Stratégie retail

Noz : « Notre objectif est clair : devenir le leader mondial de l’achat en déstockage »


Avec une croissance de +11 % en 2024 et plus de 3 millions de clients mensuels, Noz confirme la solidité de son modèle. Marine Coic, directrice des opérations, détaille l’ambition de l’enseigne : devenir le leader mondial de l’achat en déstockage, en misant sur une stratégie d’achat opportuniste et ultra réactive.

Marine Coic, directrice des opérations de Noz,  - © D.R.
Marine Coic, directrice des opérations de Noz, - © D.R.

Comment s’est déroulée l’année 2024 ?

Notre enseigne se porte bien. Noz s’impose à la fois comme le pionnier et le leader du déstockage, en France comme en Europe, depuis près de 50 ans. Nous comptons aujourd’hui 336 magasins sur le territoire français. En 2024, notre chiffre d’affaires s’est établi à 793 millions d’euros, frôlant les 800 millions, soit une croissance à deux chiffres de +11 % par rapport à 2023. Ce chiffre tient compte des ouvertures réalisées au cours de l’année, il ne s’agit donc pas d’un périmètre constant. Tous les voyants sont au vert, et nous poursuivons notre dynamique avec un rythme d’ouvertures d’environ deux magasins par mois, soit une vingtaine sur l’année.

Nous enregistrons également une forte progression de la fréquentation : plus de 3 millions de clients se rendent désormais chaque mois dans nos magasins, contre 2,6 millions auparavant. Cette hausse témoigne de l’attractivité croissante de notre modèle et de l’adhésion des consommateurs à notre promesse. Et cette dynamique se poursuit en 2025. Sur les mois d’avril et mai, nous prévoyons l’ouverture d’au moins trois nouveaux points de vente.

Vous insistez sur le fait que Noz est une centrale d’achat avant tout ?

En effet. Les magasins sont notre mode de revente, mais la force de notre entreprise, c’est la capacité d’achat. Nous avons des équipes partout dans le monde qui identifient des opportunités d’achat de lots en déstockage. Ces lots peuvent être constitués de fins de séries, d’invendus, de dates courtes, de fins de collection… Ils sont ensuite valorisés par nos équipes marketing. C’est vraiment notre savoir-faire. La revente est la conséquence naturelle de notre puissance d’achat.

Dans un contexte où beaucoup d’acteurs du retail sont en difficulté, y compris chez les discounters, comment vous positionnez-vous ?

Notre promesse, ce n’est pas le « prix bas » en tant que tel, c’est la « bonne affaire ». À la différence du discount pur, où le positionnement est basé sur des prix bas constants, nous proposons des produits issus du déstockage, à un prix décoté. Ce n’est pas du produit bas de gamme à bas prix, c’est un produit de qualité à prix cassé.

On peut avoir de petits prix, mais aussi des articles moyen voire plus haut de gamme, comme des pulls en cachemire. Ce qui compte, c’est la remise. Nos clients savent faire la différence entre un produit premier prix de moindre qualité, souvent fabriqué très loin, et un produit de qualité, neuf, auquel on donne une seconde vie.

Quel est votre panier moyen ?

Il n’a pas vraiment de pertinence chez nous. Contrairement à la grande distribution, on ne maîtrise pas la part de chaque catégorie de produit. Un mois, on peut recevoir beaucoup de textile, le mois suivant, des produits de grande consommation. Cela influe fortement sur le panier moyen. Il évolue constamment.

En 2024, on peut estimer une répartition d’environ un tiers PGC (produits de grande consommation), un tiers bazar, un tiers textile. Mais ce n’est pas une stratégie ou une volonté de notre part. C’est simplement la conséquence de nos achats sur une période donnée. On ne cherche pas à équilibrer à tout prix entre les univers.

Suivez-vous néanmoins les tendances de consommation ?

Oui, mais notre logique reste opportuniste. Par exemple, nous avons acheté beaucoup de textile récemment parce que c’est ce que le marché proposait : liquidations d’Esprit, Bayard… Le textile est aussi un secteur où il y a souvent des restes de collections, des pointures ou des tailles isolées. Cela n’est pas figé dans le temps et peut évoluer à tout moment.

Quelle est la durée de vie moyenne d’un produit en magasin ?

Le cycle de vie est de quatre semaines maximum. Il y a deux raisons à cela : d’une part, respecter nos engagements vis-à-vis des fournisseurs, pour que les produits ne restent pas en magasin trop longtemps et ne nuisent pas à leur propre réseau de distribution. Et d’autre part, inciter nos clients à revenir fréquemment. Les magasins sont livrés trois fois par semaine en moyenne. Si les produits ne partent pas dans les quatre semaines, on applique des remises supplémentaires pour faire de la place aux nouveaux arrivages.

Quelle est votre politique de prix selon les catégories, et y a-t-il des segments que vous privilégiez ou au contraire que vous écartez ?

Les remises varient selon les catégories. En produits de grande consommation (PGC), on est plutôt autour de -30 %, tandis qu’en textile, cela peut atteindre jusqu’à -80 %. Il n’y a pas de règle fixe : notre service marketing positionne les prix en fonction du marché, avec une exigence claire — être systématiquement moins cher que le prix le plus bas constaté en France. Si une enseigne affiche -50 %, nous irons plus loin, avec des remises de -55 %, -60 %, voire -70 %, selon l’intérêt du lot. Nous couvrons quasiment toutes les catégories, à l’exception du frais. On trouve chez nous du surgelé, des bijoux, des montres, et même de l’or et de l’argent. Il nous arrive aussi de proposer des produits plus premium, ce qui nous distingue clairement du discount traditionnel.

Certaines opérations ont particulièrement bien marché, comme celles menées autour de marques comme Habitat ou Made.com. Il s’agissait d’articles neufs, souvent proposés avec des remises allant jusqu’à -60 %. L’engouement était tel que les clients faisaient la queue en magasin, attendant les livraisons annoncées sur nos pages Facebook. Cela dit, ces opérations très visibles ne représentent qu’une petite part de notre chiffre d’affaires moins de 10 %.

Justement lorsqu’une marque fait faillite, votre reprise de stock attire souvent l’attention des médias. Est-ce que cela soulève des enjeux en matière d’image ou de réputation pour votre enseigne ?

Oui, c’est vrai qu’une partie de nos approvisionnements provient de déstockages liés à des difficultés économiques : redressements judiciaires, liquidations, sinistres… C’est l’une de nos sources historiques, et cela fait partie intégrante de notre métier depuis près de 50 ans. Bien sûr, ce sont des situations que nous ne souhaitons à personne, mais notre rôle est d’y apporter une solution. Si nous rachetons ces marchandises, c’est parce que nous sommes le mieux-disant, celui qui en propose le meilleur prix. Et cet argent permet, dans bien des cas, de rembourser des créances ou de solder des dettes. Si ce n’est pas nous, ce sera un concurrent ou un autre acteur du rachat. C’est un rôle que nous assumons pleinement.

Ce qui a changé, sans doute, c’est la médiatisation. Depuis le Covid, des marques très connues ont disparu, ce qui attire davantage l’attention. Mais dans le fond, notre activité reste la même : faire ce que nous avons toujours fait. Et tant que ce modèle fonctionne, nous continuerons.

Comment fonctionne votre sourcing ? Travaillez-vous en direct avec les marques et les fabricants, et quel rôle joue votre école de formation interne dans cette approche ?

Oui, c’est une priorité pour nous. Nous avons vraiment à cœur de développer une relation de confiance avec nos fournisseurs, sans passer par des intermédiaires. Nos acheteurs sont formés pour comprendre leurs besoins, savoir pourquoi ils déstockent, à quelle fréquence, et quel type de marchandise ils peuvent proposer. L’objectif est d’établir une relation durable et transparente. Idéalement, on aimerait devenir une sorte de magasin d’usine pour toutes les marques.

C’est dans cet esprit que nous avons mis en place, il y a plus de vingt ans, une école de formation interne. Elle vise à transmettre les compétences spécifiques au métier du déstockage, notamment l’art de la négociation. Proposer à un fournisseur de reprendre son stock ne se résume pas à un simple « Vous avez du stock à déstocker ? ». Il faut adopter la bonne posture, l’amener à identifier lui-même ses invendus, ses fins de séries. C’est une véritable approche, un savoir-faire qui s’apprend. Nos acheteurs y sont formés, et c’est ce qui nous permet aujourd’hui de bénéficier de la confiance de nombreux fournisseurs.

On aimerait devenir une sorte de magasin d’usine pour toutes les marques.

Où en êtes-vous dans votre maillage territorial ?

Nous n’avons pas de plan d’implantation prédéfini. Comme pour nos achats, nous fonctionnons avant tout par opportunité. L’ouverture d’un magasin ne part pas d’une cible géographique précise. Cela fait d’ailleurs plusieurs années que des clients nous sollicitent pour une ouverture à Marseille, par exemple, mais nous n’avons pas encore trouvé l’opportunité qui corresponde à nos critères. En moyenne, nos magasins s’étendent sur 1 500 m². Les prochaines ouvertures sont prévues à Mantes-la-Ville en avril, puis à Nîmes en mai.

Historiquement, nous sommes plus implantés dans l’Ouest et le Nord, car c’est là que l’entreprise s’est développée. Le siège est basé en Mayenne. Mais nous estimons que nous pouvons quasiment doubler le nombre de magasins. Nos magasins sont implantés en périphérie de villes moyennes, et ce positionnement est pleinement assumé. Aller en centre-ville ne fait pas partie de notre stratégie. Notre modèle repose sur une clientèle qui vient en voiture, et c’est ce fonctionnement qui a prouvé son efficacité.

Vous avez fermé des magasins en 2022, pourquoi ?

Cela s’est passé après la période Covid. Nos achats avaient diminué, et certains magasins manquaient de marchandise. Nous avons donc pris la décision - une première pour nous - de fermer temporairement les points de vente les moins rentables afin de concentrer les volumes sur ceux restés ouverts. Avec le recul, c’était la bonne stratégie : tous ces magasins ont depuis rouvert. Le fait d’être propriétaires de nos murs nous a permis d’agir avec agilité. C’est une illustration concrète de notre capacité à nous adapter en fonction des volumes disponibles.

Nous fonctionnons principalement en mandat de gestion. Cela signifie que nous fournissons la marchandise et le mandataire développe son chiffre d’affaires. Aujourd’hui, presque tous nos magasins sont en mandat de gestion, il en reste moins d’une vingtaine en intégré, mais l’objectif est d’atteindre les 100 %. Nous avons testé les deux modèles, et l’expérience montre que les mandataires, en véritables patrons de leur point de vente, sont plus engagés. Ils échangent avec les clients, organisent des animations, des nocturnes… Ils développent leur activité comme de vrais commerçants. Cette implication se reflète directement dans les performances.

Quelles actions mettez-vous en place pour générer du trafic en magasin ?

Notre principal levier, c’est le produit et le prix. Nous ne pouvons pas mener de campagnes de communication classiques, car nous avons des accords de confidentialité avec nos fournisseurs : il est exclu de communiquer sur les marques que nous revendons. Des exceptions existent, comme pour Bayard ou Habitat, lorsqu’il s’agit d’informations déjà publiques. En dehors de ces cas, nous restons discrets. En revanche, notre présence sur les réseaux sociaux est un véritable relais de trafic : la page Facebook de Noz, celles animées par les mandataires, notre compte Instagram qui compte plus de 149 000 abonnés et les communautés comme les « Noz Addicts », qui réunissent plus de 300 000 membres. Ce sont eux, finalement, qui font venir les clients en magasin.

Comment accompagnez-vous cette dynamique sur les réseaux sociaux ?

Nous n’en sommes pas à l’origine mais nous la relayons. Nous publions sur nos réseaux officiels, dans le respect de notre charte graphique. Cela dit, les publications les plus virales viennent de nos clients. Nous ne faisons pas appel à des influenceurs, ce n’est pas notre stratégie. Nous sommes une enseigne de déstockage, et investir dans des opérations d’influence irait à l’encontre de notre modèle. Nous ne rajoutons pas d’artifices.

Quant à la parole spontanée de nos clients, nous la laissons totalement libre. C’est authentique, non rémunéré, et c’est précisément ce qui plaît. Même sans budget dédié, cela nous offre une belle visibilité.

Quels sont aujourd’hui vos grands chantiers, notamment en matière de croissance ou de digitalisation ?

Notre priorité est de poursuivre notre croissance, avec un objectif clair : devenir le leader mondial de l’achat en déstockage. Nous voulons continuer à transformer les invendus de nos fournisseurs en bonnes affaires pour nos clients, et intensifier nos achats, partout dans le monde. En revanche, la digitalisation ou la vente en ligne ne font pas partie de nos projets. Notre modèle repose sur l’achat de lots très hétérogènes, avec des produits qui varient en taille, en quantité, en forme… Gérer cela en ligne serait extrêmement complexe. Sans compter que nous ne pouvons pas communiquer sur les marques que nous revendons. La vente en ligne, c’est un tout autre métier. Notre vraie force, c’est l’achat, et c’est sur ce savoir-faire que nous concentrons nos efforts.