Jules renforce son « éco-responsabilité » en devenant entreprise à mission
Par Dalila Bouaziz | Le | Eco conception
Cet article est référencé dans notre dossier : Economie circulaire : les initiatives des retailers & e-commerçants
Transformer l’industrie de la mode en œuvrant pour la relocalisation de sa production au plus près de ses clients, telle est la nouvelle mission que s’est donnée Jules. Objectif ? Participer à son niveau à la décarbonation du secteur.
Entamée il y a quatre ans, Jules poursuit sa stratégie environnementale « in progress ». L’enseigne de mode masculine se réinvente pour devenir une marque responsable et engagée. « Notre ambition est de passer d’une stratégie de volumes, d’un ‘produire toujours plus et moins cher’ à une production de produits à forte valeur, durables dans le temps, au plus juste des besoins, explique Franck Poillon, directeur général de Jules. Nous avons un vrai rôle de pédagogie à mener, en interne, comme auprès de nos clients, pour démontrer toutes les vertus et les bénéfices de ce nouveau paradigme, et convaincre que la direction que nous avons choisie est la seule qui soit viable sur le long terme, pour créer de la valeur durable. »
Nous devons continuer à être profitable dans la durée mais pas à n’importe quel prix
Un positionnement qui n’apparaît plus si invraisemblable dans le secteur de la mode, connu pour être l’une des industries les plus polluantes au monde. En février dernier, l’enseigne de la galaxie Mulliez est devenue « entreprise à mission ». « Nous sommes la première entreprise dans le prêt-à-porter de cette dimension, souligne le dirigeant. Néanmoins, Jules est et restera une entreprise à but lucratif. Nous devons continuer à être profitable dans la durée mais pas à n’importe quel prix : en assurant une dynamique de progrès sociétal, social et environnemental. Ces deux concepts ne s’opposent plus. » Un nouveau statut, après deux ans de process, qui valide ses objectifs dans la mode durable et de réduction de son empreinte carbone, soutenu par l’actionnaire familial.
Décarboner l’industrie textile
Son leitmotiv, initié en 2019 avec sa signature « Men in progess », se traduit « par ne produire que ce que Jules est capable de vendre ». Acheter moins mais mieux, avec des collections aux matières durables, bio et recyclées afin de limiter l’impact environnemental des produits, notamment les émissions carbones et la consommation d’eau. L’enseigne aux 550 magasins (dont 470 en France) indique qu’elle a ainsi économisé près de 2,7 millions de pièces en trois ans. Elle ne dispose que 2 % de stocks résiduels de sa saison hivernale (6 % auparavant).
La diminution de son empreinte carbone commence dès la conception des vêtements. Cette année, 50 % des collections auront son label interne « in progress », soit fabriquées avec des matières à moindre impact (coton bio, lin, polyester recyclé…), avec l’objectif d’atteindre les 100 % en 2030. « Nous avons initié toutes nos équipes à l’éco-conception, en mettant cette démarche en pratique par catégories de produits, indique Erika Joffrin-Cadix, nouvelle directrice RSE depuis novembre. Pour éco-concevoir, nous essayons de réduire au maximum l’impact environnemental de toutes les étapes du cycle de vie du produit : création, choix des matières, possibilités de réemploi, confection, transport… Et tout cela sans perdre de vue les attentes de nos clients en termes d’usage et de qualité. »
Les cinq piliers du projet sont regroupés sous l’acronyme Trust : « Transformer l’industrie à notre échelle, Réconcilier tous les hommes avec les vêtements, s’Unir avec les acteurs locaux, Sauvegarder les ressources par l’écoconception et Transmettre les savoirs avec la sensibilisation de tous les collaborateurs ». En 2024, et dans la poursuite de ce cheminement, Jules se lancera dans la pré-commande, en démarrant par le costume.
Renforcer le proche-import
Jules a également entamé la relocalisation de sa production dans les pays européens et méditerranéens, en diminuant ainsi sa part en Asie, pour se rapprocher de ses bassins de consommation. L’objectif en proche import est d’être à 17 % en 2023 et une ambition de 33 % en 2026. Dans ce cadre, la marque de mode pour hommes développe une « capsule savoir-faire locale » dans laquelle 100 % des matières seront européennes notamment italiennes et portugaises.
Soutenir la réindustrialisation en France
Au printemps 2022, l’enseigne a inauguré une usine de denim « Fashion Denim Center », dans les Hauts-de-France (Neuville-en-Ferrain), pour confectionner à l’origine 100 000 pièces de jeans (70 000 à 80 000 pièces ont été fabriquées l’an dernier). Ce projet nommé « Fashioncube » s’était créé en collaboration avec les autres marques du groupe Mulliez (Bizzbee, Grain de Malice, Orsay, Rouge Gorge et Pimkie) mais a été dissous avec la vente de Pimkie. L’usine continue néanmoins de produire. La première édition du jean « 59 » vendu à 59,59€ s’est écoulée à plus de 6 000 exemplaires depuis sa commercialisation fin 2022. Une version 2 sortira en septembre à un « prix un peu plus élevé ».
« Nous travaillons actuellement sur une vingtaine de projets made in France sur l’année 2023 et espérons que 100 % de ces produits seront dans nos magasins ces prochains mois », explique Matheïs Grimonpont, responsable achats. Ainsi, une collection appelée « le Parfait », en co-création avec sa communauté de clients « Relove », soit un vestiaire urbain comprenant une quarantaine de références (chino, pull, chemise, tee-shirt…) seront en boutiques pour l’hiver 2023. Une gamme un peu plus chère en raison d’une qualité renforcée, via des tests plus poussés pour rallonger la durée de vie des vêtements, et une garantie… de 4 ans pour des vêtements (échange possible si le produit est défectueux durant cette période). Au global, Jules espère vendre 100 000 pièces d’ici 2025. Un chiffre encore minime puisqu’il ne représentera qu'1 % de sa production.
Démarrée en 2021 dans un magasin lillois, l’expérimentation du corner de seconde main « Rewear », une collection Vintage de streetwear, denim… à des prix assez élevés, n’a pas été concluante. Le test a été arrêté. « Nous avons essayé et appris, indique la directrice RSE Erika Joffrin-Cadix. A présent, nous réfléchissons sur un nouveau projet dans la seconde main. »
Des performances commerciales affectées par une cyberattaque
En termes de chiffres d’affaires, l’année 2022 n’a pas été tout à fait au rendez-vous. Franck Poillon évoque des ventes estimées à 470 millions d’euros contre « 500 millions pour une année normale », affectée par la cyberattaque qui a touché son site e-commerce en septembre et durant plusieurs mois. L’entreprise reste très discrète sur ses conséquences.
La part du commerce en ligne a légèrement augmenté autour de 7-8 % de son chiffre d’affaires. Le dirigeant n’a pas changé de position en estimant que « cela n’est toujours pas une fin en soi pour Jules d’avoir une part web qui grossit, explique Franck Poillon. Nous sommes plutôt dans une logique omnibusiness en nous dotant d’outils omnicanaux sur l’ensemble du réseau. »