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Un an de loi Agec : entre méconnaissance et difficultés d’exécution

Par Clotilde Chenevoy | Le | Empreinte carbone

Un an après la promulgation de la loi Agec, le bilan est plus que contrasté… Beaucoup de retailers non-alimentaires ne connaissent pas bien les contours de cette législation et pointent la complexité de son application.

Fnac Darty a industrialisé la réparation des produits pour notamment gérer ses invendus. - © Républik Retail / CC
Fnac Darty a industrialisé la réparation des produits pour notamment gérer ses invendus. - © Républik Retail / CC

70 % des entreprises n’ont pas connaissance de l’entrée en vigueur de l’interdiction de destruction des invendus non-alimentaires datant du 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi Agec. L’étude, menée Dynata pour Comerso, fait émerger que globalement, cette réglementation est mal connue des enseignes non-alimentaires. D’ailleurs seulement 2 % des entreprises 234 professionnels sollicités déclarent réussir à valoriser tous leurs invendus non alimentaires neufs, révélant que la destruction d’invendus est toujours pratiquée malgré l’obligation légale.

23 % pensent que la loi Agec a été un véritable accélérateur du changement.

« Ce n’est pas encore parfait mais le contexte n’a pas été favorable à sa mise en place avec le covid et la tension économique que les enseignes rencontrent, juge Pierre-Yves Pasquier, CEO et co-fondateur de Comerso. Il reste de la part du gouvernement un énorme enjeu de communication sur la loi Agec. Les entreprises montent néanmoins en puissance sur les sujets écologiques. » En effet, toujours selon l’étude, 69 % ont soit mis en place de nouvelles actions, soit renforcé leurs actions existantes depuis l’entrée en vigueur de la loi Agec. Et 23 % pensent qu’elle a été un véritable accélérateur du changement.

Un sujet complexe à appréhender…

Des volontés donc, mais une grande difficulté à appréhender tous les sujets et à s’approprier aussi les différents termes. 20 % des sondés ne connaissent pas la règle des 3 R pour réemploi, réutilisation et recyclage. « Ce n’est pas intuitif pour les entreprises et il faut clarifier et simplifier le vocabulaire, estime Pierre-Yves Pasquier. Il y a eu une situation similaire avec les DLC (date limite de consommation) et les DLUO (date limite d’utilisation optimale) devenues depuis les DDM (Date de durabilité minimale). »

Kiabi a créé 18 « Le Petit Magasin » pour valoriser ses invendus.  - © Kiabi
Kiabi a créé 18 « Le Petit Magasin » pour valoriser ses invendus. - © Kiabi

En effet, les acteurs concernés par la loi Agec (voir encadré en bas d’article) doivent désormais respecter la hiérarchie des modes de traitement pour leurs invendus. En premier il y a le réemploi. Cela correspond à toute opération qui permet à des biens, qui ne sont pas des déchets, d’être utilisés à nouveau, pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. Kiabi a ainsi créé 18 « Le Petit Magasin », pour rendre la mode accessible tout en favorisant l’insertion professionnelle. C’est plus de 530 000 vêtements qui ont été donnés par ce canal.

Ensuite, la réutilisation s’applique à des produits pouvant subir des opérations de contrôle, de nettoyage ou de réparation pour être revaloriser ; Citons ainsi le travail mis en place par Fnac Darty qui a industrialisé la réparation des produits pour les revendre en seconde main. Enfin, il y a le recyclage, où la matière première d’un déchet est utilisée pour fabriquer un nouvel objet. Petit Bateau travaille par exemple sur un projet pour récupérer la matière première de ses textiles pour en refaire des bobines.

Gestion des invendus par typologie de scénarios. - © Comerso
Gestion des invendus par typologie de scénarios. - © Comerso

… et difficile à mettre en place

Si la loi Agec n’est pas parfaitement connue, les enseignes pointent aussi la complexité à gérer leurs invendus. 42 % déclarent qu’il est soit impossible soit difficile pour eux de valoriser leurs invendus, soulignant le fait que des freins persistent dans les entreprises…C’est particulièrement vrai pour les produits défectueux mais fonctionnels. Près des deux tiers des répondants les jugent difficiles à valoriser.  

Les invendus défectueux mais fonctionnels présentent les difficultés de valorisation les plus importantes. - © Comerso
Les invendus défectueux mais fonctionnels présentent les difficultés de valorisation les plus importantes. - © Comerso

Pour Pierre-Yves Pasquier, la difficulté réside également dans le pilotage du sujet. Les velléités nationales se heurtent aux problématiques locales, par exemple avec un tissu associatif plus ou moins dynamique.

Malgré ces freins, un répondant sur deux annonce qu’en 2023 ce sujet va s’accélérer dans son entreprise. Et 8 % le feront mais pas avant 2024. 22 % disent ne pas connaître la stratégie interne sur le sujet et 20 % assurent qu’aucune accélération n’est programmé. La raison principale ? L’inflation, qui vient chambouler beaucoup de plan d’action parmi les enseignes.

Rappel - Invendus non-alimentaires : quelles sont les obligations de la loi AGEC ?

Depuis le 1er janvier 20222, les invendus non-alimentaires ne peuvent plus être détruits par incinération ou mise en décharge. Tous les acteurs de la filière sont concernés : producteurs, émetteurs sur le marché (importateurs …) et distributeurs (magasins physiques, e-commerce …).

Les produits non-alimentaires concernés par cette mesure sont les suivants :

• les produits électriques et électroniques ;

• les meubles ;

• les cartouches d’encre et les piles ;

• les vêtements et chaussures ;

• les produits d’hygiène et de puériculture ;

• les livres et autres fournitures scolaires ;

• les équipements de conservation et de cuisson des aliments ;

• les produits d'éveil et de loisirs ;

• tous les produits couverts par un régime REP (responsabilité élargie du producteur) ce qui concerne la grande majorité des produits.

NB : seuls les produits qui ne bénéficient pas encore de filière REP ont jusqu’au 31 décembre 2023 pour se mettre en conformité.

Méthodologie

Etude Comerso x Dynata. Etude quantitative on-line réalisée en décembre 2022. Panel interrogé : 234 professionnels du secteur non alimentaire, travaillant dans Grands Groupes, ETI, PME et TPE, sur des fonctions siège et terrain.