L’e-commerce, axe clé de la stratégie mondiale de Louboutin
Par Dalila Bouaziz | Le | E-commerce
L’histoire de Louboutin dans l’e-commerce s’écrit depuis les années 2010. D’abord aux Etats-Unis puis au Canada et en 2012 en Europe, vingt ans après la création de l’enseigne. Aujourd’hui, la part des ventes en ligne pour le chausseur de luxe est au-dessus de nombre d’acteurs du secteur.
« Quand j’ai rejoint la maison il y a cinq ans, la part du commerce en ligne était inférieure à 10 % », souligne Odile Szabo, chief e-commerce officer pour Christian Louboutin. Elle crée alors une équipe experte dans l’e-commerce, met en place les bons outils (paiement, géolocalisation…) pour optimiser le taux de conversion et travaille sur la partie acquisition de trafic, l’amélioration du SEO… « Une vraie stratégie e-commerce de bout en bout, pointe-t-elle. Si le client a envie d’acheter en ligne, il faut lui donner la possibilité de le faire et dans les meilleures conditions possibles tout en gardant une vision très omnicanale car l’expérience en boutique (150 à date) est différente. Le retail représente -et restera- la majorité de notre chiffre d’affaires. »
Un e-commerce jusqu’à 28 % des ventes
Lorsqu’arrive la crise sanitaire et la fermeture des boutiques régions par régions, la chief e-commerce officer se sent armée pour affronter ce changement de paradigme. « Nous avons pu mieux expliquer les forces de ce canal de distribution : la possibilité d’exposer autant d’articles qu’on le souhaite sans limitation contrairement aux boutiques ou de mettre en avant les futures collections en les proposant en pré-commande », détaille-t-elle.
Durant le Covid, le site e-commerce a ainsi généré jusqu’à 28 % des ventes. « II a ralenti post-Covid mais nous avons passé un palier sur lequel nous ne redescendrons pas. »
Un panier moyen un peu moins élevé
Sur les sites e-commerce, le panier moyen est un peu moins élevé que dans les points de vente. « En boutiques, les vendeurs vont souvent encourager et pousser des produits un peu plus chers, note Odile Szabo. En ligne, les clients recherchent très souvent les produits iconiques et les premiers prix comme nos tongs toujours dans notre Top 10 e-commerce. Une manière pour une certaine clientèle d’accéder à un produit Louboutin à un prix un peu plus abordable ou avec un achat dans notre gamme beauté. »
La refonte du site
Depuis trois ans, Odile Szabo a démarré la refonte des plateformes e-commerce, d’abord sur l’Europe puis un an après aux Etats-Unis et à présent sur l’Asie. « Le site doit être à la fois la vitrine de la marque, donc inspirationnel via du storytelling, mais aussi montrer l’expertise et le savoir-faire de la Maison, pointe-t-elle. Dans le secteur du luxe, nous ne vendons pas que des produits mais le rêve qui va autour. Nous créons le désir, et cela se fait aussi en ligne à travers les contenus médias et une expérience client optimisée. L’objectif de la refonte est d’imbriquer la partie inspirante avec l’aspect shopping. »
Le chausseur a fait appel à l’agence Mazarine afin d’illustrer son univers singulier, avec une nouvelle stratégie éditoriale et un « tone of voice » signature. L’idée était de retranscrire l’expérience immersive de la marque dans laquelle les visiteurs sont guidés dans l’histoire et le patrimoine de la Maison au contact de la vision du créateur et de ses iconiques collections. « Nous voulions garder l’ADN de Christian Louboutin et ne pas faire comme beaucoup de sites de luxe où si on enlève le logo, ils se ressemblent tous, souligne la chief e-commerce officer. Le site doit refléter l’état d’esprit de la Maison, à travers l’utilisation du rouge (couleur emblématique de Louboutin) mais aussi de vidéos de notre savoir-faire, de visuels mettant en avant les produits sous tous les angles, etc. pour qu’il soit unique. »
Le site doit refléter l’état d’esprit de la Maison pour qu’il soit unique.
Le « ton of voice » se veut décaler. Par exemple au lieu de marquer ‘les conditions juridiques’, il est indiqué « le babla légal », l’aide est renommée « SOS », l’inscription à la newsletter, « encore et encore ». « Chaque modèle crée est nommé par Christian Louboutin à travers des jeux de mots, des choses qu’il a vécues … Nous avons retranscrit sur le site ce ton humoristique adapté à la marque. »
Des personal shoppers à disposition des acheteurs en ligne
Odile Szabo a mis en place les classiques services omnicanaux comme le Facility Store (localisation des boutiques les plus proches) pour encourager la visite en point de vente ou la prise de rendez-vous en boutique. Le customer service (service client) est intégré dans les équipes e-commerce. « Nous disposons de plusieurs équipes d’ambassadeurs qui sont des personal shoppers, indique-t-elle. Ils sont disponibles par tchat, email, téléphone, en un clic et à chaque fiche produit. Les ambassadeurs sont des gens internes à la Maison, formés comme les vendeurs en boutique. »
Spécificité de l’univers de la marque, les clients ont aussi la possibilité de voir en live le show des collections - toujours faites à travers un spectacle de danse dans différents endroits de Paris-.
Les Etats-Unis, premier marché e-commerce
Louboutin réalise ses plus grosses ventes sur le marché américain aussi bien pour les magasins que dans l’e-commerce, suivi de l’Europe marché plus petit « mais quasi identique dans le commerce en ligne ». « Au Moyen-Orient, nous avons lancé notre site e-commerce il y a 3 ou 4 ans et cela explose, précise Odile Szabo. Les achats en ligne se développent de plus en plus dans le secteur du luxe. »
En Asie, les comportements d’achat on line sont différents. « Notre marque est aussi un peu moins forte. La part de l’e-commerce en Chine, en Asie du Sud-Est ou au Japon est inférieure à toutes les autres régions. »
L’e-commerce à l’ère de l’IA générative
Côté innovation, l’IA générative et ses champs du possible intéresse Odile Szabo. « Nos développeurs commencent à coder en utilisant l’intelligence artificielle, explique la directrice e-commerce. Nos sites sont dans un nombre de langues limitées car nous avons énormément de contenus à traduire et nous ne pouvions pas nous permettre à chaque fois de traduire en X langues nos sites. L’intelligence artificielle nous ouvre cette possibilité de le faire. » Christian Louboutin est présent dans une trentaine de pays.
« Nous allons optimiser notre SEO, poursuit Odile Szabo. Par exemple, nous n’avons pas de site allemand (il est en anglais). Aussi, quand les consommateurs allemands nous recherchent sur Google, ils le font naturellement avec des mots dans leur langue mais nous ne remontons dans les moteurs de recherche. » Un moyen pour Louboutin de pouvoir optimiser l’expérience client avec une meilleure réassurance, générer plus de trafic et de conversion. La chief e-ommerce officer indique avoir été séduite par plusieurs solutions avec la mise en place d’un plan dès cet été.
Concernant les visuels crées par de l’IA générative, elle se montre plus réticente. « Nous regardons si la retouche peut être fait de façon plus automatique car c’est quelque chose de très délicat que nous faisons manuellement. Nos shootings sont réalisés avec des mannequins, et c’est un coût assez considérable. En tant que marque de luxe, nous ne voulons pas faire ça à la chaîne. Chaque pause est réfléchie, les vêtements qui accompagnent les souliers, la longueur de la jupe, le style de la jupe, le pantalon… Nous ne sommes pas encore prêts à franchir le pas pour le moment », conclut-elle.
NB : L’interview a été réalisée lors du salon One to One Monaco.