[Exclusif] Centrakor unifie sa fidélité et lance son appli nationale
Nathalie Grand-Clément, directrice générale de Centrakor, dévoile les coulisses du lancement de l’application de fidélité nationale. Une étape stratégique pour unifier le réseau, renforcer la relation client et séduire de nouvelles générations, sans renoncer à la proximité qui fait l’ADN de l’enseigne.

Qu’est-ce qui a motivé le lancement de l’application de fidélité Centrakor ?
Cette décision s’inscrit dans une continuité. Nous avons depuis longtemps un programme de fidélité, mais il n’était pas national. Chaque magasin possédait sa propre carte, sur le même modèle, mais valable uniquement dans le point de vente d’origine. Si un client se rendait dans un autre magasin, sa fidélité n’était pas reconnue ailleurs. Nous avons donc souhaité mettre en place un programme de fidélité national (7 millions de clients encartés). Cela suppose que tout le réseau accepte de travailler sur un modèle unifié, ce qui n’est pas neutre chez nous puisque notre réseau est mixte. Environ un quart des 470 magasins nous appartiennent en propre, avec nos équipes, et les trois quarts restants sont gérés par des adhérents indépendants, proches du modèle de la franchise. Pour déployer un système national, il fallait que tout le monde adhère à la même vision et que nous soyons alignés sur un système de caisse unifié, garantissant l’échange de données en temps réel. Cette fidélité nationale a été mise en place fin 2023 -début 2024, avec un taux d’encartage déjà supérieur à 55 %.
En parallèle, nous avons mené une réflexion sur l’évolution de notre clientèle. Nous avons constaté que nous peinions à recruter sur les segments plus jeunes. Or, quand on se projette, il est essentiel d’aller chercher ces nouvelles générations tout en continuant à fidéliser nos clients existants. L’application répond donc à un double objectif : fidéliser et recruter. Elle nous permet de proposer de nouveaux services à nos clients déjà encartés et d’aborder la fidélité différemment, avec des outils plus adaptés aux usages digitaux des jeunes générations. Nous avons donc développé l’application sur un an. Une phase de test a ensuite été menée pendant plusieurs mois auprès de certains segments de clients encartés, afin qu’ils la téléchargent et nous permettent de vérifier tout le parcours : création de compte, identification, circulation des informations entre notre ERP et la base de données unifiée… Aujourd’hui, nous avons quasiment 30 000 clients ayant créé leur compte. L’objectif était de la lancer pour Noël.
Aujourd’hui, nous avons quasiment 30 000 clients ayant créé leur compte.
Comment le réseau a été associé à la conception de l’application ?
Nous organisons très régulièrement des réunions avec nos adhérents. Sur le sujet de la fidélité, nous avons travaillé pendant un an avec un groupe d’une dizaine d’adhérents, tout en associant nos équipes internes des magasins intégrés. Nous avons échangé sur tous les aspects : de l’ergonomie au design. Le nom de l’application, par exemple, a été soumis au vote. Nous avons procédé de la même manière pour le logo et la charte graphique. Cela a permis à tout le monde de se sentir pleinement impliqué dans le projet.
Sur les fonctionnalités, notamment celles liées au back-office puisque ce sont les magasins qui utiliseront cet outil pour communiquer avec leurs clients, leur contribution a également été déterminante. Ils nous ont aidés à améliorer l’ergonomie, la praticité et l’efficacité de certaines fonctions, afin de rendre l’application la plus intuitive possible, à la fois pour l’utilisateur final, le client, et pour le magasin, qui en fera un canal privilégié de communication locale.
Quelles sont les principales fonctionnalités de l’appli ?
L’une des fonctions les plus importantes, c’est la possibilité pour le client de retrouver tout son historique de fidélité. Le système repose sur un cumul de points : chaque euro dépensé donne droit à un point, et dès que 100 points sont atteints, un bon d’achat de 5 euros est généré. Ce bon est valable dès le lendemain, pour une durée de trois mois. Nous avons souhaité un système de gratification simple, généreux et facile à comprendre. L’application permet de consulter tous ses bons de fidélité en cours, leurs montants, leurs dates de validité et d’activer des notifications pour ne pas les oublier. Par exemple : « Attention, votre bon de 5 € expire dans un mois » ou « Plus que deux jours pour l’utiliser ». L’objectif est de ne plus laisser passer les avantages acquis.
Autre nouveauté importante : la dématérialisation des tickets de caisse. C’était une forte demande de nos clients, dans un contexte où les tickets papier disparaissent progressivement. Beaucoup souhaitaient néanmoins conserver une trace de leurs achats en cas d’échange ou de retour. Dans l’application, tous les tickets de caisse sont accessibles facilement et stockés de manière sécurisée. Le client peut également sélectionner son magasin préféré. Cela permet de recevoir des informations ciblées, comme les arrivages ou les opérations spéciales. Dès qu’un nouveau catalogue promotionnel sort, il peut être reçu en avant-première. Si le client a activé les notifications, il est alerté automatiquement, sinon il peut les consulter dans l’application.
C’est aussi un outil de communication locale très réactif : certains magasins organisent des opérations flash ou des arrivages de produits de déstockage à prix imbattable, qui nécessitent une diffusion rapide. L’application permet d’envoyer ces informations immédiatement aux clients concernés, ce que nous ne pouvons pas toujours faire depuis la centrale, où nous n’avons pas cette finesse de timing. Enfin, elle intègre la carte de fidélité dématérialisée. Et nous travaillons déjà sur une version 2, avec de nouvelles fonctionnalités orientées vers la gamification et une plus grande interaction avec les réseaux sociaux.
Quels sont vos objectifs pour cette version 2 prévue en 2026 ?
Nous restons centrés sur les magasins, bien sûr, avec pour intérêt de recruter, de générer du trafic et d’augmenter la fréquence d’achat des clients porteurs de carte de fidélité. Mais nous voulons aussi aller plus loin dans la reconnaissance de la fidélité. Cela ne passe pas uniquement par l’acte d’achat. Nous souhaitons également valoriser les clients qui deviennent de véritables ambassadeurs de l’enseigne, notamment via les réseaux sociaux. L’idée, c’est de remercier les clients non seulement parce qu’ils achètent chez nous, mais aussi parce qu’ils participent activement à faire rayonner la marque.
Même si le lancement est récent, avez-vous déjà observé des premiers enseignements ?
C’est encore un peu tôt pour tirer des conclusions fermes, car il faut rester prudent sur un échantillon limité et une période courte. Mais les premiers signaux sont encourageants. Quand nous relançons les clients avec des notifications du type « Attention, ne laissez pas expirer votre bon de 5 € », nous constatons une hausse de la fréquence d’achat. Les clients reviennent plus souvent pour utiliser leurs avantages. Cela reste à confirmer dans la durée, car nous mesurons habituellement les fréquences d’achat sur une période d’un an. Il nous faudra donc attendre l’an prochain à la même période pour disposer de données consolidées. Mais la tendance est positive, et nous espérons atteindre les objectifs fixés en matière de réachat et d’engagement.
Dans nos magasins, entre 60 % et 75 % des clients qui passent en caisse présentent leur carte. C’est une excellente base pour travailler, d’autant que fidéliser coûte toujours moins cher que recruter. Et pourtant, grâce à l’application, nous avons observé que sur les 30 000 comptes créés, près d’un tiers correspondaient à de nouveaux clients, qui se sont spontanément inscrits pour obtenir leur carte. C’est un enseignement très positif : cette application, conçue d’abord pour fidéliser, nous permet aussi de recruter. Et nous savons que ce n’est que le début, puisque nous allons bientôt communiquer plus largement dessus. Cela devrait amplifier la dynamique.
Dans nos magasins, entre 60 % et 75 % des clients qui passent en caisse présentent leur carte.
Comment travaillez-vous la personnalisation des offres et la donnée client à l’échelle d’un réseau d’indépendants ?
Nous travaillons actuellement sur plusieurs typologies de segmentation client. L’objectif est de proposer à nos magasins des persona précis, définis au niveau de la centrale, qu’ils pourront ensuite adresser spécifiquement en local. L’application nous permet d’intervenir à deux niveaux une communication nationale ciblant l’ensemble des clients fidélité Centrakor et une communication locale, personnalisée magasin par magasin. Nous développons ainsi des segmentations par thématique saisonnière : par exemple les achats de Noël ou de plein air. Nous savons que certains clients sont de gros acheteurs sur ces périodes. D’autres ciblages concernent des univers précis, comme les clients réguliers de notre corner animalerie. Nous allons aussi travailler sur des segmentations comportementales, selon la fréquence de visite. Nous avons des clients qui viennent entre douze et vingt fois par an, soit une à deux fois par mois. Ce sont des « super clients », très fidèles, avec lesquels nous devons entretenir une relation spécifique.
Nous sommes en train de définir les différentes typologies et la terminologie associée, mais l’idée est d’adapter les offres et les communications selon la façon dont chaque client fréquente l’enseigne : certains viennent ponctuellement sur de grandes thématiques (Noël, jardin…), d’autres passent toutes les semaines pour découvrir les nouveautés. Cette approche nous permettra d’ajuster nos propositions, aussi bien sur les produits que sur la relation client, selon ces profils différenciés.
L’application peut-elle devenir le pivot de votre parcours client omnicanal ?
Tout à fait. Vous vous souvenez sans doute que nous avons annoncé, à la même période l’an dernier, la fin de la vente en ligne. Cela ne veut pas dire que l’application remplace ce canal. Nous voulons plutôt voir comment elle peut s’inscrire dans la continuité de notre relation client. Nous restons lucides : tous nos clients ne l’adopteront pas. Nous estimons que peut-être 10 %, 20 %, voire 30 % de nos clients encartés téléchargeront l’application. Mais comme nous comptons déjà 7 millions de porteurs de carte de fidélité, même un taux d’adoption de 10 % représenterait déjà 700 000 utilisateurs. C’est donc un outil complémentaire, pas un substitut. Il viendra enrichir la relation existante sans remplacer les autres canaux. L’erreur serait de croire qu’à partir du moment où nous avons une application, tout passe par là.
Nous avons des clients qui adopteront l’application et c’est une excellente chose, car cela nous permettra de leur parler différemment, et d’autres, tout aussi fidèles, qui ne la téléchargeront pas. Ces deux publics continueront à coexister. L’application va renforcer la fidélisation digitale, tandis que les autres outils : communication magasin, supports papier, animation commerciale continueront à nourrir la fidélité physique. Les deux approches s’enrichiront mutuellement.
Enfin, comment s’est passé le premier semestre 2025 ?
En termes de chiffres, nous sommes plutôt satisfaits. Nous n’avons pas enregistré de croissance significative, mais nous n’avons pas non plus subi de baisse : nous sommes stables, ce qui, compte tenu du contexte, est déjà une bonne nouvelle. L’objectif est maintenant d’aller chercher de la progression sur la fin d’année, et notamment sur Noël. C’est un pari un peu optimiste, car nous évoluons dans une période économiquement et politiquement tendue, avec un environnement géopolitique incertain. Mais nous restons confiants et optimistes.
Comme chaque année, nous ouvrons nos espaces de Noël début novembre. C’est un moment fort pour nous, et nous voulons proposer un univers qui fasse rêver nos clients. Le lancement de l’application s’inscrit d’ailleurs dans cette logique : la période des fêtes est idéale pour créer du lien avec nos clients et stimuler la fréquentation. Nous espérons que cette nouveauté contribuera à la dynamique commerciale de fin d’année. Sur le plan du réseau, nous restons en croissance. Nous avons ouvert et allons encore ouvrir de nouveaux magasins, ce qui nous permet d’être en progression globale par rapport à 2024. Nous avons déjà une quinzaine d’ouvertures prévues sur l’année. C’est un bon rythme, qui traduit un développement solide et maîtrisé. Nous restons confiants, même si cela demande un travail quotidien d’animation, de suivi et de mobilisation des équipes. La performance passe avant tout par la cohésion du réseau.