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Alinéa : « 2024 est une énorme année d’investissements avec les 19 nouveaux magasins  »

Par Dalila Bouaziz | Le | Communication

Alinéa fête ses 35 ans et revient de loin après une liquidation judiciaire en 2020. Depuis l’enseigne de meubles et décoration opère une totale transformation avec un retour à l’essence de la marque. Dirigée par Audrey Goutille, Alinéa accélère son développement avec le rachat des magasins Zôdio pour atteindre une taille économique viable. Entretien.

Depuis 6 ans, Alinéa relocalise ses productions en France, Europe et dans le bassin méditerranéen. - © D.R.
Depuis 6 ans, Alinéa relocalise ses productions en France, Europe et dans le bassin méditerranéen. - © D.R.

Quel bilan faîtes-vous en 2023 ?

L’année écoulée a été bonne pour Alinéa, au-dessus du marché jusqu'à la fin de l'été puis un dernier trimestre plus compliqué, avec un retournement sur le marché du meuble. Nous avons continué d'éprouver notre modèle économique avec des ouvertures de magasins en franchise (Le Havre, Mâcon et Annemasse). Nous avons aussi finalisé notre modèle de développement en propre avec le rachat de Zôdio (à Adeo qui entre au capital à 20 %). Alinéa a généré un chiffre d’affaires de 183 millions d’euros en 2023.

Et ces premiers mois de 2024 ?

En mars, nous sommes repassés pour la première fois au-dessus du marché depuis le début de l’année, alors que nous étions au niveau ou juste en dessous en janvier et février. En avril, nous enregistrons les retombées de notre opération commerciale.

Qu’en pensez-vous renouer avec la rentabilité ?

2024 est une énorme année d’investissements où nous transformons 19 points de vente anciennement Zôdio en magasins Alinéa. Nous avons démarré avec celui de Rosny-sous-Bois le 5 avril et nous inaugurons le dernier en décembre. Ce n’est qu’à partir de 2025 que ces nouveaux points de vente apporteront chacun un an de chiffre d’affaires supplémentaire. Le retour à la rentabilité est attendu entre 2025 et 2026. Aujourd’hui, nous devons atteindre une taille critique en chiffre d’affaires et en magasins. L’objectif est de doubler notre chiffre d’affaires avec Zôdio à 350 millions d’euros en 2025-26, sans toucher à nos gros coûts fixes (frais de siège, publicité et logistique).

Le retour à la rentabilité est attendu entre 2025 et 2026.

Nous avons déjà ouvert quatre points de vente. A la fin des ouvertures, nous serons de nouveau présents dans le Nord de la France, à Villeneuve-d’Ascq. Nous aurons également redensifié notre présence en Ile de France (Herblay, Chambourcy, Massy, Saint-Geneviève, Melun, Rosny) mais aussi dans le centre (Orléans, Tours et Angers). Nous aurons complété la façade Atlantique (Bayonne et La Rochelle) mais aussi dans l’Est. Et continuer de mailler la région Paca : Toulon, Cabriès et le déménagement d’Avignon. Au total, nous recenserons 35 magasins fin 2024 avec huit franchisés.

Comment se passe la transformation d’un magasin Zôdio en Alinéa ?

Il y a à la fois une transformation physique du magasin mais aussi humaine des équipes. Si on prend l’exemple de Rosny, les équipes vont faire le remodeling du magasin en six semaines, avec des travaux uniquement nécessaires et qui apportent du chiffre d’affaires complémentaire. A travers notre démarche RSE, nous n’avons pas voulu dépenser dans des éléments inutiles. Par exemple, nous avons réutilisé toutes les gondoles grande hauteur de Zôdio que nous avons repeintes pour qu’elles soient revalorisées. Nous n’avons pas refait les sols, sauf quand ils étaient dans un état déplorable. On s’est contentés de compléter l'éclairage pour valoriser les produits mais en partant de l’existant. Nous avons vraiment refait le parcours client avec ce regard RSE.

Pendant cette période, les équipes viennent durant deux semaines à notre siège, du côté d’Aubagne pour 2-3 jours afin d’empiéter le moins possible sur leur vie privée. Toutes les équipes du siège (direction, ressources humaines, marque, supply chain, commerce, directions produit…) se présentent aux nouveaux collaborateurs en leur expliquant notre histoire, le projet de rapprochement avec Zôdio mais aussi en évoquant les moments douloureux d’Alinéa comme sa liquidation judiciaire. Nous leur parlons de notre stratégie et comment nous l’adaptons à ces nouveaux magasins légèrement différents des nôtres, puisqu’il n’y a pas de réserve par exemple. Ils sont aussi plus petits autour de 3 000 m² et avec moins de personnes, 35 personnes en moyenne. Ensuite, dans les quatre semaines restantes, les nouveaux collaborateurs vont durant 12 jours (positionnés à la carte pour tenir compte de leurs contraintes personnelles) vivre la vie d’un magasin Alinéa. Sur les autres jours, ils sont en télétravail avec des formations en e-learning.

Quand ils reviennent au bout des six semaines, ils travaillent alors avec les équipes merchandising à remonter le magasin avec toute l’offre d’Alinéa. C’est aussi l’occasion d’entendre tout le storytelling des produits, d’apprendre une nouvelle fois leur provenance : 65 % de nos produits aujourd’hui sont made in France, made in Europe, made in Bassin méditerranéen.

Quels sont les éléments du concept de Zôdio que vous avez conservés ?

Un atelier créatif. - © D.R.
Un atelier créatif. - © D.R.

Les ateliers culinaires et créatifs, le coin de personnalisation pour apporter de l’expérience en magasin et donner une raison de plus de s’y rendre. Pour faire vivre ces ateliers, nous avons renforcé les rayons épicerie/culinaire et de décoration pour faire écho à la partie « do it yourself » qu’ils auront l’occasion de tester dans l’atelier créatif.

Quel est aujourd’hui le format idéal des magasins Alinéa ?

C’est le format Zodio autour de 2 750 mètres carrés. Nous en comptons 16 sur 19 dans cette superficie (un magasin a été vendu car à proximité immédiate d’un Alinéa existant). Nous sommes sur une taille de magasin de proximité où le client a plaisir à y retourner, prendre de l’inspiration et acheter régulièrement sa petite décoration même s’il n’a pas d’intention d’achat de meubles. Jusqu'à présent, nous étions plutôt un magasin de destination meubles. Avec ce format, la décoration ressort plus fortement.

Pourquoi ce choix de mettre plus en avant la décoration alors que le marché est en décroissance ?

La décoration permet dans un contexte difficile et inflationniste de modifier son intérieur, sans pour autant changer son canapé, sa table ou son lit, des achats de plus grande valeur. Chez Alinéa, on peut trouver un coussin tissé au Portugal, à 10 euros et se faire plaisir avec des petits prix. Nous souhaitons être sur un mix meubles-décoration plus équilibré.

Nous visons un chiffre d’affaires de 55 % dans les meubles et 45 % pour la décoration

Nous visons un chiffre d’affaires de 55 % dans les meubles et 45 % pour la décoration (auparavant 70 % meubles-30 % décoration). Dans la décoration, il n’y a pas la partie livraison que vous avez dans le meuble, un poids important pour nous. Sur les premiers jours d’ouverture de nos nouveaux points de vente, la décoration démarre très fort.

Dans les magasins Zodio, les magasins n’ont pas de réserve ?

Le client repart avec 100 % de sa décoration, disponible sur la surface de de vente. Tout ce qui est petit meuble et qui peut s’emporter, le stock est disponible. Pour les gros meublants, il se fait livrer soit à domicile ou en point relais. Depuis son magasin il peut choisir une livraison en point relais. Et pour les petits meubles intermédiaires qui rentreraient dans le coffre d’une voiture, on les fait venir à la commande en magasin mais pas le jour de son achat. On mutualise tous nos stocks en entrepôt.

Et concernant le nombre de références dans vos points de vente ?

Nous ciblons les 12 000 références. Nous disposons de 3 formats S, nos petits magasins de 2 000 m², ceux de nos franchisés. M, à 4 600 m² et L, les grands magasins de 6 000 m². Les anciens magasins Zôdio disposent environ de 5 000 références.

Qu’en est-il du segment cuisine que vous avez redéveloppé ?

Il est développé dans l’ensemble de nos magasins historiques et nous avons fait le choix de le déployer dans trois des magasins Zôdio transformés (Rosny, Villeneuve-d’Ascq et Massy) là où il y avait le plus de potentiel. Notre positionnement sur la cuisine est d'être un acteur qui meuble toute la maison, une pièce qui s’inscrit dans sa maison. Et vendre aussi bien les luminaires qui vont aller avec que les tables et chaises qui vont compléter. Un point différenciation qu’on souhaite marquer.

Le prix moyen d’une cuisine est de 7 000 euros, nous sommes au-dessus du marché. Cela correspond à notre positionnement dans cette catégorie avec une cuisine systématiquement posée, des caissons déjà montés en usine, etc.

Où en êtes-vous dans votre positionnement prix ?

Nous sommes sur du premium accessible avec un excellent rapport qualité-prix. Nous ne sommes pas sur de l’entrée de gamme mais des produits durables qui peuvent avoir plusieurs vies et se revendre. Nous avons toute une gamme de produits estampillés « Sélection engagée ». Des produits basiques, intemporels au juste prix, fabriqués de manière responsable, c’est-à-dire en France, Europe, ou en bassin méditerranéen. Ils ne sont promotionnés à aucun moment de l’année.

Et qu’en est-il de l’e-commerce ?

Le poids des ventes en ligne est de 23 % dans notre chiffre d’affaires. La moitié se fait en click and collect. Nous sommes vraiment sur un parcours très maillé et internet seul ne suffit pas chez nous.

Le poids des ventes en ligne est de 23 % dans notre chiffre d’affaires.

Vous avez fortement développé la partie RSE. Pouvez-vous nous détailler vos engagements ?

Nous avons un positionnement RSE très fort, officialisé avec le pacte Marius en novembre dernier. Notre outil de mesure permet de valoriser la production française et européenne. J’ai mis en place ce nouvel indicateur en interne « La marge nette revisitée ». Si vous vous contentez de regarder un produit sur son prix d’achat, 99 fois sur 100, vous allez le trouver moins cher s’il est fabriqué en Chine qu’en France ou Europe. Mais il faut prendre en compte la totalité de la chaîne de la valeur (coûts du transport et d’acheminement, sur-stock…). Quand on achète à l’autre bout du monde, on investit forcément dans des containers pleins et donc très souvent plus que notre besoin initial. Avec cet indicateur, on a vu certains de nos rayons de décoration perdre jusqu'à 16 points de marge.

Aujourd’hui, la rémunération variable de nos chefs de produits porte uniquement sur la marge nette révisée. Il vaut mieux parfois acheter un produit de quelques centimes ou euros plus cher en juste quantité plutôt que de devoir stocker et garder les produits six mois dans un entrepôt, un coût non négligeable.

Nous avons encore des articles provenant d’Asie comme nos luminaires conçus au Vietnam. Mais on essaie d’aller chercher un savoir-faire local, des matières ou lorsque la production et l’industrialisation françaises ne suivent pas encore. Le tissu industriel ne pourra durablement s'établir que s’il y a une production française permanente.

Et concernant la seconde main ?

Nous avons des corners dédiés dans tous nos grands magasins mais ce n’est pas dans le réflexe de nos clients qui est plutôt d’aller sur des sites spécialisés et de vendre depuis leur domicile. Cela est plus simple et pratique pour eux. Nous préférons travailler la durabilité de nos produits. Alinéa est ainsi beaucoup demandé sur Leboncoin par exemple.

En mai, nous lançons une opération commerciale où nous offrons la possibilité à nos clients d’apporter leurs articles en art de la table, linge de lit, etc. en les reprenant au kilo. Nous leur donnerons en échange un bon d’achat. Et nous nous chargerons de les réinjecter auprès des associations ou ressourceries locales.

Vous fêtez cette année vos 35 ans. Quel dispositif allez-vous mettre en place ?

Pour célébrer nos 35 ans et nos 35 magasins, nous sortons une collection produite avec des artisans. C’est important de montrer à quel point Alinéa se positionne sur ses savoir-faire et patrimoines. Nous le faisons déjà à travers nos Comptoirs depuis la fin du confinement, des espaces qu’on alloue à des artisans qui concourent pour être exposés deux fois par an. Un point différenciant sur lequel d’ailleurs on n’a jamais été copiés : personne ne se sent assez fou pour laisser des mètres carrés gratuitement à d’autres acteurs ! Cela nous permet aussi de déceler de potentielles futures pépites et fournisseurs.