très proche de la réalité. Nous voulons n’avoir qu’un seul prototype à créer, voire zéro à terme. Les équipes sont très enthousiastes face à cette nouvelle méthode de travail bien qu’elles doivent encore appréhender l’outil. »

L’avis des clients sollicité

Pour aider les créatifs dans leur choix, Jules a également mis en place sur son site e-commerce un espace de co-création pour tester l’appétence des clients et avoir leurs retours sur les produits sortis. Un point clé car moins produire rend encore plus critique la nécessité de ne pas se tromper dans la création de ses collections. Parallèlement, Jules affiche également le souhait de rapprocher sa production de ses clients pour améliorer le bilan carbone et aussi être plus réactif si un réassortiment doit être opéré.

Jules a mis en place dans ces magasins des bacs pour récupérer les textiles et leur donner une seconde vie. - © Jules
Jules a mis en place dans ces magasins des bacs pour récupérer les textiles et leur donner une seconde vie. - © Jules

D’ici 2022, l’enseigne profitera par exemple de la nouvelle usine de Denim de Fashion Cube, qui doit voir le jour dans le nord. Les volumes resteront en revanche insuffisants pour alimenter toute l’offre en jean. A terme le site doit produire 400 000 pièces et le retail en vend 1,4 millions d’unités par an.

Autre changement notable dans la construction de l’offre, dès les débuts des processus de fabrication, les équipes doivent tenir compte du cycle de vie complet du produit. Cela passe par l’usage de matières plus durables. Comme beaucoup d’enseignes de textile, Jules mise par exemple sur le coton bio. Sauf que la production mondiale ne suit pas face à l’engouement des marques. L’enseigne regarde donc aussi d’autres alternatives, comme le coton BCI.

La data pour aider au pilotage

Au-delà du volet créatif, moins produire passe aussi par un usage plus poussé de la data afin d’améliorer les prévisions des ventes et aussi allouer de manière plus fine les stocks. Jules bénéficie sur ce point de l’apport de Fashion Cube et le retailer est en capacité d’adapter l’offre proposée selon la zone de chalandise des magasins et l’appétence client.

De la couleur et du graphisme sont les deux tendances du renouveau voulu par Jules - © Jules
De la couleur et du graphisme sont les deux tendances du renouveau voulu par Jules - © Jules

La data sera également utilisée pour travailler la base clients. « Nous n’avons pas été au rendez-vous en termes de produits et de communication ces dernières années, analyse Franck Poillon. Nous essayons de rattraper notre retard d’autant que nous avons une base de clients fidèles avec plus de 3 millions sont encartés dans notre programme de fidélité. Nous allons les chouchouter. »

Digitale et international en relais de croissance

Ce sens du client se traduit entre autre par la multiplication des services omnicanaux avec du click & collect, de l’e-réservation, du ship-from-store… Ils doivent permettre à Jules de doper ses ventes digitales. Ces dernières représentent 5 % du chiffre d’affaires, ce qui est plutôt la fourchette basse au regard du marché. Le directeur général lorgne aussi sur les marketplaces.

« Nous sommes inexistants sur ce canal alors que la mode masculine représente 30 milliards d’euros, regrette le dirigeant. Et comme le trafic en magasin baisse, les clients doivent bien s’habiller quelque part. Nous étudions comment y aller, mais nous avons des considérations IT à prendre en compte, en plus de définir l’offre que nous voulons proposer. »

Parallèlement au développement du digital, l’enseigne compte renouer avec les ouvertures de magasins. Le réseau se compose de 600 points de vente en France et à l’international. D’ici 2030, 60 nouveaux points de vente doivent être implantés, dont 25 à 35 en France. « Nous avons clairement en enjeu sur l’Ile-de-France, souligne Franck Poillon. Mais nous sentons qu’avec le covid, les clients privilégient davantage les points de vente de proximité et sur des villes de petites tailles nous pouvons aller chercher du chiffre d’affaires intéressant. » 

Jules prévoit d’ouvrir 60 nouveaux magasins d’ici 2030. - © Jules
Jules prévoit d’ouvrir 60 nouveaux magasins d’ici 2030. - © Jules

L’international est aussi un autre levier de croissance du réseau. Jules réalise 10 % à 12 % de son chiffre d’affaires en dehors de l’Hexagone, dont 50 % en Belgique. Le retailer travaille par exemple avec CFAO en Afrique de l’Ouest et il reste encore beaucoup de potentiel. « Nous avons des partenaires solides sur lesquels nous voulons nous appuyer pour bien mailler les zones où nous sommes présents », insiste le directeur général.

Faire et faire savoir, un volet communication important

Jules a changé et s’engage dans une mode plus durable « en toute humilité », souligne Franck Poillon. D’où la nouvelle signature de l’enseigne Men in progress. « Depuis 2019, nous avons réinvesti pour relancer la marque, montrer que Jules change et va continuer à changer, conclut le directeur général. Nous avons un vrai rebond de notoriété et le plan media ne va pas s’arrêter. Nous misons sur la répétition, ce n’est pas une posture de marque. »