Stratégie retail

Entre modernisation et proximité : les grands axes de la relance de Pimkie

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

Après une période marquée par de nombreux défis et incertitudes, Pimkie entame un plan stratégique ambitieux. Sa directrice générale adjointe, Élodie Chelle, nous dévoile les coulisses de cette relance. Restructuration des magasins, rebranding, optimisation des coûts et recentrage sur l’expérience client sont au cœur d’une stratégie destinée à retrouver stabilité, désirabilité et croissance dans un marché ultra-compétitif.

En 2023, Pimkie a généré 198 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 216 millions en 2022. - © D.R.
En 2023, Pimkie a généré 198 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 216 millions en 2022. - © D.R.

Depuis le 30 octobre, Pimkie est sortie de sa procédure de sauvegarde, enclenchée le 27 mai face à de lourdes difficultés, notamment des fermetures de magasins et des suppressions de postes. Désormais sous l’actionnariat unique de Salih Halassi via Pimkinvest, la marque lance un plan de transformation accéléré. Le tribunal prévoit un retour à la rentabilité dès 2026.

Comment va Pimkie à date ?

Le premier semestre a été très compliqué. Le marché, en général, a été difficile, et nous étions dans un contexte interne particulièrement complexe, notamment sur le plan social, ce qui a rendu la période extrêmement difficile pour l’entreprise. Cependant, depuis le mois d’août, nous constatons une embellie. Les choses restent fragiles, et le marché demeure très aléatoire, mais nous avons clairement repris notre souffle. Nous sommes désormais en ligne avec notre business plan pour la fin de l’année.

Nous espérons que cette semaine de Black Friday viendra confirmer cette tendance et nous permettre de terminer le deuxième semestre de manière satisfaisante, en phase avec nos objectifs.

Pouvez-vous détailler les priorités opérationnelles avec la validation du plan de continuation ?

Nous avons quatre priorités opérationnelles. D’abord la restructuration du parc magasins. La première partie de ce travail a consisté à fermer certains magasins dans les grandes villes et grands centres commerciaux, pour nous recentrer sur des emplacements de proximité, plus proches de notre ADN et de ce que nous savons faire. La deuxième partie concerne le remodeling de notre parc. Aujourd’hui, nous avons un parc vieillissant : les dernières rénovations datent de 10 à 15 ans. Sur la centaine de magasins que nous conserverons, une cinquantaine sont encore des concepts dits « C3 », qui datent. Nous avons donc un levier important avec ces rénovations et cette modernisation.

Nous avons aussi un enjeu de rebranding. Aujourd’hui, Pimkie, comme beaucoup d’enseignes françaises, souffre d’un déficit de désirabilité. Nous bénéficions d’une forte notoriété, mais il nous faut redonner envie à notre clientèle cible, en particulier les femmes qui fréquentent les centres-villes, de revenir chez nous et de se faire plaisir. Il y a eu de nombreux ajustements de l’offre ces dernières années. C’est compréhensible, car lorsque l’on a un déficit de désirabilité, on cherche à trouver le bon positionnement. Nous avons ciblé successivement des jeunes femmes de plus de 20 ans puis de 15-18 ans, avant de comprendre que nos clientes ont entre 18 et 45 ans. Aujourd’hui, nous repositionnons notre offre et assortiment pour répondre à leurs attentes : une mode accessible, tant en style qu’en prix.

Enfin, il y a l’optimisation de la gestion opérationnelle. Nous avons restructuré l’entreprise, travaillé sur tous nos coûts et nos frais de structure, et lancé un PSE pour retrouver la rentabilité d’ici trois ans.

Dans un marché aussi compétitif, quels sont les leviers qui différencieront Pimkie de ses concurrents ?

La première force de Pimkie, ce sont ses magasins. Nous avons une stratégie de proximité, et nous sommes présents dans les petites et moyennes villes de province. Nous misons sur l’expérience physique du shopping, qui reste une vraie valeur ajoutée. Ensuite, nous avons des produits sur lesquels nous sommes attendus et reconnus, comme les pulls en hiver. Mais notre vrai atout, c’est la proximité : nous ne cherchons pas à concurrencer des acteurs comme Shein sur les prix ou le digital. Nous restons concentrés sur l’expérience physique et l’ancrage en centre-ville et petits centres commerciaux.

Comment adaptez-vous votre offre pour répondre à une clientèle aussi large ?

Nous cherchons à proposer une mode « dans l’air du temps », à la fois accessible et fonctionnelle, qui s’adresse à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Ce qui différencie une femme de 18 ans d’une femme de 45 ans, ce n’est pas tant son âge que son moment de vie et sa façon de s’exprimer à travers la mode. Nous visons un style « Day-to-Day », polyvalent, qui convient autant pour aller travailler que pour sortir.

En parallèle, nous avons rationalisé notre offre. Désormais, chaque magasin, qu’il soit à Cherbourg ou à Lyon, propose exactement les mêmes produits. Cette uniformisation nous a permis de simplifier notre gamme, qui compte aujourd’hui 1 200 références par saison, contre 1 600 à 1 700 auparavant. Cette approche nous permet d’être plus efficaces et cohérents.

Quels sont les grands marqueurs du nouveau concept ?

Il repose sur une modernisation globale, visant à aligner notre image sur les attentes actuelles. L’ancien concept a été entièrement revisité avec un design plus contemporain et une ambiance renouvelée pour mieux refléter notre positionnement.

Un design plus contemporain. - © D.R.
Un design plus contemporain. - © D.R.

Nous avons particulièrement travaillé sur deux axes principaux : la mise en valeur des produits et l’amélioration de l’expérience client. Les vitrines ont été repensées pour intégrer des mannequins et éléments visuels percutants, avec un éclairage qui sublime nos collections, afin de captiver les passants et renforcer l’attractivité des magasins. L’expérience client a également été un point central. Les cabines d’essayage ont été transformées pour offrir un éclairage flatteur, une atmosphère cocooning chaleureuse, et des espaces d’attente confortables pour les accompagnants. Par ailleurs, les zones de préparation ont été optimisées pour permettre à nos équipes de mieux interagir avec les clientes.

À ce jour, deux magasins ont déjà été rénovés au cours du premier semestre, et les résultats sont très encourageants. Plus récemment, trois autres magasins ont été réaménagés, dont le dernier à Caen la semaine dernière. Un nouveau point de vente, conçu selon ce modèle, sera inauguré le 14 décembre à Paris, marquant ainsi notre retour dans la capitale. Nous prévoyons de dresser un bilan des récentes rénovations dans les semaines à venir afin d’ajuster nos décisions concernant la vitesse et l’ampleur du déploiement prévu pour 2025.

Les résultats sont encourageants dans quelle mesure ?

Un magasin rénové peut voir son chiffre d’affaires augmenter de 15 points entre l’avant et l’après. Et cela, avec plusieurs mois de recul. Mais comme toujours, chaque décision ou plan stratégique dépend du contexte et de la structure de l’entreprise.

Où en êtes-vous sur la fidélisation ?

Pimkie compte plus de 2 millions de clients fidèles. Nous avons une carte avec des avantages intéressants (7 € pour 25 € d’achat à chaque anniversaire, accumulation de points).

Pour 2025, nous voulons rendre ce programme plus interactif avec des éléments de gaming et de gifts pour le rendre plus dynamique et créer un lien plus fort avec nos clientes.

Avec les fermetures de magasins et suppressions de postes, comment Pimkie accompagne-t-elle les collaborateurs restants pour les engager dans ce nouveau projet ?

Nous avons mis en place une communication de proximité, notamment à travers un roadshow organisé dans plusieurs régions à destination de nos responsables en magasin. Ces rencontres, menées par notre Président-directeur général Salih Halassi, moi-même et d’autres membres de l’équipe, ont permis de présenter le projet d’entreprise, de faire un bilan de l’année écoulée en expliquant les choix difficiles, et partager nos objectifs pour l’année à venir.

Nous avons également simplifié l’organisation interne, en supprimant le comité de direction et en travaillant avec des leaders par expertise, pour plus de proximité et de réactivité. Nous sommes convaincus que cette proximité et cette clarté sont essentielles pour redonner du sens au projet et permettre à chacun de se projeter activement dans l’avenir de Pimkie.

Pouvez-vous détailler cette transformation de votre culture d’entreprise ?

Lorsque de mon arrivée l’année dernière, il était essentiel, avant même d’élaborer un plan de transformation, d’établir un plan stratégique. Une des conclusions majeures a été la nécessité de réinventer nos façons de travailler. À l’époque, notre culture d’entreprise reflétait des pratiques typiques d’une grande structure dotée de ressources importantes : des processus longs, des validations à six mois, des plans financiers sur trois ans, et peu de flexibilité. L’erreur et l’innovation étaient limitées, et les décisions à long terme n’étaient pas révisées régulièrement. Dans une période de transformation, cela me semblait intenable, car on doit apprendre en continu et corriger rapidement les décisions.

Nous avons donc travaillé avec les équipes pour réduire les délais de prise de décision et les orienter davantage vers des actions à court terme. Cela a permis d’instaurer une culture de créativité et d’innovation. Nous avons expliqué que cette agilité représentait une force : si une décision n’était pas optimale, elle pouvait être corrigée rapidement. Ce changement a été difficile au départ. Les équipes attendaient un plan de transformation structuré et immédiat, mais il était crucial pour moi de d’abord comprendre le fonctionnement de l’entreprise, sa vitesse d’exécution et ses capacités de transformation. Ce travail n’était pas simple, car des solutions évidentes auraient été appliquées auparavant.

Dans une période de transformation, on doit apprendre en continu et corriger rapidement les décisions.

Nous avons dû briser les strates hiérarchiques et adopter un mode de travail plus entrepreneurial. Aujourd’hui, nous agissons comme une start-up tout en réfléchissant comme une grande marque. Les résultats sont très satisfaisants : les équipes sont autonomes, capables de se remettre en question et de proposer des idées innovantes, à condition d’avoir un plan B pour rectifier si nécessaire. Cette transformation a été aussi essentielle que les rénovations de nos magasins. Nous sommes passés d’un contexte de grande tension à une période où les équipes sont épanouies, créatives, et prêtes à relever de nouveaux défis.

Quels sont vos enjeux du moment ?

Notre priorité absolue est Noël. Cette période cruciale est déterminante pour notre visibilité et notre capacité à marquer les esprits. Nous avons développé un concept de Noël en trois axes, conçu pour incarner un esprit festif et chaleureux. Pimkie est historiquement performant sur les tenues de fête. Nous voulons que nos produits phares - comme nos pulls emblématiques ou nos écharpes très appréciées - trouvent leur place sous les sapins cette année. Nous avons imaginé des petites boîtes cadeaux dans un esprit de Noël traditionnel.

Réussir la période clé de Noël est essentielle.

À plus long terme, notre principal enjeu est de stimuler la croissance de notre chiffre d’affaires. La priorité est de travailler sur la Top line, en orientant chacune de nos actions vers cet objectif. Cela passe par le renforcement de nos performances, la capitalisation sur nos points forts, et l’activation des leviers de croissance les plus pertinents pour répondre aux attentes du marché. L’enjeu est de maintenir un équilibre entre consolidation des acquis et innovation, afin de rester compétitif dans un environnement en constante évolution.

Quels enseignements tirez-vous de cette période de crise ?

C’est une question complexe, et je n’ai probablement pas encore assez de recul pour y répondre de manière définitive. L’un des points les plus marquants a été l’importance de bâtir sur les forces existantes de l’entreprise. Plutôt que de se focaliser sur ce qui ne fonctionne pas, il est bien plus productif de repérer rapidement les valeurs et atouts sur lesquels s’appuyer pour impulser le changement. Cette approche a permis d’ancrer la transformation sur des bases solides et d’en faciliter l’acceptation.

Un autre apprentissage clé est la nécessité de donner du sens aux décisions difficiles. Transformer une entreprise implique de faire des choix complexes, souvent inconfortables. Expliquer clairement ces décisions, non seulement pour qu’elles soient comprises, mais aussi pour qu’elles soient acceptées, est essentiel pour maintenir une dynamique positive au sein des équipes. Enfin, cette expérience m’a montré l’importance de l’évolution des mentalités. Une transformation ne peut réussir que si les équipes adoptent un état d’esprit flexible et proactif. Dans notre cas, cela a nécessité de présenter les changements comme une adaptation au contexte actuel, plutôt qu’une critique du passé. Cette approche a favorisé une remise en question constructive et a permis d’instaurer une nouvelle dynamique de collaboration et d’innovation.