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Comment ManoMano réduit son empreinte carbone sans renoncer à la performance logistique


Chez ManoMano, la logistique se met au vert. L’enseigne en ligne spécialisée dans le bricolage multiplie les initiatives pour limiter l’impact environnemental de ses livraisons, sans renoncer à l’efficacité ni à la satisfaction client.

Les taux de remplissage des camions se situent à plus de 70 % en moyenne. - © ManoMano
Les taux de remplissage des camions se situent à plus de 70 % en moyenne. - © ManoMano

En quoi consiste le programme ManoMano Fulfillment ?

Axelle Tabary, Outbound warehouse manager (Responsable des flux sortants et des expéditions depuis les entrepôts) : ManoMano assure aussi bien le stockage que la préparation et l’expédition des commandes, et même le service après-vente des marchands présents sur sa marketplace. Ces derniers bénéficient ainsi d’un service complet, d’une expertise logistique très fine et voient, par la même occasion, leurs coûts largement optimisés.

ManoMano s’appuie sur trois hubs logistiques, tous basés en Europe. Le plus important est situé en France, tandis que les deux autres se trouvent en Espagne et en Italie. Nous proposons plusieurs millions de références d’outillage, de peinture ou encore de meubles d’extérieur. Un peu plus de 600 000 produits sont stockés au sein de notre entrepôt en France, à Châtres (77), d’une surface de 36 000 m².

Comment se décomposent vos objectifs de décarbonation et quelle est la contribution des Opérations pour aider l’entreprise dans sa quête ?

Henriette de Robillard, responsable RSE : ManoMano a récemment renforcé son engagement en faveur du climat et obtenu la validation de ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre par la Science Based Targets initiative (SBTi*). Plus globalement, cette validation est venue confirmer l’ambition des objectifs intégrés dans la trajectoire climat de notre entreprise, et leur alignement avec l’Accord de Paris, visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Nous nous sommes engagés, à horizon 2030 et par rapport à l’année de référence 2021, à réduire de 63,6 % en valeur absolue les émissions de gaz à effet de serre des scopes 1 et 2, qui correspondent aux consommations d’énergie dans nos bureaux et entrepôts. S’agissant du scope 3, les émissions liées aux biens et services achetés — notamment le cloud, le packaging et le marketing — devront baisser de 51,6 %, rapportées à chaque million d’euros de valeur ajoutée. Enfin les émissions de gaz à effet de serre du scope 3 provenant du transport et de la distribution en amont, ainsi que du transport et de la distribution en aval, à hauteur de 63,7 % par tonne transportée au kilomètre. À cela s’ajoute un autre objectif de réduction, celui des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation indirecte de notre plateforme, à raison de 51,6 % par page consultée.

Le transport est en effet l’un des trois postes émetteurs les plus importants avec les achats de biens et services et le packaging

Nos objectifs et notre démarche se veulent très ambitieux. Nous avons volontairement mis l’accent sur notre intensité carbone (NDLR : calcul qui relie les émissions de GES à la quantité de marchandises transportées par rapport à la distance parcourue.), de manière à réduire les émissions de GES de façon significative. Les objectifs liés au transport sont assez élevés - à la hauteur finalement de ce qu’il représente pour ManoMano. Le transport est en effet l’un des trois postes émetteurs les plus importants avec les achats de biens et services et le packaging. En 2023, la distribution amont des produits vendus a représenté plus de 1,6 milliard de tonnes transportées/km, dont 87 % par voie maritime, 10 % par voie routière et 3 % par voie aérienne.

Comment se répartit l’empreinte carbone des transports de ManoMano ?

Si l’on décompose la chose, l’aérien pèse à lui seul 19 % des émissions de GES en valeur par tonnes de CO2 équivalent, le cargo environ 3 % tandis que le transport routier (camions et véhicules utilitaires) pèse un peu plus de 5 %.

Néanmoins, si l’on observe ces données en valeur par tonnes de CO2 équivalent, l’aérien pèse à lui seul 70 % des émissions de GES liées au transport de ManoMano ; le cargo environ 11 % ; 12 % pour le transport routier en camion ; tandis que les véhicules utilitaires pèsent un peu plus de 6 %.

Quelles sont les pistes d’amélioration que vous avez identifiées sur vos opérations transports ?

Basculer sur une flotte de camions 100 % électrique sur le ‘first mile’ (trajet entre les entrepôts et les centres de tri des transporteurs) en France est une piste de réflexion que nous explorons

AT : Les expéditions depuis nos entrepôts sont réalisées exclusivement par la route, en vrac et palettes. Basculer sur une flotte de camions 100 % électrique sur le « first mile » (trajet entre les entrepôts et les centres de tri des transporteurs) en France est une piste de réflexion que nous explorons. Si nous étudions des solutions pour le first mile, c’est parce que nous sommes en mesure de contrôler cette partie du flux. La question qui se pose actuellement est celle du retour sur investissement. Il est nécessaire de parvenir à maximiser l’utilisation de ces solutions pour en tirer un avantage sur le volet économique. La mutualisation des moyens mis en place constitue en ce sens une éventualité.

Sur le last mile, nous nous appuyons sur nos partenaires transporteurs car nous ne livrons pas nous même. À ce sujet, nous avons constaté que nombre d’entre eux avaient déjà entamé l’électrification de leur flotte. Leurs avancées sont tout à fait réelles et le mouvement est notable ; c’est toute l’industrie qui bouge. Nous suivons donc tout cela de très près, d’autant que cela pourrait avoir un impact positif sur notre bilan carbone et notre trajectoire de réduction.

HdR : À cela s’ajoute un autre choix fort : l’interdiction du transport aérien pour les commandes extra-européennes inscrite dans notre charte qualité depuis l’été 2024. Cette exclusion est auditée de façon régulière par nos soins. Ainsi nous ne comptons désormais plus que 1,10 % des commandes transportées par voie aérienne, contre 4,21 % en 2022. Cette décision structurante apportera sa contribution à l’atteinte de nos objectifs de décarbonation.

Avez-vous encore des marges d’amélioration en la matière, notamment sur le transport de palettes ?

AT : Les leviers sont évidemment plus importants sur le vrac que sur le transport de palettes. En 2024, les taux de remplissage de nos camions s’établissent à plus de 70 % en moyenne.

Certains de vos choix remettent-ils en question votre promesse d’une livraison toujours plus rapide, comprise entre 24h et 48h ?

AT : Tout est fait pour que cela n’ait aucune incidence sur l’expérience client. Les équipes transport et préparations en entrepôts sont parfaitement sensibilisées et au courant des enjeux autour des délais de livraison. La gestion de cette complexité est complètement intégrée. Nous veillons à ne jamais bouleverser l’expérience client, à tenir nos engagements à leur égard, tout en garantissant à nos transporteurs des camions remplis au maximum. C’est toute une mécanique de précision que nous tâchons d’accorder quotidiennement.

De quelle manière la collaboration entre direction des opérations et direction RSE se matérialise-t-elle ?

HdR : Nous nous réunissons deux fois par mois pour évoquer chacun des sujets que nous avons présentés - transport, first et last mile, logistique, packaging … - et nos progrès. Ces réunions sont essentielles, puisqu’elles nous permettent de piloter les projets et assurer leur suivi dans le temps. Nous y partageons des bonnes pratiques, des idées et définissons les standards de notre feuille de route. Cet espace nous permet aussi de remonter toutes les innovations “supply chain durables“ aperçues et susceptibles de nous aider à atteindre plus rapidement nos objectifs.

Arrive-t-il que des contradictions entre vos priorités respectives enrayent vos rapports ?

AT : Non, pas particulièrement. Et lorsque cela peut arriver, en apparence, nous travaillons en bonne intelligence pour trouver le bon compromis. Les aspects économiques et la RSE sont des priorités, assumées, et ne viennent pas s’écharper. La RSE occupe et continuera d’occuper une bonne place dans la feuille de route des Opérations et de l’entreprise en général ; ainsi, tous les choix qui participent à la décarbonation de nos activités viennent appuyer le business, le favoriser, le développer. Ils sont effectués de la sorte.

Un projet emblématique récent vient illustrer cela : le déploiement d’un matelasseur à cartons sur un de nos sites. Ainsi, par son intermédiaire, 100 % des cartons reçus en entrepôt sont récupérés et ensuite recyclés pour servir de calage aux produits emballés. Nous réduisons comme cela nos achats de matières premières et évitons de gaspiller davantage par la même occasion. Le projet est vertueux et est plus que profitable sur le plan économique, puisqu’il génère des économies bienvenues avec ces achats évités.

L’entreprise veut continuer à grandir et pour cela, elle a imaginé un modèle où business et RSE se servent mutuellement.

Cet exemple vient-il démonter les idées reçues sur les surcoûts que cacheraient les démarches vertueuses ?

HdR : Effectivement. La décarbonation a un coût, évidemment et il n’est pas question de le nier, mais le coût de l’inaction est sans aucun doute plus important. Certaines solutions, comme évoqué ici, peuvent même dégager des gains importants sur le plan économique. Mais cela suppose d’y croire et de mettre sur pied une feuille de route tangible. Le tout est d’adopter la bonne approche et de sensibiliser en interne sur l’intérêt de démarches responsables.

Pour lire l’entretien complet, retrouvez l’article sur Républik Supply