Le commerce français engage une action judiciaire inédite contre Shein
Douze fédérations professionnelles et plus d’une centaine de marques ont décidé de saisir la justice contre Shein. Une action collective inédite qui met en lumière l’exaspération d’un secteur fragilisé par une concurrence jugée déloyale et les risques croissants pour les consommateurs.
« Nous annonçons aujourd’hui le lancement d’une action en justice pour concurrence déloyale contre la plateforme Shein. C’est la première fois dans l’histoire du commerce en France qu’une telle action est engagée. » Bernard Cherqui, président de l’Alliance du Commerce et président de Mondial Tissus, a annoncé aujourd’hui que le commerce français hausse le ton face à la montée en puissance des plateformes étrangères, Shein notamment. Et d’insister : « cette conférence est inédite, voire historique, pour deux raisons. Elle l’est d’abord parce qu’elle réunit douze grandes fédérations du commerce, ce qui marque l’unité de notre métier et de ses acteurs. Elle l’est aussi par l’ampleur du combat que nous portons aujourd’hui : défendre un commerce fondé sur le respect des règles et sur la sécurité des consommateurs. »
Précisément, douze fédérations professionnelles du commerce et de l’industrie, rejointes par plus d’une centaine de marques, (dont Promod, Besson, Grain de Malice, Coopérative U ou Monoprix, ont engagé une action en justice contre Shein pour concurrence déloyale.
Un constat unanime qui biaise les règles du commerce
« Ce sont 800 millions de petits colis qui arrivent en France chaque année, soit l’équivalent d’environ quatre-vingts gros porteurs qui déversent leur cargaison à Roissy et sur d’autres plateformes », a illustré Jean-François Brunet, délégué général du Conseil du Commerce de France (CDCF). Yann Rivoalan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, a lui rappelé le non-respect des normes avec « des produits carrément dangereux, comme des chaussures contenant tellement de plomb qu’elles en deviennent cancérigènes, ou des articles présentant des taux de phtalates ou de PFAS qui dépassent les normes de près de 400 %. »
Quand on atteint un tel niveau de manquements, ce n’est plus une négligence ni une erreur ponctuelle : c’est un modèle, et ce modèle menace le nôtre.
« Quand on atteint un tel niveau de manquements, ce n’est plus une négligence ni une erreur ponctuelle : c’est un modèle, et ce modèle menace le nôtre », a pointé Marc Olivier, délégué général de la Fevad. Quant à Olivier Marin, vice-président de la Fédération des commerces spécialistes des jouets et des produits de l’enfant, il déplore que « ce cumul de pratiques crée un avantage compétitif artificiel et génère un préjudice économique massif pour les enseignes implantées en France, qui respectent les normes sociales, fiscales, réglementaires et environnementales. »
Des condamnations répétées mais sans effet à date
Shein a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour pratiques commerciales trompeuses, manquements aux obligations de sécurité et de conformité, ainsi que pour violations récurrentes de la réglementation sur les données personnelles. Les sanctions prononcées par les autorités françaises et européennes représentent à ce jour près de 190 millions d’euros.
En engageant cette action judiciaire, les organisations professionnelles entendent obtenir la reconnaissance du préjudice subi, ainsi que des dommages et intérêts proportionnés aux pertes économiques générées. Le montant est estimé à 3 milliards d’euros de préjudice selon le cabinet d’avocat.
Au-delà de la compensation financière, pour les dirigeants, l’objectif est que ces plates-formes se mettent en conformité avec le droit français pour jouer à armes égales. Cette démarche vise aussi à envoyer un signal politique fort, alors que la question de la régulation des géants du e-commerce extra-européen se retrouve régulièrement au cœur du débat public.
Première étape décisive : l’audience du 12 janvier 2026
La première audience de mise en état, qui fixera le calendrier de la procédure, se tiendra le 12 janvier 2026 devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence. Les plaignants seront représentés par le cabinet Bruzzo Dubucq. Pour les fédérations engagées, ce rendez-vous ouvre un chapitre décisif. Elles affirment que la défense de la concurrence loyale, de l’emploi et de la sécurité des consommateurs est aujourd’hui indissociable de la capacité du commerce français à préserver sa vitalité et à continuer de jouer son rôle économique et social sur l’ensemble du territoire.